Pierre Martinet : « Nous sommes dans une situation explosive, je crains qu’on avance vers une libanisation de notre société »

Par Julian Herrero
26 avril 2024 12:33 Mis à jour: 2 mai 2024 13:12

ENTRETIEN – Pierre Martinet est un ancien cadre du service Action de la DGSE et directeur de Wincorp-Security-Defense. Pour Epoch Times, il analyse la menace terroriste en France à trois mois des Jeux Olympiques.

Epoch Times – Pierre Martinet, dimanche dernier, sur l’antenne de BFMTV, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez a déclaré que la menace terroriste reste « très importante » en France, mais qu’il n’y a pas de « menace caractérisée contre les JO ». Comment évaluez-vous la menace à trois mois des Jeux Olympiques ?

Pierre Martinet – Il y a plusieurs niveaux de menace aujourd’hui et la France a atteint le plus haut niveau, c’est-à-dire « urgence attentat ». Nos dirigeants essayent d’être à la fois rassurant sur les Jeux Olympiques et honnêtes sur la menace terroriste qui pèse sur le pays.

En France, la menace terroriste islamiste est très élevée depuis longtemps. À mon sens, elle est présente depuis 1995, à l’époque du Groupe islamique armé (GIA) en Algérie. Nous avons affaire à une menace qui est intérieure, endogène et on s’est aperçu qu’il y avait des individus sur le territoire français qui étaient capables de passer à l’acte. Ce qui m’amène à dire qu’aujourd’hui, cette menace endogène est encore prégnante et constante parce que depuis toutes ces années, il s’est passé énormément de choses.

Il y a eu tout d’abord le 11 septembre 2001, mais aussi des guerres et des interventions militaires dans des pays musulmans qui ont généré une sorte d’adhésion au projet islamiste initié par les Frères musulmans en 1928.

Le projet islamiste se divise en trois parties. Premièrement, il y a l’idéologie, qui est le carburant de tous les attentats fomentés par les groupes islamistes dans le monde entier. Deuxièmement, le financement. Vous avez des pays comme le Qatar, l’Arabie Saoudite et d’autres États qui financent ce terrorisme. Enfin, il y a évidemment l’action violente. Celle qui se matérialise par plusieurs formes d’attentats.

Aujourd’hui, nous sommes sous la menace de différents types d’attentats, notamment ceux qui pourraient ressembler aux attaques du 13 novembre 2015. Je parle d’une action qui a été organisée, pensée et décidée à l’étranger. Ensuite, les terroristes ont utilisé les réseaux de migrants pour pénétrer en Europe et préparer les attentats.

Pour ma part, je suis certain que l’Europe est le ventre mou de l’Occident, ce qui permet aux terroristes de continuer à organiser des attentats avec l’aide logistique de certaines personnes qui sont déjà sur notre sol.

Pour vous, la menace terroriste est renforcée par le contexte de fortes tensions au Moyen-Orient ?

La menace terroriste se renforce à chaque fois que les terroristes estiment que l’islam est attaqué dans le monde, que ce soit en Afghanistan, en Irak, en Syrie etc. qui sont devenus des terres de djihad. Cela leur donne un prétexte pour pouvoir riposter contre l’Occident qui « traite mal les musulmans ».

Depuis le 7 octobre, on a pu constater que l’Europe est fortement imprégnée par l’idéologie islamiste. Rappelez-vous le nombre de manifestations soi-disant « pro-palestiniennes » à Londres, à Paris etc. alors qu’elles sont en réalité antisémites et anti-Occident. Il y avait même des drapeaux de Daesh dans certaines manifestations.

Pour moi, ce sont des signes avant-coureurs d’une libanisation de l’Europe ou de certains pays du continent européen.

Un dispositif de sécurité exceptionnel a été mis en place en vue de la cérémonie d’ouverture ; 45.000 policiers et gendarmes mobilisés, une zone antiterroriste avec QR code, la collaboration entre la BRI-PP, le GIGN et le Raid. L’armée sera également mobilisée. Pour vous, le dispositif est-il à la hauteur de l’événement ?

