ONU: le traitement des Ouïghours par la Chine peut s’avérer être un crime contre l’humanité

Par Katabella Roberts
5 septembre 2022 16:24 Mis à jour: 5 septembre 2022 16:24

Un certain nombre de « graves violations des droits de l’homme » pourraient avoir été commises à l’encontre des Ouïghours et d’autres minorités musulmanes dans la région occidentale du Xinjiang en Chine, selon un nouveau rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH).

Le rapport de 48 pages (pdf) a été publié le 31 août par la commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, Michelle Bachelet, quelques heures seulement avant l’expiration de son mandat. Mme Bachelet a été critiquée pour sa position « molle » à l’égard de la Chine et pour avoir minimisé les violations des droits de l’homme commises par le Parti communiste chinois (PCC).

La Chine s’était opposée à la publication du rapport, résultat d’une enquête qui a permis de découvrir que les groupes ethniques minoritaires, essentiellement musulmans, étaient soumis à des internements massifs, au travail forcé, à des abus sexuels, à la séparation des familles et à la torture. Le rapport accuse également la Chine d’utiliser de vagues lois sur la sécurité nationale pour réprimer les droits des minorités et établir des « systèmes de détention arbitraire ».

Les allégations de graves violations des droits de l’homme commises par Pékin contre les Ouïghours et les autres groupes ont été portées pour la première fois à l’attention de l’ONU en 2017. Ces allégations s’inscrivaient principalement dans le contexte de « l’application par le régime chinois de stratégies de lutte contre le terrorisme et ‘l’extrémisme’ », selon le rapport.

Les enquêteurs de l’ONU ont passé au peigne fin le matériel documentaire relatif à ces allégations, en accordant une attention particulière aux propres lois, politiques, données et déclarations du régime chinois. Le HCDH a également « demandé des informations et engagé un dialogue et des échanges techniques avec la Chine tout au long du processus », selon le rapport.

Ils ont découvert des « preuves crédibles » de torture pouvant s’apparenter à des « crimes contre l’humanité » dans des centres dits d’enseignement et de formation professionnelle (VETC) en Chine entre 2017 et 2019. Pékin a défendu ces centres, affirmant que les personnes qui s’y trouvent apprennent des compétences linguistiques et professionnelles.

Selon le rapport de l’ONU, « deux tiers des vingt-six anciens détenus interrogés » par les enquêteurs de l’ONU « ont déclaré avoir été soumis à des traitements qui s’apparenteraient à la torture et/ou à d’autres formes de mauvais traitements », soit dans les VETC, soit « dans le cadre des processus d’orientation vers les installations de VETC ».

Jeune militant ouïghour devant le ministère des Affaires étrangères à Berlin le 1er septembre 2020. (Tobias Schwarz/AFP via Getty Images)

« Torture ou mauvais traitements » dans les « centres de formation »

Ces incidents enregistrés par des personnes détenues dans les VETC comprenaient « des actes de torture ou de mauvais traitements, notamment des traitements médicaux forcés et des conditions de détention défavorables », ainsi que « des allégations d’incidents individuels de violence sexuelle et sexiste », indique le rapport.

Le rapport accuse également la Chine d’utiliser un « système de lois antiterroristes » qui comprend de vagues lois sur la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme, discriminatoires à l’égard des Ouïghours et d’autres minorités majoritairement musulmanes, ce qui a ensuite conduit à de « graves violations des droits de l’homme ».

« L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de membres de la minorité ouïghoure et d’autres groupes à prédominance musulmane, conformément à la loi et à la politique, dans le contexte des restrictions et de la privation plus générale des droits fondamentaux dont on jouit individuellement et collectivement, peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité », indique le rapport.

L’ONU a recommandé au régime chinois de prendre des mesures immédiates pour libérer « toutes les personnes arbitrairement privées de liberté » et informer les familles des personnes disparues au Xinjiang de l’endroit où elles se trouvent afin qu’elles puissent établir « des voies de communication et de voyage sûres permettant aux familles de se réunir ».

Il a également suggéré que le PCC « entreprenne un examen complet du cadre juridique régissant la sécurité nationale, la lutte contre le terrorisme et les droits des minorités » au Xinjiang afin de « s’assurer de leur conformité avec le droit international contraignant en matière de droits de l’homme, et abroge de toute urgence l’ensemble des lois, politiques et pratiques discriminatoires à l’encontre des Ouïghours et des autres minorités majoritairement musulmanes ».

Une femme ouïghoure (au c.) pénètre dans un bazar à Hotan, dans la région du Xinjiang (nord-ouest de la Chine), le 31 mai 2019. (Greg Baker/AFP via Getty Images)

Le rapport change la donne

Le rapport du 31 août, qui était en préparation depuis trois ans, a immédiatement été rejeté comme une campagne de diffamation par le régime chinois, qui a nié toutes les allégations d’abus et affirmé que les camps sont utilisés pour lutter contre le terrorisme.

« Cette prétendue ‘évaluation’ est un document politisé qui ignore les faits et expose pleinement l’intention des États-Unis, des pays occidentaux et des forces anti-chinoises d’utiliser les droits de l’homme comme un outil politique », a déclaré la Chine dans un long communiqué, tout en ajoutant que « tous les groupes ethniques, y compris les Ouïghours, sont des membres égaux de la nation chinoise. »

Le Congrès mondial ouïghour, un groupe de coordination qui représente une soixantaine d’organisations, a salué le rapport tout en appelant à une « réponse immédiate pour mettre fin aux atrocités contre les Ouïghours. »

« C’est un changement de donne pour la réponse internationale à la crise ouïghoure », a déclaré le directeur exécutif du Projet des droits de l’homme des Ouïghours, Omer Kanat, dans un communiqué. « Malgré les dénégations acharnées du gouvernement chinois, l’ONU a maintenant reconnu officiellement que des crimes horribles sont commis. »

Sophie Richardson, directrice pour la Chine à Human Rights Watch, a déclaré à l’Associated Press que les conclusions du rapport montraient « pourquoi le gouvernement chinois s’est battu bec et ongles pour empêcher la publication » du rapport.

« Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies devrait utiliser ce rapport pour lancer une enquête exhaustive sur les crimes contre l’humanité commis par le gouvernement chinois à l’encontre des Ouïghours et d’autres personnes, et demander des comptes aux responsables », a-t-elle déclaré.

Il y a environ 10 millions de musulmans ouïghours dans la région occidentale du Xinjiang et les groupes de défense des droits de l’homme estiment que plus d’un million de personnes ont été détenues dans des camps dans la région. Les États-Unis ont accusé le PCC de génocide.

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