Opinion
Les tensions entre la France et l’Algérie font de l’Espagne un État tampon pour l’immigration clandestine en Europe

Quatre migrants tentent de traverser le pont frontalier hispano-français de Saint-Sébastien, entre Irún (Espagne) et Hendaye (France). Image d'archive.
Photo: Ander Gillenea /AFP via Getty Images
Dans un contexte de tensions diplomatiques croissantes entre la France et l’Algérie , le rejet systématique des rapatriements par le gouvernement algérien exacerbe la pression migratoire sur l’Espagne. Le refus de l’Algérie d’accueillir ses ressortissants expulsés de France non seulement complique la politique intérieure française, mais génère également un effet de rebond direct vers l’Espagne. Des régions comme la Murcie, la Catalogne et les îles Baléares deviennent des points chauds pour des arrivées illégales visant en réalité la France comme destination finale, avec une augmentation du recours aux petites embarcations et aux routes maritimes en provenance d’Afrique du Nord. Mais ce phénomène n’est ni isolé ni nouveau. L’histoire récente révèle des schémas inquiétants où la France a choisi d’exporter son problème migratoire vers l’Espagne, notamment de l’autre côté de la frontière, au Pays basque et dans les Pyrénées. Cette attitude, à la limite d’une irresponsabilité étatique, non seulement encourage l’immigration illégale, mais menace également de faire de l’Espagne un État tampon, utilisé pour amortir simplement des flux illégaux que l’Europe refuse de gérer.
Permettez-moi de rappeler les faits marquants du récent incident qui a exacerbé cette crise. En février dernier, un immigré clandestin algérien, au casier judiciaire chargé notamment de violences conjugales et d’autres délits mineurs, a été interpellé à Nice et a a reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Lors du processus de rapatriement, les autorités algériennes l’ont refoulé à l’aéroport d’Alger, exigeant des passeports valides ou des autorisations consulaires spéciales. Ce refus, accompagné d’un traitement méprisant envers les officiers français – « Bon, c’est bon, partez » – n’est pas un cas isolé. Il fait suite à celui de l’influenceur Doualemn , arrêté pour incitation à la violence, et s’inscrit dans un contexte plus large de différends concernant le Sahara occidental et la coopération sécuritaire. Le député français Éric Ciotti a qualifié cet incident de « nouveau scandale et nouvelle humiliation », qualifiant l’Algérie d’« État voyou ». L’individu est actuellement détenu dans un centre de rétention en Seine-et-Marne, son OQTF étant en vigueur, mais sans destination viable.
Les répercussions pour l’Espagne sont immédiates et graves. Des sources du Commissariat général de l’immigration et des frontières (CGEF), consultées par l’auteur, ont alerté sur le fait que le renforcement des contrôles aériens en France détourne déjà de nombreux flux migratoires vers les côtes espagnoles. La Murcie, proche de la Méditerranée occidentale, la Catalogne, avec ses ports comme Barcelone, et les îles Baléares, en tant qu’enclave insulaire, connaissent une augmentation considérable des arrivées illégales. Ces arrivants ne cherchent pas seulement l’Espagne comme point de transit vers la France, mais, face au blocage français, choisissent d’y rester indéfiniment. Cela exacerbe les problèmes de criminalité dans des villes comme Barcelone et Palma, où l’échec de l’intégration des immigrants illégaux contribue à l’insécurité et génère des tensions sociales. Le manque de coopération algérienne ne fait qu’amplifier ce chaos, faisant de l’Espagne une destination par défaut.
Mais dépassons la situation actuelle et examinons les archives pour contextualiser cette dynamique perverse. La France n’est pas étrangère à la pratique des renvois massifs d’immigrés clandestins vers l’Espagne, parfois sans garanties juridiques adéquates. En 2018 , par exemple, les autorités françaises ont rapatrié plus de 9000 immigrés illégaux vers l’Espagne entre janvier et octobre, soit environ 1000 par mois. Ces retours ont principalement été effectués par les postes-frontières du Pays basque, comme Irún, et des Pyrénées, en profitant d’accords bilatéraux qui, en pratique, permettaient des expulsions expresses sans procédures exhaustives. Nombre de ces immigrés, originaires d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb, étaient entrés illégalement en France depuis l’Espagne et ont été simplement renvoyés.
