L’Europe tente de jouer sur les deux tableaux avec la Chine

L'Europe est déchirée en ce qui concerne le commerce avec la Chine

Par Milton Ezrati
22 février 2023 19:05 Mis à jour: 22 février 2023 19:05

Alors que Washington intensifie la pression sur la Chine et montre sa ferme intention de dissocier les économies américaine et chinoise, l’Union européenne (UE) se retrouve dans une impasse.

Bruxelles tient clairement au commerce avec la Chine. En même temps, le soutien public de ce commerce diminue en Europe, la pression américaine ne peut être écartée et les dirigeants européens ont de plus en plus de mal à ignorer les politiques commerciales déloyales de Pékin. Ces dirigeants aimeraient trouver une voie médiane équilibrée, bien que leurs efforts allant dans ce sens deviennent de plus en plus difficiles.

La position de l’Amérique s’est bien raffermie. Pendant une longue période, Washington ainsi que les entreprises américaines ont préféré ignorer les abus de Pékin – le vol pur et simple de la propriété intellectuelle, le recours massif aux subventions d’État et les conditions inhabituelles imposées à quiconque voulait vendre en Chine ou s’y approvisionner. Toutes ces pratiques sont contraires aux pratiques commerciales acceptées et violent les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Toutefois, à mesure que l’économie chinoise devenait de plus en plus importante au niveau mondial, il était de plus en plus difficile de fermer les yeux sur ces pratiques. La première riposte américaine s’est produite sous l’administration Trump, qui a tenté de faire pression sur Pékin en imposant des droits de douane élevés sur les produits chinois entrant aux États-Unis.

Bien que Joe Biden ait critiqué ces droits de douane pendant sa campagne présidentielle de 2020, il les a maintenus en place pour les mêmes raisons que l’administration Trump les avait imposés. Il est même allé plus loin, en signant, en 2022, la loi sur la réduction de l’inflation et la CHIPS and Science Act, qui représentent une réponse à l’utilisation par Pékin de subventions pour la technologie avec un équivalent américain. Ces lois, notamment la dernière, comprennent des restrictions sur l’exportation vers la Chine de puces avancées ainsi d’équipements de fabrication de puces. Tout récemment, le président de la Commission des services financiers de la Chambre des représentants a désigné la Chine comme « la plus grande menace pour la position mondiale de l’Amérique ».

Li Keqiang, le Premier ministre chinois de l’époque (2e à dr.), regarde le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker (centre) alors qu’ils participent à la table ronde sur le commerce Chine-UE au Grand palais du Peuple à Pékin, le 16 juillet 2018. (Ng Han Guan /AFP/Getty Images)

L’Europe, naturellement, s’est plainte des subventions inscrites dans la législation américaine. Emmanuel Macron a appelé à trouver une réponse pour « soutenir nos secteurs stratégiques » et « contrer le risque de délocalisation ». Mais l’Europe est moins préoccupée par les mesures américaines qu’il n’y paraît à première vue. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, même si elle a fait écho aux déclarations d’Emmanuel Macron, a clairement indiqué que les préoccupations de l’Europe concernaient davantage la Chine que les États-Unis. « Le sujet », a-t-elle insisté, « est beaucoup plus vaste » que les actions américaines et nécessite « une stratégie beaucoup plus large », ajoutant que les mesures américaines ont le mérite d’être claires, tandis que celles de la Chine sont opaques avec des « subventions cachées ».

Pourtant, l’Europe a du mal à adopter une position ferme. Malgré l’utilisation fréquente du mot « dissociation » par Washington, ni les dirigeants de l’Union européenne ni les autorités de ses pays membres ne s’expriment dans ce sens. Outre le besoin chronique des Européens de paraître indépendants des États-Unis, leur réticence à suivre l’exemple américain reflète la forte dépendance de l’Europe vis-à-vis de la Chine, une dépendance bien plus importante que celle de l’Amérique.

Le commerce entre l’UE et la Chine a augmenté à un taux annuel de plus de 12% au cours des deux dernières années. La Chine produit 20% des importations de l’UE et absorbe 10% de ses exportations. La quasi-totalité des panneaux solaires européens provient de Chine, de même que tous les éléments de terres rares dont l’économie européenne a besoin pour produire des batteries et des voitures électroniques. Bruxelles et les dirigeants des États membres, qui ont déjà subi les conséquences de la rupture des liens commerciaux avec la Russie après son invasion de l’Ukraine, sont particulièrement réticents à l’idée de perturber encore davantage leur commerce.

Malgré toutes ces contraintes, l’Europe a exprimé son mécontentement à l’égard des politiques de Pékin. En 2013, l’UE a imposé des droits antidumping à la Chine, affirmant son recours à des subventions. Il n’y a pas si longtemps, l’UE a imposé des sanctions à la Chine pour des violations des droits de l’homme, ce qui a sabordé un vaste accord sur les investissements sur lequel Pékin et Bruxelles avaient négocié pendant des années. Plus récemment, l’UE a adopté de nouvelles règles lui permettant d’enquêter sur les entreprises étrangères qui bénéficient de l’argent du gouvernement. Les Pays-Bas se sont également joints à l’interdiction imposée par Washington sur la vente de puces avancées et d’équipements de fabrication de puces à la Chine.

Le renforcement de cette tendance indique clairement que l’opinion publique européenne s’est retournée contre la Chine. Même dans le monde des affaires, le nombre de sociétés opérant en Chine a diminué. Seulement 10 sociétés en Europe et au Royaume-Uni représentent 80% des investissements en Chine.

En même temps, les investissements chinois en Europe ont également diminué et se situent à leur plus bas niveau depuis 2013. Les difficultés liées à la perte des échanges commerciaux avec la Russie ont servi d’avertissement à l’Europe pour, selon les paroles du secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, éviter une « dépendance dangereuse ».

Alors que l’UE et le Royaume-Uni tentent de conserver ce qu’ils trouvent important dans leurs liens commerciaux avec la Chine, il est évident que ces grandes économies s’éveillent aux mêmes préoccupations que Washington. Si ces nations, pour des raisons évidentes, refusent tout simplement de se joindre aux États-Unis, la tendance à défier la Chine communiste prend de l’ampleur, bien que lentement.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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