Pourquoi la génération Y privilégie le socialisme

Par William Brooks
13 avril 2020 05:11 Mis à jour: 22 juin 2020 16:53

Deux sondages, l’un du Canada et l’autre du sud de la frontière américaine, ont révélé que les milléniums ont tendance à avoir une opinion positive du socialisme et des politiques socialistes ; le sondage américain montre que 70 % des milléniums sont susceptibles de voter pour un candidat socialiste.

Si ces résultats vous surprennent, peut-être n’avez-vous pas été assez attentif à l’école… En fait, cette perspective découle directement d’un demi-siècle de cours d’histoire et de sciences humaines d’inspiration marxiste.

Au début des années 1960, les débats politiques éducatifs portaient essentiellement sur les méthodes en classe. Les enseignants traditionnels aimaient un enseignement direct et un dialogue socratique. Les éducateurs progressistes, eux, ont cherché à développer des « expériences d’apprentissage coopératif » et des écoles davantage « centrées sur l’élève ».

À la fin des années 60, l’éducation est devenue plus politique. Les syndicats d’enseignants sont devenus plus partisans. Ils se sont alignés sur des partis politiques plus radicaux. Les enseignants, dont je faisais partie, obtenaient leurs diplômes d’études supérieures – dans des facultés d’éducation progressistes, ce qui nous permettait de bénéficier d’importantes augmentations salariales et d’occuper des postes influents dans l’établissement d’enseignement.

À la fin des années 1970, l’enseignement est passé d’une « vocation » peu rémunérée, mais prestigieuse à une « mission révolutionnaire » bien rémunérée.

Les discours traditionnels sont rejetés

Manipuler les leçons d’histoire est devenu monnaie courante pour les enseignants motivés par l’idéologie. Les récits traditionnels sur les colonies nord-américaines qui ont persévéré jusqu’à devenir des nations libres, ouvertes et démocratiques ont été rejetés comme étant totalement absurdes.

Les sentiments patriotiques ont été balayés par une politique radicale.

Ironiquement, cet intérêt progressiste a émergé sur la terre prospère démocratique capitaliste des États-Unis. À la fin du XIXe siècle, le programme classique importé du lycée britannique dans les premières années de l’Amérique du Nord coloniale a cédé place aux idées socialistes révolutionnaires européennes. Au début du XXe siècle, l’influence européenne a été complétée par les théories du philosophe américain John Dewey.

John Dewey a pris d’assaut l’école traditionnelle en commençant par la publication de son traité persuasif double « L’école et la société » et « L’enfant et le programme » en 1899 et 1902. L’ouvrage majeur de M. Dewey, Démocratie et éducation, publié en 1916, a eu un effet prométhéen sur la théorie de l’éducation dans le monde entier.

Le mouvement progressiste s’est tissé autour de la philosophie socialiste commune dont les racines se trouvent dans la vie intellectuelle radicale de l’Europe du XIXe siècle. John Dewey était marxiste et, jusqu’à ce jour, son influence a eu un effet profond sur la pratique de l’éducation. Le « pragmatisme » et les « méthodes d’activité » de John Dewey ont capté l’imagination des théoriciens de l’éducation qui ont supprimé l’établissement traditionnel affaibli, pour en former un nouveau.

Dans un discours prononcé en 2015, l’ancien sénateur républicain et espoir conservateur présidentiel Rick Santorum a demandé à l’audience : « Savez-vous que le manuel le plus populaire dans nos écoles secondaires d’Amérique est écrit par Howard Zinn, un marxiste antiaméricain, et que c’est le manuel le plus utilisé ? »

Le livre auquel Rick Santorum fait référence est Une histoire populaire des États-Unis, une interprétation marxiste extrêmement populaire qui continue de recevoir de nombreux appuis de la part de ceux qui créent les tendances progressistes, comme une histoire que chaque étudiant américain se doit de lire.

Entouré de membres de sa famille, le candidat républicain à la présidence, l’ancien sénateur Rick Santorum lors d’une conférence de presse à l’hôtel Gettysburg le 10 avril 2012 à Gettysburg, Pennsylvanie. (Jeff Swensen/Getty Images)

Au fil des années, les progressistes ont produit des millions de soi-disant individus à la « pensée critique » qui sont devenus des opposants non critiques au capitalisme démocratique et à la civilisation occidentale. Chez les jeunes bien scolarisés, notre histoire est devenue un témoignage honteux d’oppression sans cœur et d’infériorité morale.

