Pathologies liées à l’environnement : faut-il tirer la sonnette d’alarme ?

4 mai 2016 10:43 Mis à jour: 4 mai 2016 10:44

PARIS-Le Professeur Dominique Belpomme, cancérologue, a récemment tiré la sonnette d’alarme sur le manque de réactions des pouvoirs publics français face à un risque sanitaire lié aux pollutions de l’environnement. Une problématique qui interpelle et déplace la question sanitaire au centre de la question écologique.. Une investigation récente menée par la très sérieuse revue Nature* pointe que les « risques de cancers sont très influencés par des facteurs externes ».

Les auteurs de l’enquête avancent une série d’observations qui pourraient, selon eux, avoir une « grande influence sur la prévention stratégique, les recherches et la santé publique ». Cette réflexion trouve cependant un faible écho en France. Les politiques de santé publiques françaises ne prennent pas en compte, au-delà de mesures contraignantes telles que la circulation alternée en jour de pollution, ou encore le placement de tour wifi.

De quoi parle-t-on ?

Dans une interview accordée à Slate, le cancérologue Dominique Belpomme, qui est aussi directeur de l’ECERI (Institut Européen de recherche sur le cancer et l’environnement) à Bruxelles, soutient que « 70% à 90% des cancers seraient liés à notre environnement ».  Le cancérologue s’en prend notamment aux pesticides, à la pollution atmosphérique et des sols, aux champs électromagnétiques.

Depuis une dizaine d’année, le médecin bataille pour la reconnaissance des facteurs environnementaux dans le déclenchement des cancers, mais aussi des maladies modernes telles que l’obésité, les allergies, les troubles du comportement. Le Pr Belpomme se base également sur la très sérieuse revue Nature, qui en janvier, a publié une enquête déterminant dans sa conclusion que « 70% à 90% des types de cancers communément rencontrés sont dû à l’action de facteurs extrinsèques ».

Cependant, d’après David Khayat, cancérologue à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière et directeur d l’institut national du cancer, les « environmental factors » évoqués par les rapports américains n’ont pas la même connotation qu’en France. « Aux Etats-Unis, quand on parle d’environmental factors on veut dire le tabac, l’alimentation, le soleil, les virus, les bactéries, les radiations. Tous les facteurs autres que les facteurs dit “ endogènes ”, c’est-à-dire les hormones » , indique t-il.

Il convient de préciser qu’il est très difficile d’attribuer un facteur extérieur à l’apparition d’un cancer, et une exposition environnementale à un état de santé. Plusieurs obstacles se dressent, dont le fait que les pathologies soient multifactorielles, les expositions multiples, ou que les effets s’observent à long terme. Les différentes toxicité des substances présentes dans l’environnement peuvent s’accumuler et ne pas être détectée dans l’organisme d’une personne.

D’après un rapport de l’académie nationale de médecine datant de 2007, on compte environ 150 000 personnes mourant du cancer chaque année. Or, sur l’ensemble de ces 150.000 morts, moins de 3 à 4.000 de ces morts seraient liées à de la pollution. Un chiffre relativement faible comparé à celui du tabac, qui est responsable de près d’un quart des cancers.

« la quasi-totalité des études européennes et internationales sont financées par les opérateurs de téléphonie mobile, une industrie qui pèse des milliards et exerce un très fort lobby »

Michèle Rivasi, député européenne EELVT

Il est difficile de quantifier les risques liés à la pollution, contrairement aux causes liées au comportement de l’individu.  D’après ces chiffres, les chances de contracter un cancer sont bien plus importantes si l’on fume une cigarette que si l’on s’en tient à respirer l’air de la ville.

Pollution électromagnétique et lobbys

Le Pr Belpomme exprime aussi son inquiétude sur la pollution émise par les champs électromagnétiques. D’après lui, certaines questions soulevées par certaines études restent en suspens ; le cancérologue cite notamment sur les risques liés à l’utilisation de la technologie, sur le degré de recherche et d’attention de la communauté scientifique française et sur l’action des pouvoirs publics.

« Sur les 3 000 articles scientifiques parus sur la question, seulement 10 sont Français », explique le Pr Belpomme. Un constat que partage…, pour qui la France est en retard. « Nous sommes confrontés à deux niveaux de retard en France, à commencer par celui du corps médico-scientifique : nos grands responsables institutionnels, notamment à l’INSERM et à l’Institut de veille sanitaire, ne lisent pas les publications internationales et restent donc figés dans l’ancien paradigme. Mais le retard est accentué du fait que nos politiques construisent leurs décisions, et leurs conceptions, sur les avis et préconisations de ces responsables », continue t-il. 