Le risque zéro n’existe pas. Mais en travaillant en amont, on arrive à s’en approcher considérablement.

Pendant la coupe du monde de football en 1998, j’étais dans une cellule clandestine du service action de la DGSE et j’ai travaillé en amont sur des groupes islamistes en Europe qui menaçaient de commettre un attentat sur le Stade de France. Donc je vois très bien dans quelle situation nos services peuvent se trouver. Mais j’ai totalement confiance en eux. Les forces d’intervention françaises sont très expérimentées.

Je crois que le dispositif est à la hauteur. Mais c’est une erreur monumentale d’avoir voulu faire la cérémonie d’ouverture en bord de Seine. Cela implique de surveiller le fleuve, les ponts, les routes aux alentours, notamment pour empêcher une attaque de drones kamikazes qui sont aujourd’hui très efficaces et utilisés dans beaucoup de conflits.

Il y a aussi tous les appartements qui donnent sur les six kilomètres de voies navigables sur lesquelles vont passer les athlètes et les délégations. On décompte le nombre d’appartements, les occupants etc. mais ensuite, le jour J, il faut être sûr que personne ne soit rentré dans ce dispositif. Si un individu veut commettre un attentat, il peut se mettre en stand-by dans un appartement pendant trois mois, et au moment des Jeux, tirer avec un fusil à lunette ou une arme automatique.

N’oublions pas également le trajet de la flamme olympique entre Marseille et Paris qui commence le 8 mai. La flamme olympique va parcourir des centaines de villages et même si elle est protégée par le GIGN, un attentat pendant le parcours est malheureusement possible. Sur un trajet de 800 kilomètres, il est difficile d’avoir chaque centimètre carré protégé par des unités spéciales ou par des policiers en civil. Un terroriste peut donc très bien laisser tomber la cérémonie d’ouverture, trop difficile à pénétrer au profit du trajet de la flamme olympique et l’impact en termes de symbole serait le même que si une attaque avait lieu au moment de la cérémonie.

Des policiers craignent qu’avec la très forte mobilisation des forces de l’ordre pendant les Jeux Olympiques, les zones rurales se retrouvent sans protection. Craignez-vous une augmentation de l’insécurité dans les campagnes ou des événements du même type que les émeutes de juin 2023 ?

C’est une évidence. Il y a un risque, non seulement terroriste, mais aussi en matière de cambriolages. Et un attentat dans une ville moyenne de province, aurait la même répercussion qu’une attaque à Paris. C’est la raison pour laquelle nous avons fait appel à des unités de sécurité étrangères, notamment polonaises.

La question des événements de juin 2023 est très intéressante parce que les émeutes ont une connotation islamiste. Même si les individus se sont plus orientés vers du pillage, des vols et de la casse gratuite, il y a au départ, un sentiment de victimisation du monde musulman et des banlieues.

Nous sommes dans une situation très explosive et je crains, encore une fois, qu’on avance vers une libanisation des sociétés ou de certaines villes européennes. Il y a aussi un grand risque de violences intercommunautaires puisqu’une partie de la population française est exaspérée par le prosélytisme islamiste.

À trois mois des Jeux Olympiques, il y a un manque d’agents de sécurité privée. Il en manquerait 8.000 sur les 40.000 nécessaires. Quelle est votre analyse ? Parviendra-t-on à atteindre le nombre d’agents nécessaires ?

En ce qui me concerne, j’ai travaillé pendant six mois dans le gardiennage. J’étais directeur opérationnel d’une grande société.  Il est difficile de trouver du personnel qualifié et concerné. Ils sont mal payés, et même parfois, certaines entreprises emploient des gens qui n’ont pas de papiers et n’ont donc aucun antécédent sur eux et ne savent pas d’où ils viennent. À quelques mois des Jeux Olympiques, il va être compliqué de trouver des agents de sécurité « basiques ».

Encore une fois, en France, tout est fait à la dernière minute.

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