Pierre Rehov : « Chaque jour, Téhéran est de plus en plus faible »

Par Julian Herrero
19 juin 2025 18:55 Mis à jour: 20 juin 2025 10:42

ENTRETIEN – Dans la nuit du 12 au 13 juin, Israël a lancé l’opération « Rising Lion » visant des sites nucléaires et des hauts responsables iraniens. Le chef des gardiens de la Révolution, le général Hossein Salami et le chef des forces armées iraniennes, le général Mohammad Bagheri, ont été tués au cours des frappes. Téhéran a riposté en envoyant des centaines de missiles balistiques et de drones en direction de l’État hébreu. Depuis lors, l’escalade militaire se poursuit entre les deux pays.

Pierre Rehov est grand reporter, réalisateur de documentaires, dont le plus récent Pogrom(s), et auteur de plusieurs ouvrages, dont 7 octobre-La Riposte : Israël-Iran, la guerre secrète qu’il co-signe avec Stéphane Simon (Fayard, 2025). Il estime que dans cette guerre, Israël n’hésitera pas à aller jusqu’au bout.

Epoch Times : Pierre Rehov, où en est-on précisément aujourd’hui dans le conflit entre Israël et l’Iran ?

Pierre Rehov : Comme l’a annoncé le Premier ministre Benyamin Netanyahou, Israël a l’intention d’aller jusqu’au bout. Il ne s’agit pas simplement de mettre fin à la menace atomique, mais bel et bien de stopper la menace iranienne de manière générale. C’est-à-dire faire en sorte que Téhéran n’envoie plus de missiles sur l’État hébreu et arrête de financer des organisations terroristes islamistes, ses « proxys ».

Israël, n’hésitera pas, s’il le faut, à éliminer tous les hommes forts du régime, y compris le guide suprême Ali Khamenei.

À l’époque, personne n’imaginait la fin de l’Allemagne nazie sans la mort d’Hitler. Nous sommes presque dans la même configuration aujourd’hui avec la République islamique.

Par ailleurs, Israël a démontré sa supériorité militaire. Mardi, l’Iran a envoyé des messages de propagande qui disaient qu’il fallait évacuer Tel Aviv et Haïfa et que le ciel d’Israël lui appartenait. Dans la nuit qui a suivi, une quinzaine de missiles ont été tirés par Téhéran et ils ont tous été abattus en plein vol par Tsahal.

Israël détruit méthodiquement et progressivement l’arsenal militaire iranien. Plus les jours passent, plus le nombre de missiles envoyés par le régime iranien diminue.

Chaque jour, Téhéran est de plus en plus faible. C’est la raison pour laquelle, il appelle le monde entier à faire pression sur Israël pour obtenir un cessez-le-feu et finalement survivre. Mais pour l’heure, il n’en est pas question.

Si Israël a choisi de lancer son opération, est-ce parce que l’Iran est aujourd’hui plus vulnérable que jamais ?

La raison fondamentale est que l’Iran était sur le point de pouvoir construire quinze bombes atomiques. Le régime avait suffisamment de matériaux fissiles pour être en mesure, en quelques semaines, de mettre ces bombes en fabrication.

Par ailleurs, le Mossad a révélé que Téhéran avait l’intention de donner une partie de son arsenal nucléaire à ses supplétifs, c’est-à-dire le Hezbollah et les Houthis.

Personne, que ce soit Israël, le reste du monde libre et même certaines dictatures ne peut imaginer un monde dans lequel des organisations terroristes telles que le Hezbollah détiendraient la bombe atomique.

Ainsi, Israël, après que l’Iran a rejeté la proposition d’accord du président américain sur le démantèlement de son programme nucléaire, a décidé d’intervenir.

Benyamin Netanyahou a annoncé que la mort du guide suprême mettrait un terme au conflit. Mais Donald Trump, tout en se montrant menaçant à l’égard de l’Iran, a déclaré que les États-Unis ne comptaient pas tuer « pour le moment » Ali Khamenei. Comment analysez-vous la stratégie du président américain ?

La stratégie de Donald Trump est simple : il se décrit comme le président qui veut apporter la paix par la force.

Il a tendu la main au régime iranien, mais à partir du moment où ce dernier a refusé toute négociation, il a décidé, en soutenant Israël, d’employer la force.

Et quand il dit que l’élimination de Khamenei n’est pas à l’ordre du jour pour le moment, cela signifie qu’il peut être assassiné n’importe quand. En réalité, la question de son élimination est déjà sur la table.

Maintenant, la seule issue pour l’Iran est d’accepter ce que veut Donald Trump : la capitulation sans conditions. Autrement l’Amérique interviendra directement aux côtés d’Israël.

L’effondrement du régime des mollahs est-il aujourd’hui plus que probable ?

Je ne dirais pas plus que probable, mais plus que possible oui, mais surtout souhaitable.

Le problème est qu’aujourd’hui, en Iran, après 49 ans de dictature islamiste, les opposants au régime ont été, pour la plupart, muselés ou éliminés. Par conséquent, il n’y a pas aujourd’hui de regroupement des factions rebelles.

Cependant, elles existent toujours. D’ailleurs, sans elles, Israël n’aurait pas pu mener à bien son opération.

Il faut désormais voir ce qui peut se produire très prochainement : un scénario « à la syrienne » n’est pas à exclure. C’est-à-dire l’apparition d’un leader rebelle charismatique capable de rassembler toutes les factions rebelles iraniennes.

En outre, il est peu probable que les Iraniens se regroupent derrière le petit-fils du Shah en exil, le prince Reza Pahlavi, malgré ses appels au soulèvement et ses positions. Il est considéré par la population iranienne comme quelqu’un qui jouit d’une vie plus que confortable à l’étranger depuis plus de quarante ans.

Le peuple iranien est divisé sur la question du changement de régime…

Le peuple iranien a toujours été divisé sur ce sujet. Certains observateurs optimistes affirment qu’une grande majorité des Iraniens souhaitent la chute du régime, mais il est en réalité difficile de le savoir.

Comme je le disais, la République islamique est un régime totalitaire islamiste qui a muselé et a très violemment réprimé son propre peuple. Puis, malheureusement, vous avez une partie de la population qui a profité du régime, obtenu des bonnes places, etc.

La situation est donc très complexe.

« Nous nous tenons prêts à contribuer à la protection de l’État hébreu », déclarait dimanche dernier, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, dans l’émission le Grand Jury. Comment voyez-vous la position de la France dans ce conflit entre Israël et l’Iran ?

Ce ne sont que des paroles d’un gouvernement sans colonne vertébrale et compas moral. Je regrette qu’Emmanuel Macron, pour flatter son ego démesuré, ne cherche qu’à exister sur la scène internationale en pratiquant le « en même temps ».

Au fond, pour vous, la France n’est plus crédible sur la scène internationale ?

La France n’est malheureusement plus ce qu’elle fut sur la scène internationale. Elle n’a presque plus aucun poids diplomatique. Et on parle quand même d’un pays qui a laissé se développer un parti politique d’extrême gauche antisémite. J’espère que dans quelques années, d’autres responsables politiques plus dignes prendront le pouvoir pour redresser la France.

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