Un an plus tard, en 2019, le problème persistait. Des sources du ministère espagnol de l’Intérieur ont confirmé que la France renvoyait chaque mois des centaines d’immigrés clandestins, dont beaucoup sans les garanties légales requises par la réglementation européenne. Une décision de justice rendue en mars de la même année a contraint la France à mettre fin à certaines de ces pratiques irrégulières, mais après seulement que des milliers d’entre eux aient été renvoyés vers le territoire espagnol. Ces incidents n’étaient pas de simples anecdotes ; ils répondaient à une stratégie française visant à sécuriser sa frontière nord tout en allégeant la pression sur le sud, notamment à la frontière franco-espagnole. La fermeture temporaire des postes-frontières en 2021, motivée par la crainte de vagues migratoires, n’a fait qu’accroître les traversées illégales par les Pyrénées. À Irún, une augmentation notable des tentatives d’entrée illégale a été enregistrée, les immigrés algériens et marocains optant pour des routes de montagne pour échapper aux contrôles. Au lieu d’assumer ses responsabilités, la France a choisi de rediriger le flux vers l’Espagne, exacerbant ainsi notre vulnérabilité.
Ces cas historiques illustrent une tendance inacceptable. La France utilise l’Espagne comme soupape de sécurité pour sa propre inefficacité en matière d’immigration. Alors que Paris durcit son discours contre l’immigration clandestine – comme on l’a vu en janvier 2025 avec des mesures plus strictes –, elle n’hésite pas à exporter le problème chez ses voisins. Cette attitude est non seulement hypocrite, mais contraire à l’esprit de solidarité européenne inscrit dans des traités comme Schengen. Pourquoi l’Espagne devrait-elle assumer les conséquences des tensions franco-algériennes ? L’immigration clandestine, en elle-même, représente un défi qui érode la souveraineté nationale, surcharge nos services publics et favorise la consolidation de réseaux criminels organisés dans tout le Maghreb, sans compter les nombreuses conséquences négatives déjà bien connues. Il ne s’agit pas de xénophobie, mais de réalisme : l’entrée incontrôlée de milliers d’immigrés clandestins chaque année génère instabilité et insécurité.
Critiquer cette immigration clandestine ne signifie pas rejeter l’immigration légale et ordonnée, qui a historiquement enrichi l’Espagne. Mais l’immigration clandestine, alimentée par les mafias et facilitée par la passivité internationale, est un poison lent. En refusant les rapatriements et en renvoyant les immigrants illégaux en Espagne, la France agit en voisin égoïste qui privilégie son image nationale à la coopération bilatérale. Rappelons que des accords tels que l’accord de coopération franco-espagnol contre le terrorisme de l’ETA comportaient des clauses sur la réadmission des immigrants illégaux, mais celles-ci ont été détournées pour servir d’outil afin d’alléger la charge du territoire français aux dépens de notre pays. La police française, obsédée par le blocage des accès, a intensifié les contrôles à la frontière, mais cela ne fait que détourner les routes vers des passages non surveillés dans les Pyrénées, augmentant les risques sécuritaires et surchargeant l’Espagne.
Le plus grand danger est que l’Espagne devienne un État tampon, un simple conteneur pour le surplus migratoire européen. Si les tensions franco-algériennes persistent – et tout porte à croire que ce sera le cas, compte tenu de l’accumulation des refus – notre pays pourrait connaître une augmentation exponentielle des arrivées illégales. Déjà en 2021, le refus de la France de rouvrir tous les points de passage frontaliers était justifié par la « peur de l’immigration », faisant de l’Espagne l’arrière-cour de l’UE. Cela met non seulement à rude épreuve nos frontières maritimes et terrestres, mais érode également notre capacité de réaction. Combien de temps encore allons-nous permettre à la France de nous utiliser comme dépotoir migratoire ? L’Union européenne doit intervenir et exiger la réciprocité de la part de membres tels que la France.
En conclusion, la crise actuelle est un avertissement : sans politiques fermes contre l’immigration clandestine et sans responsabilisation de nos alliés, l’Espagne risque de devenir le tampon oublié de l’Europe. Il est temps de donner la priorité à notre souveraineté, de renforcer nos frontières et d’exiger une véritable coopération. Sinon, les tensions diplomatiques étrangères continueront de dicter notre destin migratoire, avec des conséquences imprévisibles pour notre société. L’histoire, comme le montre la presse et les archives, ne ment pas ; ignorer ces schémas ne fera que perpétuer le cycle.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Rubén Pulido a servi pendant onze ans dans l'armée de l'air, où il a obtenu un master en relations internationales à l'UCAM. En dehors du domaine militaire, il a conseillé des organismes en matière d'immigration, a été directeur de la communication d'un groupe parlementaire en Andalousie et collabore actuellement avec plusieurs médias et organismes publics.
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