L’expérience canadienne

Au Canada, nous avons été amplement influencés par les tendances intellectuelles progressistes des États-Unis.

Dans les années 1970, les preuves de ce nouveau mouvement scolaire sont devenues de plus en plus évidentes dans ma région. En 1979, le gouvernement québécois nouvellement élu a introduit un régime pédagogique « de pointe » qui encourageait les pratiques progressistes dans tous les domaines.

Parmi les initiatives marquantes du nouveau régime figure un cours obligatoire d’histoire du Québec. Le nouveau programme a été élaboré par le ministère de l’Éducation du Québec, alors qu’une organisation professionnelle anglophone, l’Association québécoise des professeurs d’histoire, a été invitée à évaluer le programme. Un collègue et moi-même avons servi d’évaluateurs.

Nos conclusions ont choqué les enseignants locaux. Nous avons déclaré que le nouveau cours n’accordait que peu ou pas d’attention à la contribution de la culture, de la religion, des coutumes, des lois ou des idées européennes sur le développement du Québec et du Canada. En fait, nous avons rapporté que l’émergence du Parti québécois social-démocrate entre 1968 et 1979 a reçu plus d’attention que l’ensemble des 350 ans d’histoire de l’Église catholique romaine en Amérique du Nord.

Le cours, avons-nous conclu, s’est concentré sur les relations sombres entre « oppresseurs » et « opprimés ». La discorde franco-anglaise au Canada était liée à une lutte des classes. Une histoire inspirante de « Colony to Nation » avait été démantelée au profit d’un écran de fumée favorisant le développement d’un agenda politique marxiste et libéral.

Les retombées de notre rapport ont été rapides. Le conseil d’administration de l’association de professeurs d’histoire a décidé de ne pas le diffuser auprès de nos membres, et nous nous sommes sentis obligés de démissionner de l’organisation. Le rapport a fait l’objet d’une certaine couverture médiatique locale, mais a été généralement considéré comme trop « provocateur » pour être pris au sérieux.

Marx bien vivant au XXIe siècle

L’année dernière, quelque 40 ans plus tard, j’ai appris que le Québec avait mis en place un cours d’histoire obligatoire révisé et, cette fois, la Commission scolaire English-Montréal a chargé un « comité d’experts en histoire » indépendant d’évaluer le nouveau programme.

Au moins un des experts, ayant contribué au programme, a fait remarquer qu’il présentait les développements économiques et sociaux à travers « une lentille marxiste » en utilisant la terminologie marxiste, sans aucune contextualisation ni définition des termes. L’examinateur a poursuivi en soulignant que « puisque l’idéologie n’est pas présentée ou examinée, les points de vue exprimés reflétant cette vision du monde peuvent facilement être considérés comme corrects par le lecteur, plutôt qu’une façon de donner sens aux événements sociaux, économiques et politiques ».

C’est exactement ce que nous avions exprimé en 1979. Mais il semblerait qu’une fois de plus, les décideurs politiques ont conclu qu’une vision du monde marxiste non vérifiée devrait être une condition obligatoire pour obtenir un diplôme dans une société démocratique capitaliste.

Depuis bien trop longtemps, les enseignants progressistes ont gagné la guerre de l’éducation dans les écoles publiques canadiennes. (LStockStudio/Shutterstock)

La relation schizophrénique entre l’école et la société

La présente prédominance d’analyse socio-économique marxiste dans l’histoire et les sciences humaines n’est pas unique à la province du Québec. En fait, cette relation schizophrénique entre l’école et la société est omniprésente dans toute l’Amérique du Nord. Le mouvement progressiste a produit une profonde déconnexion entre les valeurs des enseignants modernes et les principes fondamentaux des nations libres.

En dehors des cercles intellectuels radicaux, la plupart des gens ordinaires ont été conditionnés par le mouvement progressiste à évaluer les écoles uniquement sur la base de la qualité de l’apprentissage des élèves.

