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Lithium manquant : un oligo-élément clé contre Alzheimer ?

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Photo: Epoch Times/Shutterstock

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Durée de lecture: 12 Min.

Avant que la mémoire ne s’estompe avec la maladie d’Alzheimer, une autre chose disparaît en silence : le lithium.
Une vaste étude de plusieurs décennies révèle que le lithium, que l’on obtient naturellement par l’alimentation, pourrait être essentiel à la santé du cerveau. Une carence pourrait potentiellement ouvrir la voie à la neurodégénérescence.
Le lithium est souvent associé aux piles rechargeables, mais il est utilisé depuis longtemps comme stabilisateur d’humeur et se trouve naturellement dans certains aliments. « Il s’agit de la première étude à se pencher sur la carence en lithium et à montrer qu’il existe du lithium naturel dans le cerveau et qu’il y joue un rôle protecteur », a déclaré au journal Epoch Times le chercheur principal, le Dr Bruce Yankner, professeur de génétique et de neurologie.
« Nous avons été surpris de voir à quel point le lithium semble jouer un rôle central. Il a affecté de nombreux aspects de la maladie d’Alzheimer ».
Dans la récente étude publiée dans la revue Nature, l’équipe du Dr Yankner a découvert que les concentrations de lithium dans le cortex préfrontal du cerveau, une zone essentielle à la mémoire et à la prise de décision, chutaient de plus de moitié chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Ce déclin commence des années plus tôt, lors d’un léger trouble cognitif, qui signale souvent le début de la démence. En s’appuyant sur près de 400 échantillons de cerveaux humains et sur des modèles animaux, les chercheurs suggèrent que le lithium pourrait agir comme un micronutriment alimentaire — semblable au zinc ou au fer — aidant le cerveau à résister au vieillissement et aux maladies. Sa perte semble coïncider avec, et potentiellement être à l’origine de, plusieurs des premiers changements observés dans la maladie d’Alzheimer.
« Restituer des niveaux de lithium sains pourrait devenir un moyen de prévenir la maladie avant que les symptômes ne se manifestent », a expliqué le Dr Yankner.
De quelles quantités de lithium parle-t-on ?
La maladie d’Alzheimer, qui touche plus de 55 millions de personnes dans le monde, se caractérise par l’accumulation de plaques amyloïdes et d’enchevêtrements de la protéine tau — des protéines anormales qui perturbent la communication entre les cellules cérébrales. Cependant, ces changements ne conduisent pas toujours à la perte de mémoire. Certaines personnes ayant des lésions d’amyloïde et de tau ne développent jamais de symptômes, tandis que d’autres déclinent rapidement.
Pour découvrir les changements chimiques qui pourraient aider à expliquer cette disparité, l’équipe du Dr Yankner a mesuré 27 éléments dans des échantillons de cerveau et de sang de personnes âgées, dont certaines étaient en bonne santé cognitive, d’autres avaient une légère déficience cognitive et d’autres encore avaient reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer.
Le lithium s’est distingué comme le seul élément présentant un déclin marqué et précoce chez les femmes comme chez les hommes atteints de déficience cognitive.
Chez les adultes en bonne santé, les niveaux de lithium dans le cortex préfrontal se situaient généralement entre 0,5 et 10 nanogrammes par gramme de tissu, soit seulement un milliardième de gramme. Cette fourchette indique des niveaux normaux. Chez les personnes atteintes de déficience cognitive légère, les niveaux étaient environ un tiers inférieurs à ceux de leurs pairs en bonne santé. Chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, la baisse était encore plus importante, avec des niveaux près de 60 % inférieurs à ceux des personnes n’ayant pas de problèmes de mémoire.
Il est à noter que les niveaux de lithium dans le sang sont restés stables dans tous les groupes, ce qui indique que la carence cible spécifiquement le cerveau.
« Ces résultats étaient si frappants que nous n’y avons pas cru au début », a déclaré le Dr Yankner. « Nous avons validé le résultat auprès de plusieurs banques de cerveaux avant d’être convaincus ».
D’autres oligo-métaux ont montré soit des changements incohérents, soit n’apparaissaient qu’à un stade plus avancé de la maladie d’Alzheimer.
La recherche a montré pourquoi le lithium chute : les plaques amyloïdes — amas protéiques collants au cœur d’Alzheimer — se lient directement au lithium et le piègent. Positivement chargé, il adhère aux plaques négatives comme un aimant, s’éloignant ainsi des neurones et cellules cérébrales qui en dépendent.

À mesure que les plaques s’accumulent, elles captent toujours plus de lithium, déclenchant un cercle vicieux : plus de plaques, moins de lithium disponible pour protéger les neurones. Le Dr Yankner parle d’un véritable “état de carence en lithium”, privant le cerveau d’une ressource clé pour sa réparation et sa résistance.

Quand le lithium s’épuise

Chez la souris, la baisse du lithium entraîne aussi des signes proches d’Alzheimer. Chez des souris âgées normales, un régime pauvre en lithium (-92 %) mais nutritionnellement identique a réduit de moitié le lithium cérébral : pertes de mémoire marquées, inflammation accrue et rupture des synapses, ces relais de communication entre neurones.

