Les spécialistes tentent d’expliquer les poumons blancs en Chine: «Cela n’a aucun sens»

Par Marina Zhang
10 janvier 2023 12:59 Mis à jour: 10 janvier 2023 13:01

Alors que les données officielles de la Chine font état d’une maladie bénigne et d’un faible taux de mortalité lors des dernières vagues de Covid‑19, les médias sociaux chinois sont inondés de récits sur les poumons blancs, une forme de pneumonie pulmonaire.

Les amas blancs apparaissant sur les tomographies et les radiographies sont des indices d’inflammation et de pneumonie, deux signes inquiétants souvent observés dans les cas de Covid‑19 modérés à sévères.

Des témoignages de décès après des infections, d’hôpitaux et de morgues débordés, ont inondé Weibo (le Twitter chinois) et les plateformes chinoises de vidéos courtes.

Les poumons blancs : l’indice d’une maladie grave

Le Dr Joseph Varon, spécialiste des soins intensifs pulmonaires de l’université Baylor, exprime sa perplexité face aux témoignages sur les poumons blancs inondant les médias sociaux chinois.

« Cela n’a aucun sens », déclare‑t‑il, faisant référence aux rapports officiels de la Chine selon lesquels les souches dominantes en circulation sont BA.5.2 et BF.7, deux sous‑variants Omicron qui provoquent une maladie bénigne.

Omicron en général, « ne provoque pas les poumons blancs », poursuit‑il. « Ces images [sur les médias sociaux] suggèrent que nous avons affaire à quelque chose de très similaire à Delta ».

La blancheur dans les radiographies est l’indice d’une maladie grave. « Plus les poumons sont blancs, plus on a de chances de mourir », explique le Dr Varon, s’appuyant sur une étude qu’il a cosignée sur le pronostic de la maladie.

Les différents marqueurs de surface d’Omicron rendent le variant plus apte à infecter les voies aériennes supérieures plutôt qu’à provoquer une inflammation et une pneumonie dans les poumons. La pneumonie est plus susceptible d’être observée chez les patients infectés par Omicron s’ils sont âgés et gravement immunodéprimés.

Epoch Times s’est récemment entretenu avec un homme de 36 ans en Chine, qui n’avait pas de problèmes de santé sous‑jacents mais a développé des poumons blancs à la mi‑décembre 2022 après avoir développé des symptômes de grippe.

Ayant la sensation de ne plus pouvoir respirer, il s’est fait admettre à l’hôpital. Les médecins n’ont pas posé de diagnostic mais lui ont prescrit de l’Azvudine, un médicament approuvé sous conditions en Chine pour traiter le Covid‑19.

Le Dr Paul Marik, spécialiste des soins intensifs pulmonaires, explique que les poumons de ce patient, sur les scanners, présentent les signes typiques d’une pneumonie Covid‑19.

Le Dr Varon s’interroge sur la souche qui provoque les poumons blancs et se demande s’il s’agit bien d’un sous‑variant Omicron.

Tomodensitométrie des poumons fournie par un patient chinois ayant développé des symptômes de type grippe à la mi-décembre 2022. (Epoch Times)

Une immunité faible et altérée par les confinements

Le Dr Stanley Perlman, microbiologiste, affirme « ne pas être surpris » par ces nombreux cas de poumons blancs en Chine.

Selon lui, les politiques de zéro Covid, les contrôles stricts, les confinements ont condamné les gens à être sous‑exposés et peu immunisés contre le virus, ce qui augmente leurs chances de développer une maladie grave.

Le Dr William Schaffner, professeur de maladies infectieuses à la faculté de médecine de l’université Vanderbilt, reconnaît que les mesures de confinement ont réduit l’exposition au virus et l’immunité naturelle.

« En Chine, le confinement était si rigoureux », explique le Dr Schaffner. « Cela a vraiment réduit la transmission du Covid. »

Selon le Dr Schaffner, l’ensemble du monde est désormais confronté à Omicron et reçoit trop peu de données provenant de Chine sur les taux de décès et d’infections pour pouvoir faire une évaluation précise de la situation.

Le Dr David Bell, spécialiste en maladies infectieuses et ancien médecin de l’Organisation mondiale de la santé, est très critique quant aux politiques de confinement de la Chine. Il estime qu’elles ont contribué à l’apparition d’une vague d’une telle ampleur.

Selon lui, on sait depuis toujours que les confinements ne permettent pas de contrôler un virus respiratoire, en revanche, ils peuvent potentiellement affaiblir le système immunitaire des personnes s’ils sont prolongés à l’extrême.

