Manifestations en France : les origines de la violence

21 juin 2016 12:00 Mis à jour: 21 juin 2016 16:10

Après que les casseurs s’en sont pris aux vitres de l’hôpital Necker la semaine dernière, un cap symbolique semble avoir été franchi dans l’expression aveugle de la violence. Les scènes de guérilla urbaine, qui se sont multipliées ces derniers mois, ont causé des millions d’euros de perte chez les petits commerçants et un sentiment d’exaspération chez les Français. Après le tollé général, le gouvernement est mis une nouvelle fois devant ses responsabilités même si les évènements peuvent dépasser parfois le cadre de sa propre fonction. Cette violence, qui s’est insinuée dans la société depuis plusieurs décennies, est révélatrice chez les jeunes générations d’une perte profonde de repères et de valeurs.

Les casseurs, une minorité violente et exaspérée

Les violences, lors des dernières manifestations, sont l’expression d’un sentiment de fond présent dans la société. Elle se cristallise par quelques centaines de casseurs ultra-violents, âgés en majorité de 20 à 30 ans, qui enfermés dans une idéologie anti-système, ont tout détruit sur leur passage.

« Ceux qu’on appelle les « casseurs », plutôt jeunes, plutôt d’extrême gauche – même s’il y en a à l’extrême droite – reviennent en force quand l’État est discrédité », rappelle le sociologue Laurent Mucchielli, chercheur au CNRS. La violence est revendiquée comme une réponse à la violence des autorités, l’opposition policiers/casseurs s’alimentant dans chaque heurt.

Selon Eddy Fougier, politologue et chercheur associé à l’Iris, « le degré d’exaspération » de certains jeunes s’est accentué, si bien qu’ils n’hésitent plus à passer du pacifisme à la violence comme moyen d’action et d’expression. Le « ras-le-bol général » de certains les amène à commettre des actes désespérés et irraisonnables avec une colère qui a dépassé depuis longtemps le cadre de la loi Travail, pour s’étendre « au monde qui va avec ».

L’État de droit comme première réponse à la violence

Selon Christian Lequesne, professeur de science politique à Sciences Po Paris, « face à des comportements violents, la démocratie dispose d’une réponse : la confrontation à la règle de droit ». Selon lui, le droit de grève et le recours à la manifestation sont des droits garantis par la démocratie, autant que l’est la protection des biens publics par les forces d’ordre. Il rappelle ainsi qu’en démocratie, « le corps d’un être humain – qu’il soit manifestant ou policier – ne peut pas être violé, tout comme ne peut pas l’être le bien privé d’autrui et le bien public ».

L’utilisation de l’article 49-3 également, souvent cité par les manifestants pour justifier la violence, n’est pas une violation de la démocratie, puisqu’il est inscrit explicitement dans la Constitution de la Ve République. Le professeur Lequesne précise aussi que dans « une démocratie, les citoyens ont la possibilité de demander une révision de la Constitution, ce qui aujourd’hui se manifeste seulement pour un bulletin de vote déposé dans l’urne lors des élections ».

Changer le modèle de la démocratie

Pour répondre à la montée des violences, Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche plaide pour une réforme profonde dans la façon dont la France est dirigée. « Notre système est à bout de souffle. Il faut que l’élection présidentielle qui arrive soit le moment de débattre des changements démocratiques qui s’imposent. C’est une question vitale », a-t-il défendu dans une interview le mois dernier au JDD.

Selon l’OCDE, la France a multiplié, en une génération, par plus de deux le taux de ses diplômés. C’est une situation inédite dans le monde, selon le secrétaire d’État, en 25 ans, le pays est passé de 20% de diplômés du supérieur à 44%. Les Français d’aujourd’hui ont donc davantage d’esprit critique et d’aspirations à participer aux décisions publiques.

« Notre système est à bout de souffle »

-Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

En tant qu’ancien secrétaire d’État à la Simplification, Thierry Mandon a pu voir la lenteur de l’appareil administratif à mettre en œuvre les décisions publiques et le décalage avec les changements souhaités par les Français. « On gouverne et on parle encore aux citoyens comme il y a cinquante ans, alors qu’ils sont surinformés et maîtrisent même leur propre accès à l’information. » Il faut selon lui un changement de fond dans la haute administration française en y associant « les forces vives » de la nation venant des différents milieux universitaires et à la pointe des dernières productions intellectuelles sur la question démocratique.

Cette transformation en profondeur du modèle démocratique sera plus que jamais l’enjeu des élections présidentielles de 2017, au risque de voir s’accentuer davantage la radicalisation des jeunes générations et donc de toute la société.

La violence de plus en plus présente au quotidien

De la télévision aux jeux vidéos ou aux jouets de guerre, jusqu’aux dernières superproductions américaines, les enfants sont entraînés tous les jours par une importante quantité d’images violentes. Bien qu’en majorité cette violence soit suggérée, plusieurs recherches indiquent qu’elle pourrait profondément influer sur l’esprit des jeunes gens.

Plus de 3 000 études montrent une forte corrélation entre la consommation de médias violents et un comportement agressif. On parle de limiter la violence à la télévision depuis les années 1950, mais la brutalité et les bains de sang à l’écran n’ont fait qu’augmenter avec le temps. Selon un rapport de 2003, un enfant moyen en Occident aura vu à ses 18 ans 200 000 actes de violence, incluant 40 000 meurtres.

« Prenez la télévision, les films et les jeux vidéos d’il y a 10 ans, ce n’était pas aussi prononcé que maintenant. Mais notre culture se désensibilise de plus en plus et ils doivent alors frapper plus fort pour regagner notre attention. Cela augmente chaque année », analyse Jan Arnow, experte américaine sur les effets de la violence et de la résolution de conflit. En ajoutant : « Nous sommes intoxiqués par la violence en direct. C’est ce qui fait vendre le temps de télévision. C’est ce qui fait vendre la publicité. C’est ce qui fait vendre les films et les jeux vidéos – c’est tout cela. »

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