Mali: la diplomatie en action pour endiguer une nouvelle crise majeure

Par Epoch Times avec AFP
26 mai 2021 12:15 Mis à jour: 26 mai 2021 12:49

Les diplomates seront à pied d’œuvre mercredi, de Bamako à New York, pour tenter d’endiguer une nouvelle crise politique majeure déclenchée au Mali par l’arrestation du président et du Premier ministre de la transition. 

L’homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, a indiqué mardi avoir écarté le président Bah Ndaw et son Premier ministre, Moctar Ouane, dans ce qui s’apparente à un deuxième putsch en neuf mois, suscitant une vaste réprobation internationale et la menace de premières sanctions.

Le médiateur de la Cédéao, l’organisation régionale ouest-africaine, Goodluck Jonathan, arrivé mardi dans la capitale malienne, a « obtenu le feu vert pour rencontrer mercredi le président de transition et son Premier ministre », a dit à l’AFP une source proche de la médiation à l’issue d’une rencontre avec le colonel Goïta.

« Nous sommes là pour aider nos frères maliens à trouver une solution à la crise, mais il est clair que la Cédéao pourrait rapidement, lors d’un prochain sommet, annoncer des sanctions », a dit à l’AFP un membre de la délégation, selon qui d’autres rencontres avec les colonels sont programmées.

– Moctar Ouane Premier ministre malien a été arrêté ainsi que le président, par la junte militaire du pays. Photo de RAVEENDRAN / AFP via Getty Images.

« Nous avons expliqué les raisons de la mise sur la touche du président de transition et de son Premier ministre », a pour sa part expliqué un membre du cabinet du colonel Goïta.

Réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU

La France et d’autre pays comme le Niger et la Tunisie ont par ailleurs obtenu qu’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU se tienne mercredi à 19H00 GMT, a appris l’AFP de sources diplomatiques à New York.

L’arrestation, lundi, des deux dirigeants et de plusieurs hauts personnages de l’Etat dans ce pays crucial pour la stabilité du Sahel, en proie à la propagation jihadiste, a provoqué une multitude de condamnations à l’encontre des militaires.

Le président français Emmanuel Macron, dont le pays engage plus de 5.000 soldats contre les jihadistes au Sahel, a parlé de « coup d’Etat dans le coup d’Etat inacceptable ».

Assimi Goïta et d’autres colonels maliens avaient déjà renversé le président élu Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020 avant d’installer des autorités de transition demeurées sous leur contrôle.

 

-Le colonel Assimi Goita au ministère malien de la Défense à Bamako, au Mali, le 19 août 2020 après avoir confirmé sa position de président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Photo par ANNIE RISEMBERG / AFP via Getty Images.

Les dirigeants de l’Union européenne sont « prêts, dans les prochaines heures, si la situation n’était pas clarifiée, à prendre des sanctions ciblées » contre les protagonistes, a affirmé M. Macron à l’issue d’un sommet européen.

Libération immédiate des personnes arrêtées

Les appels à la libération immédiate des personnes arrêtées et à un retour à la transition politique devant ramener les civils au pouvoir se sont succédé de la part de la mission de l’ONU au Mali (Minusma), de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), de l’Union africaine (UA), des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou encore de l’Allemagne.

Le colonel Goïta a rompu son silence mardi dans une déclaration de reprise en main lue par un collaborateur en uniforme sur la télévision nationale.

Le colonel Goïta reproche au président Bah Ndaw et au Premier ministre Moctar Ouane d’avoir formé un nouveau gouvernement sans le consulter, bien qu’il soit vice-président en charge de la défense et de la sécurité, domaines cruciaux dans le pays en pleine tourmente.

Une telle démarche témoigne de leur part « d’une intention avérée de sabotage de la transition », dit-il. Il s’est vu « dans l’obligation d’agir » et de « placer hors de leurs prérogatives le président et le Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation ».

Les évènements soulèvent aussi des questions sur le respect du calendrier de retour des civils au pouvoir.

Conduit en 2020 le putsch contre le président Keïta

Les autorités de transition avaient annoncé l’organisation en février-mars 2022 d’élections présidentielle et législatives. Le colonel Goïta, plus vague, dit que les élections se tiendront « courant 2022 ».

Le colonel Goïta avait conduit en 2020 le putsch contre le président Keïta après des mois de contestation populaire. La junte avait ensuite installé des autorités de transition, dont Bah Ndaw, militaire à la retraite, et Moctar Ouane, diplomate.

Les militaires s’étaient engagés, sous pression internationale, à rendre le pouvoir à des civils élus au bout de 18 mois. Ils conservaient cependant la main sur les leviers du pouvoir.

– La junte militaire avait pris le pouvoir au Mali le 19 août 2020, de nouveau elle reprend les rênes du pays. Photo par MALIK KONATE / AFP via Getty Images.

Lundi, les militaires ont fait arrêter le président, le Premier ministre, le nouveau ministre de la Défense et de hauts collaborateurs, quelques heures à peine après la présentation d’un nouveau gouvernement à la suite de la démission du précédent, confronté à une contestation grandissante.

Ils les ont fait conduire de force au camp de Kati, haut lieu de l’appareil de Défense à quelques kilomètres de Bamako, où l’ancien président Keïta avait dû annoncer sa démission.

Ils sont « sains et saufs », a indiqué un haut responsable militaire sous le couvert de l’anonymat.

Les Maliens plongés dans la consternation

Les colonels ont mal pris que deux des leurs aient été écartés des portefeuilles stratégiques de la Défense et de la Sécurité dans le nouveau gouvernement, disent les analystes.

Bien que prévisible, cet énième soubresaut a plongé les Maliens dans la consternation.

Malgré la prolifération du hashtag #wuli (« debout » en bambara) sur les réseaux sociaux, des appels à se rassembler à Bamako pour protester n’ont guère trouvé d’écho.

Le sociologue Bréma Ely Dicko voyait dans ces évènements le prolongement du putsch de 2020. « Ce qu’on est en train de vivre aujourd’hui est une conséquence logique des tares du début de la transition », quand les colonels ont tenu à l’écart les partis et les organisations de la société civile qui avaient mené pendant des mois la contestation contre l’ancien pouvoir, dit-il.

Le principal syndicat malien a annoncé mardi suspendre la grève lancée cette semaine, pour ne pas aggraver la crise politique.

 

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