De plus, les enfants maintenus dans des environnements stériles et isolés développent des réponses immunitaires affaiblies lorsqu’ils sont exposés à des agents extérieurs.

« J’appelle cela le garçon bulle », déclare le Dr Varon. « C’est comme si vous aviez un enfant. Vous voulez protéger l’enfant de tout ce qui peut l’infecter, mais vous voulez aussi le laisser avoir une vie normale. Si vous le gardez dans une bulle de verre, tout peut le tuer. »

Le Dr Paul Marik, spécialiste des soins intensifs pulmonaires, déclare que les humains allaient obligatoirement interagir une fois les restrictions levées, et recommencer naturellement à propager le virus.

« Cela [l’augmentation des cas et des décès] allait se produire. C’était juste une question de quand cela allait se produire « , déclare‑t‑il.

Station de tests antigéniques à Shanghai, le 19 décembre 2022. (Hector Retamal/AFP via Getty Images)

Réfutation des arguments sur l’affaiblissement de l’immunité

Le Dr Li‑Meng Yan, virologue, s’est montré plus sceptique quant au fait que les poumons blancs résultent d’un manque d’immunité collective.

Selon lui, un tel raisonnement suppose que peu de personnes ont été infectées lors des précédentes épidémies en Chine, mais cela est invérifiable.

Depuis l’apparition de Covid‑19 en Chine en 2019, toutes les données sur les taux d’infection et de mortalité proviennent des rapports officiels de la Chine et aucun groupe de recherche extérieur n’a été en mesure de vérifier les chiffres de manière indépendante.

Le Dr Yan, qui a étudié le virus du SARS‑CoV‑2 à l’Université de Hong Kong au début de la pandémie, explique que le partage des données entre les laboratoires de recherche de Chine continentale et de Hong Kong est soudainement devenu contrôlé et scruté. Les scientifiques de Hong Kong ne pouvaient travailler qu’avec les données officielles et faire leurs propres estimations.

Des entretiens menés avec des citoyens chinois au cours des premières épidémies ont également montré que, lors de la toute première épidémie de Wuhan, le nombre de cas et de décès a été sous‑déclaré, les hôpitaux refusant les personnes présentant les symptômes du Covid‑19.

Selon le Dr Yan, il est probable que les premières épidémies aient été plus graves que ce qui a été officiellement déclaré. Le Dr Yan veut dire par là que si un plus grand nombre de personnes avaient été infectées et étaient décédées, alors un plus grand nombre de personnes devraient maintenant avoir un certain degré d’immunité contre Omicron.

Pourtant, des villes comme Wuhan et Changsha, toutes deux des foyers de Covid‑19 lors des précédentes vagues, voient aujourd’hui les hôpitaux et les morgues surchargés à nouveau.

Le problème de la nouvelle vague chinoise est le même que celui de la première, il y a trois ans : les données ne sont pas vérifiables et les taux réels de mortalité et d’infection sont probablement sous‑estimés.

Si la levée de la politique zéro Covid a contribué à la propagation de l’épidémie, le Dr Yan fait valoir que les mesures de confinement strict n’étaient pas cohérentes.

La couverture des médias sur les confinements à Shanghai et au Xinjiang, qui ont duré des mois et laissé de nombreuses personnes affamées, n’était pas cohérente. Selon lui, si ces confinements ont été sévères et bien réels, la plupart des politiques zéro Covid concernaient avant tout le traçage des cas contact et le déploiement d’un « contrôle numérique utilisant des codes pour suivre les gens ».

Une fois les confinements levés, les contacts reprenaient imprudemment : les gens travaillaient à nouveau et sortaient se faire tester quotidiennement, ce qui les plaçait dans un environnement d’exposition virale.

Selon les données de l’OMS, plus de 86% de la population chinoise a reçu les deux injections primaires des vaccins chinois Covid, qui sont des vaccins de type traditionnel contenant des virus SRAS‑CoV‑2 inactivés, et environ 55 % a reçu un rappel.

Au vu de ces chiffres, le Dr Yan affirme que la plupart des gens ont un certain niveau d’immunité.

À la lumière de ces incohérences, le Dr Yan estime que les agences sanitaires mondiales devraient demander pourquoi les autorités chinoises ont arrêté les tests PCR qui permettaient de surveiller l’émergence de nouveaux variants.

Le Dr Schaffner s’inquiète également du fait que les variants ne sont pas surveillés.

Avec un tel nombre de personnes infectées, il y a « une certaine inquiétude » parmi les biologistes et les autorités de santé publique, poursuit le Dr Schaffner, car nous sommes peut‑être face à un nouveau variant qui peut échapper à la protection des vaccins et des médicaments.

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