L’ex-ministre de la Santé François Braun s’oppose au projet de loi sur « l’aide à mourir » d’Emmanuel Macron

Par Etienne Fauchaire
16 mars 2024 20:33 Mis à jour: 15 avril 2024 12:53

La mort médicalement administrée comme ultime « soin » : le projet de loi pour une « aide à mourir » ne fait pas consensus, jusqu’au sein même de la macronie. Dans une interview accordée ce vendredi à Valeurs Actuelles, l’ancien ministre de la Santé François Braun est monté lui-même au créneau pour mettre en garde contre une législation polémique dont l’entrée en vigueur ne souffrirait « aucun retour en arrière possible ». Un risque de bouleversement anthropologique ?

« Avec ce texte, on regarde la mort en face », plaidait Emmanuel Macron dans une interview conjointe à La Croix et à Libération pour justifier son nouveau modèle de la fin de vie, dimanche dernier. « Ne faites pas de l’acte de tuer un acte médical », a rétorqué l’ancien ministre de la Santé dans les colonnes de l’hebdomadaire Valeurs Actuelles.

« On ne peut pas se cacher derrière la sémantique »

Car derrière des précautions lexicales, il s’agit bel et bien d’une réforme sociétale majeure visant à autoriser dans le droit français l’euthanasie et le suicide assisté, quand bien même le président de la République récuse catégoriquement ces termes.

En vertu du projet de loi, les patients concernés se verraient prescrire un agent létal à administrer de façon autonome ou avec assistance. « Si le texte privilégie le suicide assisté, il pourrait autoriser l’euthanasie effectuée par un soignant ou même par un proche », souligne le Figaro.

« On ne peut effectivement pas se cacher derrière la sémantique. On parle de mort. Quelles que soient les circonvolutions, à la fin, il s’agira de donner ou non la mort », martèle l’ancien ministre du gouvernement d’Elisabeth Borne, qui juge cette initiative « prématurée ». À ses yeux, « tout l’enjeu » se décline prioritairement autour des soins palliatifs.

Et pour cause : du fait notamment d’une répartition inégale des structures spécialisées sur le territoire et de soignants en nombre insuffisant, seuls 30 % des patients qui en auraient besoin ont accès à des soins palliatifs en France, selon la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Constat similaire du côté de la Cour des comptes. Dans son rapport remis en juillet 2023, la juridiction écrit que les besoins estimés de soins palliatifs « ne seraient couverts qu’à hauteur de 50 % ». De quoi faire dire à la controversée Convention citoyenne sur la fin de vie que le pays, confronté à un vieillissement de sa population, n’est toujours « pas à la hauteur des enjeux », se prononçant donc pour leur renforcement en vue d’une meilleure égalité d’accès en application de la loi Claeys-Leonetti.

« Une logique extrêmement dangereuse »

C’est pourquoi « il ne faudrait, à aucun moment, faire évoluer la loi sur la fin de vie parce qu’on est défaillant au niveau des soins palliatifs », tient à faire valoir le médecin urgentiste : « Il y aurait un vrai risque de dérive en effet de se décharger du développement de ces soins parce qu’on autoriserait le suicide assisté. » Et de prévenir : « Ce serait une logique extrêmement dangereuse. »

François Braun, qui explique voir depuis des décennies « la mort sous toutes ses formes » dans le cadre de son activité, rappelle que rares sont les patients ne revenant pas sur leur décision de se donner la mort une fois pris en charge par une unité de soins palliatifs, dont le rôle est justement « d’atténuer les souffrances ». « C’est là-dessus que le politique doit porter tous ses efforts, car c’est là-dessus que les soignants exercent pleinement leur rôle. »

Y a-t-il néanmoins une utilité à légiférer sur ce dossier sensible ? Non, s’exclame sans détour l’homme connu pour sa vision libérale de l’hôpital : « La médecine, ce n’est pas la société. Si cette dernière veut légaliser le suicide assisté ou l’euthanasie, j’ai envie de leur dire, faites-le mais sans nous ! Laissez-nous en dehors de tout cela. Arrêtons de tout légiférer, surtout sur des questions aussi périlleuses, et faisons confiance aux médecins. Que la société évolue comme elle l’entend, mais de grâce, écoutez les soignants. Écoutez leurs arguments. Ne faites pas de l’acte de tuer un acte médical ! »

Une position qui, selon des rumeurs, aurait pu être à l’origine de son débarquement du gouvernement en juillet 2023 au moment du nouveau remaniement. Malgré un thème en apparence consensuel — selon un sondage IFOP réalisé en 2023, 70 % des Français sont favorables à une aide active à mourir —, le médecin est loin d’être isolé au sein du corps médical. Le mois dernier, treize organisations professionnelles et sociétés savantes représentant 800.000 soignants, signaient un texte lapidaire pour dénoncer un projet de loi qui constituerait « un glissement éthique majeur » venant tout bonnement « bouleverser la définition du soin ».

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