Pour aider les classes moyennes, il faut revaloriser le travail

Par Jean-Philippe Delsol
23 mai 2023 08:10 Mis à jour: 23 mai 2023 08:10

Pour faire oublier le débat inabouti sur les retraites, le 15 mai, M. Macron a annoncé deux milliards de baisses d’impôts en faveur des classes moyennes. Il veut aider ceux qui sont « trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre ». C’est une bonne idée, mais il ne les aidera pas durablement en leur donnant de nouvelles aides.

Il a parlé de baisse d’impôt mais les modalités de ce geste coûteux ne sont pas encore arrêtées : « Je ne veux pas ici fermer des portes parce qu’il peut y avoir des choses intelligentes à faire sur une partie des charges que vous payez, des cotisations que vous payez quand vous êtes salarié ». Au cours des six dernières années, il a déjà réduit l’impôt sur le revenu de quatre milliards d’euros en 2019, supprimé les cotisations chômage salariales, la taxe d’habitation, la redevance… Mais les effets sont modestes.

Des effets de seuil

« La fiscalisation des revenus des classes moyennes est trop importante et s’accélère trop vite », a estimé Emmanuel Macron dans une interview donnée à L’Opinion. Il voudrait lever les effets de seuils qui font que les salariés qui gagnent de 1,5 à 2,5 Smic profitent peu d’éventuelles hausses de salaires parce qu’une grande partie en est compensée par la réduction de la prime d’activité ou de certaines allocations, ainsi que par la hausse des charges sociales et des impôts.

En effet, observe Denis Ferrand, directeur général de l’institut Rexecode, dans une note datée de 2022, « Pour un salarié seul dont la rémunération passerait de 1,4 à 1,5 Smic, seuls 26,8% de l’augmentation brute obtenue seraient conservés ». Il a calculé, dans le cas des couples dont l’un des membres reprendrait le travail, que « pour le second membre d’un foyer qui serait rémunéré à deux tiers du revenu moyen alors que l’autre membre du foyer est rémunéré à hauteur du revenu moyen, 40% du revenu additionnel ferait l’objet d’un prélèvement ou d’une moindre prestation sociale ».

L’augmentation du salaire d’un smicard est aussi très pénalisante pour l’employeur compte tenu de la dégressivité des réductions de charges sociales patronales. Passer de 1 à 1,1 SMIC se traduit par 136€ de salaire brut supplémentaire mais par plus de 400 € de coût du travail selon le simulateur de cotisations Urssaf.

La réalité est que plus il y a d’aides publiques, plus la rémunération du travail est faussée et, de ce fait, perturbée. Il s’ensuit que l’augmentation des salaires devient très onéreuse, voire qu’employés et employeurs attendent plus des aides que du salaire. Les incitations au travail en sont significativement amoindries. La mobilité professionnelle se réduit et l’espoir des classes moyennes de grimper dans l’échelle sociale en est affecté, comme l’envie de travailler. C’est sans doute une partie de l’explication de la révolte française contre le report de l’âge de départ à la retraite.

L’élévation des seuils n’aura qu’un effet de déplacement des seuils. Les cliquets négatifs joueront à un autre niveau, mais ils continueront d’opérer négativement.

Revaloriser le travail

Denis Ferrand faisait encore remarquer, lors des Rencontres du CESE – Le Travail dans tous ses états – en ce mois de mai 2023, que le taux marginal effectif moyen de prélèvement est de 56,5% en France. Cela signifie qu’après prise en compte des prélèvements et prestations, un salarié bénéficie en moyenne de 43,5% de la hausse de sa rémunération entendue en termes de coût du travail. Trop de salariés sont au SMIC (15%) et l’écart entre le revenu net minimum et le revenu net médian est trop faible, le plus faible des pays de l’OCDE, réduisant l’incitation à l’offre de travail.

S’y ajoute le fait que le système d’aides sociales est illisible avec 15 prestations de solidarité octroyées en fonction de 15 bases de ressources différentes. Le calcul d’entrée dans l’impôt sur le revenu n’est pas plus lisible avec des décotes, des crédits d’impôt et une foultitude de niches.

Alors que nos charges sociales sont les plus élevées de l’OCDE et peut-être du monde, et que les impôts atteignent des sommets tant pour les employés que pour les employeurs, c’est tout notre système social et fiscal qu’il faut remettre à plat. À cet effet quatre mesures radicales permettraient de rendre de la lisibilité, de responsabiliser les individus, de simplifier le système et d’augmenter le revenu disponible :

– suppression de toutes les niches fiscales et adoption d’un taux unique (15% ?) d’impôt sur le revenu au-delà d’un seuil unique par membre du foyer ;

– disposer d’une base de calcul unique d’allocation d’une aide sociale unique, modulable en fonction de la situation de chacun : rémunération, âge, handicap, nombre d’enfants … ;

– paiement à tous les salariés qui le souhaitent d’un salaire complet (toutes charges comprises) en les laissant s’assurer eux-mêmes pour leur santé, leur retraite, leur chômage… Les salariés seraient obligés de s’assurer mais choisiraient leur contrat, mettraient en concurrence assurances privées et mutuelles, comme ils le font pour leur automobile ou leur logement. Gageons que la concurrence permettrait de réduire sensiblement la charge des assurés et les inciterait à un comportement plus responsable pour alléger leurs primes ;

– en contrepartie, tous les salaires payés devraient donc être augmentés du montant des charges au taux commun, ce qui serait un effort pour les employeurs qui bénéficient aujourd’hui d’exonérations de charges sur les bas salaires. La charge fiscale qui pèse sur les entreprises pourrait être diminuée d’autant à titre de compensation.

Certes, c’est plus facile à dire qu’à faire et c’est souvent dans le détail que se trouve le diable. Mais sans cet effort, la France restera à la traîne des pays développés, écrasée sous l’énorme poids de ses prélèvements obligatoires.

Article écrit par Jean-Philippe Delsol. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.

L’IREF est un « think tank » libéral et européen fondé en 2002 par des membres de la société civile issus de milieux académiques et professionnels dans le but de développer la recherche indépendante sur des sujets économiques et fiscaux. L’institut est indépendant de tout parti ou organisation politique. Il refuse le financement public.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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