Les parents posent des questions sensées et concrètes sur les résultats scolaires. Les élèves acquièrent-ils des compétences académiques ? Disposent-ils d’installations, de ressources et d’équipements techniques adéquats ? Les jeunes sont-ils plus instruits et plus performants en mathématiques et en sciences ? Toutes ces questions sont raisonnables et importantes.

Mais l’accent progressif à travers l’Amérique du Nord met l’emphase sur « la manière » dont les étudiants apprennent, devient un moyen trompeur pour détourner l’attention du public sur « ce qui est enseigné ». Les hommes et les femmes qui ont une vision pratique ne prêtent pas beaucoup attention au contenu des leçons de leurs enfants ; ils veulent surtout qu’ils réussissent bien à leurs examens.

Sans aucun contrôle significatif ou préoccupation publique sur ce que les écoles enseignent, le mouvement progressiste a réussi à littéralement saisir la culture académique en Amérique du Nord.

Évaluer le raisonnement de l’idéologie marxiste

Pour bien évaluer l’impact de l’influence marxiste depuis la publication du Manifeste du Parti communiste en 1848 et de Das Kapital en 1867, cela exige une compréhension critique du raisonnement marxiste.

L’érudit Robert L. Heilbroner, un américain qui a beaucoup travaillé à démystifier le marxisme pour le lecteur moyen et à fournir une description claire des éléments clés de la pensée marxiste. Pour M. Heilbroner, le marxisme contient un ensemble de prémisses communes : l’approche dialectique de la connaissance, une approche matérialiste de l’histoire, une déconstruction consciente du capitalisme et un engagement en faveur du socialisme.

Des roses sur la tombe de l’écrivain et dissident russe Alexandre Soljenitsyne à Moscou le 6 août 2008. L’écrivain russe, gagnant d’un prix Nobel, peut nous aider à nous rappeler les horreurs du socialisme, qui semblent être oubliées par beaucoup en Amérique aujourd’hui. (NATALIA KOLESNIKOVA/AFP/Getty Images)

Le raisonnement dialectique met en évidence des relations dynamiques et conflictuelles, à l’origine entre prolétaires et capitalistes, mais qui s’étendent aujourd’hui aux Noirs contre les Blancs, aux femmes contre les hommes, aux laïcs contre les religieux, aux homosexuels contre les hétérosexuels, aux consommateurs d’énergie contre les environnementalistes, et ainsi de suite. L’impératif de résoudre des attributs contradictoires justifie toujours l’engagement marxiste dans une forme ou une autre d’action sociale.

Le raisonnement dialectique de base affirme que le changement est l’essence même de l’être. Il pose également la notion hégélienne de « contradiction », qui signifie que la réalité consiste en une coexistence instable entre des forces intrinsèquement incompatibles.

Ceux de la vieille école marxiste trouvent le principal motif de changement historique dans la lutte entre les classes sociales déterminées par l’économie. Cela a conduit à une vision adverse de l’histoire qui est en évidence dans le manuel progressiste d’Howard Zinn et dans le programme d’histoire du Québec.

La fusion d’un raisonnement matérialiste et dialectique a donné au marxisme un caractère combatif distinctif qui attire naturellement les idéalistes intellectuels. L’histoire marxiste promet une double victoire pour l’homme : une victoire sur la domination de classe capitaliste et l’élimination de toutes les formes de discrimination.

Plus récemment, les progressistes se sont lancés dans une myriade de croisades dialectiques post-modernes, allant des revendications territoriales des indigènes à l’écologisme radical et à la reconnaissance obligatoire des droits des transsexuels. La victimologie joue toujours bien dans les théâtres de la gauche.

Les promesses non tenues du socialisme

Pour prédisposer l’opinion publique en faveur d’un « changement progressif », les intellectuels marxistes cherchent à influencer les établissements d’enseignement comme les écoles et les universités.

Mais le socialisme n’a jamais tenu ses promesses. Des partis révolutionnaires comme les bolcheviks russes et les maoïstes chinois ont pris le pouvoir à la suite de catastrophes nationales et ont déclenché des décennies de terreur et de privations à leurs propres citoyens. Les marxistes occidentaux, tels que les fabiens britanniques, les eurocommunistes et les progressistes américains, ont rejeté la révolution violente et ont cherché à atteindre le socialisme par le biais d’élections démocratiques. Là où ils ont réussi, les économies ont été entravées par une surréglementation et des impôts élevés.

