Pacifier les manifestations : les idées formulées par les CRS

25 mai 2016 10:00 Mis à jour: 25 mai 2016 16:59

Nuit Debout et #nonalaloitravail durent maintenant depuis deux mois. Face à l’installation de la contestation, et aux dérapages filmés présentant tour à tour l’agression de policiers ou de manifestants, les forces de l’ordre s’interrogent sur les actions à mener.

Escalade des violences ou escalade médiatique ? Voiture de police embrasée, policier décoré, manifestants ultra-violents… tel un feuilleton du JT, la recrudescence des images et vidéos chocs faisant les gros titres des médias à de quoi laisser perplexe. Cependant, sur le terrain, l’augmentation des violences à l’égard des forces de l’ordre se vérifie. D’après les syndicats, celle-ci aurait gonflé de 40% ces six dernières années.

Depuis le mois de mars, on compte 350 policiers blessés. À cela s’ajoute un nombre inconnu de manifestants qui ont dû faire un séjour aux urgences. Plusieurs interrogations fusent dans les rangs des forces de l’ordre : comment avoir un meilleur encadrement, pacifier les relations avec les manifestants, ou encore arrêter les individus ultra-violents en marge des cortèges.

« Stop à la haine anti-flic »

Le 18 mai, plusieurs centaines de policiers ont manifesté, avec pour mot d’ordre : « Stop à la haine anti-flic ». Une forme de réponse adressée aux militants, mais aussi aux donneurs d’ordre et à leurs supérieurs. « Il faut que les gens se rendent compte de la violence des casseurs auxquels nous sommes confrontés », indique Philippe Capon, secrétaire général de l’UNSA-Police. Lors des confrontations, les jets de bouteilles d’acide, de mortiers, de pétards ou de bombes agricoles sont fréquents.

L’encadrement des manifestations prévoit que les forces de l’ordre évoluent en barrage en ligne, à distance de la foule et évitent le contact direct. Une formation peu propice pour contenir les groupuscules, peu nombreux et mobiles. D’après les policiers, de nombreux délinquants peuvent évoluer en toute impunité.

« On a l’impression que personne n’ose prendre de décisions », explique un policier de la brigade anti-criminalité de Seine-Saint-Denis. « Les CRS ne reçoivent pas l’ordre d’interpeller et regardent les casseurs détruire du mobilier ou des vitrines sous leur nez. Quant à nous, on interpelle à droite à gauche, mais seulement « histoire de ». On en prend trois au hasard, on en laisse partir trente autres », continue-t-il.

Ce dernier évoque des arrestations « destinées à faire du chiffre ». D’après un autre policier, les individus violents perturbant les cortèges sont connus des services de renseignement, mais ces derniers, débordés par la lutte contre le terrorisme, peinent à intervenir.

« Aucun ordre n’arrive »

Les syndicats de policiers présents sur la Place de la République se sont approchés des manifestants de Nuit debout. Avec un dialogue un peu hésitant, mais nécessaire. Alexandre Langlois, secrétaire général de la CGT Police, a confirmé l’impuissance des policiers face aux « groupes ultra-violents ». « Parfois, nous voyons des manifestants s’équiper de casques et d’armes juste devant nous, et aucun ordre n’arrive. Le 8 avril, on a poussé la compagnie de CRS pour que des personnes violentes puissent rejoindre la place. Évidemment, le soir même, c’est parti en vrac », s’adresse-t-il aux manifestants.

En l’occurrence, le donneur d’ordre dont il est question est la préfecture de Paris, dont dépendent les compagnies de CRS. Dans la missive de Bernard Cazeneuve aux préfets, les ordres restent relativement vagues : pour les forces de police et gendarmerie, il est évoqué l’« usage proportionné et légitime de la force », ou le respect des « règles de déontologie qui s’imposent ». Quant au déroulement pacifique des manifestations, celui-ci incombe à leurs organisateurs. Avec en filigrane, la culture du chiffre. Le ministre rappelle avec fierté qu’il y a eu près de 961 arrestations depuis le mois de mars, dont 214 menées le 28 avril.

« Parfois, nous voyons des manifestants s’équiper de casques et d’armes juste devant nous, et aucun ordre n’arrive. »

-Alexandre Langlois, responsable syndical à la CGT Police

Des défauts dans le commandement ont également été pointés par les syndicats. D’après Alexandre Langlois, « encercler une foule, ça ne devrait plus exister. C’est dans les manuels et même les livres d’histoire : toutes les manifestations qui ont dérapé, c’est à cause de nasses dont les gens ne pouvaient plus sortir ». Difficile, pourtant, d’attribuer la responsabilité aux forces présentes : « Les collègues sur le terrain n’ont pas de vision d’ensemble. Si les donneurs d’ordre leur demandent de bloquer une rue, ils ne savent pas si toutes les autres rues sont bloquées », remarque le syndicaliste.

Pistes proposées

L’une des pistes retenues serait de confier le maintien de l’ordre à la direction de la police elle-même. Une évolution vers un modèle sécuritaire anglo-saxon ? Tenant de l’hypothèse, le sociologue Fabien Jobard remarque que cela donnerait des « stratégies très différentes ». « Mais pour mettre en place un tel système, il faudrait avoir confiance en la police. Or, cette confiance manque en France, du côté de la population comme des responsables politiques », observe-t-il.

Une commission menée par le député PS Pascal Popelin et ordonnée suite à l’incident de la mort de Rémi Fraisse, a proposé des pistes. Parmi elles, le retour des camions à eau pour disperser les cortèges en fin de manifestation. Une mesure jugée très efficace, mais qui a été abandonnée depuis les années 1990, suite à la circulation d’images choquantes sur leur utilisation.

Plus innovant, la commission propose l’organisation d’une « médiation systématique et continue entre les forces de l’ordre et les manifestants, avant, pendant et après l’évènement ». Ces unités se mêleraient aux manifestants et pourraient aider les forces de l’ordre à réguler les manifestations. La proposition a été soutenue par les CRS.

Pour l’instant, les forces de polices devront elles-mêmes contenir les dérapages dans leurs rangs. Bien que de nombreux CRS font part d’une « fatigue » due à l’enchaînement des missions ou du manque de formation du personnel.

D’autres préconisent de relire la lettre du préfet Maurice Grimaud, adressée en mai 68 aux forces de l’ordre. Il y était formulé que « frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière.[…] Dites-vous aussi que lorsque vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s’ils ne le disent pas ».

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