Chez des souris génétiquement prédisposées à Alzheimer, la carence a eu des effets encore plus nets : accélération des plaques amyloïdes, des enchevêtrements de tau et altérations génétiques proches de celles observées dans les cerveaux humains atteints.

Le mécanisme passe par une enzyme, la GSK3β, régulée par le lithium. Quand le lithium chute, GSK3β s’active, favorisant inflammation, dépôts de tau et dégénérescence neuronale.

Mais bonne nouvelle : cette perte de lithium, et les symptômes qui l’accompagnent, peuvent être inversés.

Quand les chercheurs ont traité des souris âgées ou prédisposées à Alzheimer avec de faibles doses de lithium orotate — une forme de complément qui n’est pas piégée par les plaques comme le lithium médicamenteux —, les résultats ont été encourageants :
• Moins de plaques amyloïdes et d’enchevêtrements tau.
Mémoire et apprentissage restaurés.
• Inflammation cérébrale réduite.
• Sans atteintes rénales ou thyroïdiennes, effets secondaires fréquents du lithium à forte dose.

Ces bénéfices semblent liés à la capacité du lithium à freiner l’enzyme GSK3β, à stimuler les microglies (cellules “nettoyeuses” du cerveau) et à rétablir l’activité de gènes impliqués dans la mémoire et l’apprentissage.

Cependant, ce qui fonctionne chez l’animal ne se confirme pas toujours chez l’humain : de nombreux traitements anti-Alzheimer prometteurs ont échoué en clinique.

Un paradigme encore inexploré

Ces résultats rejoignent des observations épidémiologiques. Une étude danoise de 2017 portant sur 800.000 personnes a montré un risque de démence plus faible dans les régions où l’eau de boisson contenait naturellement plus de lithium. Les travaux du Dr Yankner pourraient en expliquer la raison.

Selon le neurologue Ashley Bush (université de Melbourne), ils ouvrent “une nouvelle piste pour comprendre les causes profondes d’Alzheimer et un paradigme thérapeutique encore inexploité.”

Le laboratoire du Dr Yankner cherche désormais si l’imagerie cérébrale ou des analyses sanguines pourraient détecter précocement la baisse de lithium, afin de permettre une prévention bien avant l’apparition des symptômes.

« De la même façon que l’on mesure le cholestérol LDL pour le risque cardiaque ou l’hémoglobine A1c pour le diabète, on pourrait un jour dépister le niveau de lithium — ou un marqueur associé — pour prédire le risque d’Alzheimer », explique le Dr Yankner.

Ashley Bush souligne toutefois que si le lithium pourrait jouer plusieurs rôles bénéfiques à faibles doses physiologiques, son usage préventif contre Alzheimer n’a pas encore été testé sérieusement chez l’humain.

Le lithium orotate est vendu en complément alimentaire dans certains pays, dont les États-Unis, mais les auteurs mettent en garde contre toute automédication. Des essais cliniques sont nécessaires pour évaluer sa sécurité et son efficacité dans la prévention et le traitement d’Alzheimer.

Sources naturelles de lithium

Bien qu’il ne soit pas officiellement reconnu comme micronutriment, le lithium était déjà vanté comme “remède universel” avant même son étude sur le cerveau.
À la fin du XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle, on le prescrivait pour l’humeur ou le métabolisme ; il entrait dans les eaux minérales thérapeutiques et même dans la formule originale du soda 7-Up, jusqu’à son interdiction en 1948.

Aujourd’hui, la population en reçoit surtout de petites quantités via l’alimentation et l’eau — généralement suffisantes pour soutenir la santé cérébrale.

 Les niveaux varient fortement selon la géologie et la composition des sols : certaines zones volcaniques ou riches en minéraux (Islande, Ouest du Texas, Australie-Occidentale) en contiennent naturellement plus.
Bien que les quantités soient infimes — en microgrammes ou milligrammes par jour —, elles suffiraient peut-être à soutenir un vieillissement cérébral sain.

Sources naturelles de lithium :

• Eau de boisson, surtout de source ou riche en minéraux.

• Légumes (pommes de terre, tomates, légumes verts à feuilles).

• Céréales complètes et légumineuses (haricots, lentilles).

• Infusions et certaines eaux minérales.

Par exemple, certaines eaux en bouteille d’Allemagne ou d’Italie contiennent 0,1 à 0,2 mg/L de lithium, contribuant ainsi à un apport quotidien sous forme de micro-doses.

Le Dr Yankner se dit « prudemment optimiste » : à faible dose, le lithium pourrait non seulement ralentir, mais aussi inverser un déclin cognitif précoce.

« Ce n’est pas un médicament, précise-t-il, mais une substance naturelle ».

Cara Michelle Miller est rédactrice indépendante et éducatrice en santé holistique. Elle a enseigné au Pacific College of Health and Science à New York pendant 12 ans et a dirigé des séminaires de communication pour les étudiants en ingénierie de la Cooper Union. Elle écrit maintenant des articles axés sur les soins intégratifs et les modalités holistiques.

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