La dernière révolution aux urnes a eu lieu dans un pays d’Amérique centrale, autrefois prospère, le Venezuela. En 1998, Hugo Chavez s’est fait élire sous la bannière du socialisme démocratique. Lorsque les prix mondiaux du pétrole ont chuté et que la masse monétaire issue des transactions du marché capitaliste a commencé à diminuer, il est devenu évident que le pays se dirigeait vers « la voie de l’asservissement ». En 2018, sous le successeur de Chavez, Nicolas Maduro, 80 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté.

Des gens cherchent de la nourriture devant un supermarché pillé dans le quartier El Valle, à Caracas, au Venezuela, le 21 avril 2017. (Ronaldo Schemidt/AFP/Getty Images)

Néanmoins, les partis de gauche du Canada et des États-Unis sont rarement timides pour utiliser une crise pour augmenter le pouvoir de l’État bureaucratique. Au milieu de l’actuel dilemme économique et de santé publique créé par la pandémie COVID-19, les libéraux du gouvernement fédéral ont cherché à s’emparer des pouvoirs pour augmenter les impôts ou en créer de nouveaux sans l’approbation du Parlement. Les démocrates américains ont cherché à charger la législation de secours de milliards de dollars pour soutenir des causes progressistes qui n’ont rien à voir avec la crise économique.

S’emparer de plus de pouvoir dans les moments difficiles fait partie de l’ADN du mouvement progressiste.

Une proposition modeste

En 1967, le leader du mouvement étudiant allemand Rudi Dutschke a reformulé la stratégie de « capturer la culture » mise en avant dans les années 1930 par le philosophe communiste italien Antonio Gramsci. M. Dutschke propose une « longue marche » à travers les institutions. Cette marche se déroule dans les écoles nord-américaines depuis les années 1970.

Jusqu’à présent, lorsque les nations libres ont expérimenté des politiques économiques socialistes paralysantes, elles se sont libérées en élisant des dirigeants libéraux-conservateurs forts comme Margaret Thatcher, Ronald Reagan, Brian Mulroney, Stephen Harper, Boris Johnson et Donald Trump.

Malheureusement, rien ne garantit que cela continuera.

Dans l’édition de janvier 1989 du New Yorker, Robert L. Heilbroner a écrit : « [Le] concours entre le capitalisme et le socialisme est terminé : le capitalisme a gagné. » Nous savons maintenant que les rumeurs de la disparition du socialisme ont été largement exagérées. En fait, les doctrines socialistes gagnent en popularité, surtout parmi les jeunes.

Un sondage réalisé par YouGov, en octobre 2019, a montré un soutien accru au socialisme (36 %) parmi les milléniums américains, par rapport au pourcentage de 2018. Seuls 57 % estiment que la Déclaration d’indépendance garantit mieux la liberté et l’égalité que le Manifeste du Parti communiste. Selon un rapport canadien sur les Objectifs des milléniums d’octobre 2018, les personnes âgées de 18 à 34 ans sont plus à l’aise avec les politiques socialistes comme la redistribution des richesses et les mesures interventionnistes du gouvernement. Cinquante-quatre pour cent d’entre eux pensent qu’un système plus socialiste serait bénéfique pour le Canada.

Voici une modeste proposition de réforme de l’éducation : se concentrer un peu moins sur les ruminations concernant « la façon dont les étudiants apprennent » et accorder un peu plus d’attention à la question tout aussi importante de « ce qui est enseigné ».

La longue marche de la gauche dans nos salles de classe n’a pas produit de diplômés dotés de beaucoup de bon sens et de compréhension. Notre culture est brisée, et les jeunes gens bien éduqués ont été conditionnés à détester les valeurs fondamentales de leur propre société.

En fait, les seuls citoyens qui semblent capables de former des jugements indépendants et fondés sur la réalité sont les cols bleus et les gens de métier peu exposés à l’influence des universités. Pour l’instant, ils sont peut-être le dernier espoir de garantir la liberté et de surmonter les énormes défis qui nous attendent à la suite de la crise du Covid-19.

William Brooks est un journaliste et enseignant montréalais. Il est actuellement rédacteur en chef de « The Civil Conversation » pour la Société Civitas du Canada et un contributeur à Epoch Times.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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