La sortie A6 du périphérique vue de Gentilly, à Paris. (Epoch Times)
La sortie A6 du périphérique vue de Gentilly, à Paris. (Epoch Times)

Un rapport en 2009, l’Anses affirmait en effet avoir fait une synthèse de 226 études. À l’intérieur, 45 % affirmaient que les ondes avaient des effets biologiques, 55 % disaient que non. Cependant, un grand nombre d’études sont elle-même financées par les grands opérateurs. En 2011, Michèle Rivasi, député européenne EELVT et vice présidente du Criirem (Centre de recherche et d’Information indépendant sur les rayonnements Electromagnétiques non ionisants) dénonçait : « il est très important que l’on puisse donner des informations scientifiques réellement indépendantes au public, ce qui est très difficile puisque la quasi-totalité des études européennes et internationales sont financées par les opérateurs de téléphonie mobile, une industrie qui pèse des milliards et exerce un très fort lobby ».

Le déploiement des infrastructures technologiques dans les villes résulterait d’un choix politique et parti pris assumé. En 2014, au moment de déployer les antennes de 4G sur Paris, des tests de mesures ont été effectués par Fleur Pellerin et des représentants ; ils montraient que le seuil de 41 Volt/mètres était loin d’être atteint ; en conclusion, les antennes ne présentaient aucun risque. Cependant, l’impact des téléphones est bien réel. Concernant les études mettant en garde sur la question, la ministre a assumé le risque économique « elles sont contradictoires et il n’est pas question de jouer avec des peurs irrationnelles pour freiner le déploiement de la 4G. Il ne faut pas opposer l’économie et l’écologie ».

Certains faits sont pourtant avérés, tels que le fait que les tissus humains peuvent absorber les ondes électromagnétiques, ou que l’exposition des plus jeunes peut troubler la concentration. Un rapport de l’Académie des sciences a publié en 2013 un rapport préconisant que depuis l’arrivée d’internet en 2000, la capacité de concentration serait passée de 12 à 8 secondes.  Celui-ci souligne les mauvaises conséquences de laisser des enfants trop tôt et préconise des activités telles que les promenades en nature, lire des livres « papiers », pratiquer des sports et loisirs culturels.

44 000 morts par an dues aux particules fines

En 2006, l’OMS indiquait, par la voix du Dr Anders Nordström, que plus de 13 millions de décès par ans sont imputables à l’environnement. De plus, ces pathologies auraient pu être évitées. « Investir de manière avisée dans la création d’environnements favorables peut constituer une stratégie efficace pour améliorer la santé et parvenir à un développement qui soit durable », conclue le rapport.

Les pathologies mentionnées concernent majoritairement les pays en voie de développement, et sont liées aux mauvaises conditions d’hygiènes telles que l’utilisation de combustibles dangereux, les stockages d’eaux insalubres,  ou les conditions de sécurité dans les constructions, la vulnérabilité au paludisme, etc.

Dans les pays développés, les problématiques sont différentes, et se retrouvent sur les toxicités des substances liées à la pollution de l’air ou des sols. Plusieurs études ont tenté de faire la lumière sur ce phénomène en France. En 2013, le directeur du Centre International de Recherche sur le Cancer indiquait que la pollution de l’air entrait dans la catégorie de « cancérigène certain ».

Jean Vincent Placé citait, à l’époque, un rapport émis par la Commission Européenne qui pointait « 44 000 morts chaque année attribuables au diesel et particules fines ». L’asthme a été également jugé comme « l’exposition chronique qui est globalement la plus préjudiciable en terme d’impact sanitaire », avec 400 000 à 1 400 000 nouveaux cas par an.

Or, des études internationales remettent en cause, ou réévaluent ce chiffre à la hausse, comme celle de l’OMS qui statuait en 2009 que 19% des cancers sont liés à l’environnement, causant 1,3 millions de morts chaque année.

Le nombre de cancers liés à la pollution avancé dans l’étude de l’académie nationale de médecine en 2007 est aujourd’hui l’un des seuls points de repères sur la question. Mais ce chiffre ne prend pas en compte certaines réalités : par exemple, il est déterminé que dans les grandes agglomérations, les mélanges de particules fines ont été à l’origine de 10 % des cancers du poumon, d’après certains chercheurs cités par l’Inserm.

 

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