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plus-iconFin de partition pour Paul Beuscher

Paul Beuscher, la fin d’une légende musicale parisienne

Symbole du patrimoine musical français, la maison Paul Beuscher, fondée en 1850 et installée boulevard Beaumarchais à Paris, a définitivement fermé ses portes le 7 novembre 2025. Entre loyers exorbitants, concurrence numérique et évolution des pratiques musicales, cette institution, vieille de 175 ans, n’a pas résisté aux mutations de son époque.

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Devanture emblématique de la maison Paul Beuscher, au 29 boulevard Beaumarchais, à Paris.

Photo: photo : capture d'écran du site Internet Paul Beuscher

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Durée de lecture: 4 Min.

Pendant plus d’un siècle et demi, Paul Beuscher a été bien plus qu’un magasin : un temple de la musique. Fondée en 1850 par Hippolyte « Paul » Beuscher, la maison accueillait amateurs, professeurs et virtuoses dans un même esprit : celui du partage et du son juste. Guitares, pianos, cuivres, partitions… le magasin du 29 boulevard Beaumarchais, au cœur du 11ᵉ arrondissement, était devenu un repère incontournable pour les musiciens de toutes générations.

Mais depuis le 7 novembre 2025, le rideau métallique est définitivement tombé. Le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société, scellant la fin d’une aventure familiale et culturelle.

Un modèle économique asphyxié

Comme beaucoup de commerces historiques du centre de Paris, Paul Beuscher n’a pas survécu à la hausse vertigineuse des loyers et à l’alourdissement des charges. « Nous avons tenu aussi longtemps que possible, mais les chiffres ne suivaient plus », confie un ancien employé, amer. Malgré un public fidèle, la boutique ne pouvait plus rivaliser avec les géants du e-commerce ni amortir ses frais sur un marché devenu ultra-concurrentiel.

Le choc du numérique

L’irruption du numérique a bouleversé les habitudes des musiciens. Les ventes d’instruments en ligne et les partitions dématérialisées ont fait chuter la fréquentation du magasin. Les plateformes comme Thomann, Amazon ou Woodbrass s’accordent sur une offre pléthorique et des prix imbattables : « Un client pouvait essayer une guitare chez nous et la commander sur Internet le soir même, 50 euros moins cher », déplore un vendeur.

Face à cette déferlante, l’enseigne n’a pas réussi à adapter son modèle, ni à numériser efficacement son immense catalogue.

Des pratiques musicales en mutation

Le monde de la musique amateur a profondément évolué. Les jeunes générations, plus connectées que jamais, apprennent désormais seules grâce à YouTube, aux tutoriels en ligne ou à des applications dédiées. Cette autonomie numérique, si elle favorise la démocratisation de la pratique musicale, détourne aussi les apprentis musiciens des circuits traditionnels.

Les orchestres amateurs et écoles de musique, longtemps piliers de la clientèle de Paul Beuscher, connaissent aujourd’hui un essoufflement. Moins d’élèves, moins de professeurs, et donc moins d’instruments à acheter ou à entretenir : un changement discret, mais fatal pour un commerce qui vivait au rythme de ces vocations.

Un patrimoine qui s’efface

Pourtant, Paul Beuscher, c’était aussi une mémoire : des générations d’artisans, de luthiers, de passionnés qui transmettaient le goût du son juste. Dans les années 1950, l’adresse accueillait les plus grands noms de la chanson française, de Brassens à Gainsbourg, venus y feuilleter leurs partitions ou faire régler leurs instruments.

« Entrer chez Beuscher, c’était un peu comme franchir les portes d’une église du son », se souvient Jean-Claude, professeur de guitare à la retraite. « On y venait pour acheter, mais surtout pour écouter et parler musique. »

La fin d’une époque

La fermeture de Paul Beuscher symbolise la fragilité des commerces culturels indépendants, étouffés entre la spéculation immobilière et la dématérialisation des pratiques artistiques. À Beaumarchais, les vitrines sombres rappellent désormais le silence qui suit le dernier accord.

Mais pour les milliers de musiciens qui ont franchi un jour cette porte, l’enseigne restera synonyme d’inspiration et de passion. Car comme le disait un ancien luthier de la maison : « Les instruments s’éteignent, mais les notes qu’ils ont fait naître, elles, ne meurent jamais. »