Pourquoi le régime du PCC ne pourra jamais mener à une société civile en Chine : l’analyse d’un économiste de Stanford

Un policier paramilitaire chinois surveille la place Tiananmen à Pékin, le 4 juillet 2013
Photo: Feng Li/Getty Images
Même aujourd’hui, l’économiste Xu Chenggang considère que la décennie passée dans une ferme durant la Révolution culturelle a constitué la période la plus formatrice de sa vie.
La ferme, située dans le nord-est de la Chine à 30 kilomètres de l’ex-Union soviétique, n’a pas été l’unique source d’apprentissage pour le chercheur. Après avoir quitté ce lieu à la fin de la Révolution culturelle en 1976, il a travaillé et vécu au sein des institutions les plus prestigieuses du monde, telles que l’Université Tsinghua, la London School of Economics, Harvard et Stanford, où il est actuellement affilié au Centre sur l’économie et les institutions de la Chine (Center on China’s Economy and Institutions).
Son expérience à la ferme lui a offert une leçon fondamentale pour ses recherches : la nature du Parti communiste chinois. Beaucoup de ces réflexions figurent dans son ouvrage récent « Institutional Genes : Origins of China’s Institutions and Totalitarianism » (Gènes institutionnels : origines des institutions et du totalitarisme en Chine, ndlr).
Au cours d’un entretien accordé à l’émission « American Thought Leaders » sur EpochTV, M. Xu a affirmé que le PCC est un parti totalitaire dont la nature même empêche la Chine de devenir une démocratie.
Selon lui, un pouvoir totalitaire ne tolère aucune auto-organisation du peuple, condition essentielle à l’existence d’une société civile et d’une démocratie.
« Lorsque j’insiste à de nombreuses reprises sur le fait qu’un régime totalitaire n’autoriserait jamais l’existence d’une quelconque organisation indépendante, ce n’est pas issu des livres », a confié M. Xu au journal Epoch Times. « C’est tiré de l’expérience personnelle. »
Le choix de partir à la campagne fut une décision volontaire pour M. Xu, qui souhaitait quitter Pékin afin d’étudier la société socialiste. Il est arrivé dans la ferme isolée en décembre 1967. Au lieu de vivre avec d’autres étudiants, il a opté pour une vie parmi les fermiers. Tout en s’occupant du bétail et nourrissant les chevaux, il lisait les ouvrages communistes et échangeait des courriers avec ses amis pour partager ses réflexions.
Cependant, ces échanges lui ont valu des ennuis. Trois ans plus tard, il est accusé d’être « anti-révolutionnaire » et, jusqu’à la fin de la Révolution culturelle, contraint de réaliser des travaux pénibles sous surveillance. Cette épreuve a duré six ans.
Durant cette période, M. Xu a cherché à comprendre la raison de cette accusation, espérant trouver une issue à sa situation.
Au départ, il pensait que la faute provenait de ses réflexions « non orthodoxes », divergentes de l’idéologie communiste dominante. Mais tel n’était pas le motif évoqué : il était accusé « d’avoir organisé des groupes anti-révolutionnaires ».
Il ne comprenait pas cette allégation, qui était entièrement fabriquée. Puis il eut une révélation.
« Quand on répète cette accusation, soudain, on réalise que c’est grave. Ce type de crime pouvait me coûter la vie », explique M. Xu.
« Cela m’a permis de comprendre ce qu’est le totalitarisme. »
« Le totalitarisme, c’est lorsqu’on interdit toute forme d’organisation indépendante, que ce soit en interne ou en externe. »
Les origines du PCC
Selon M. Xu, le PCC n’est pas un parti politique mais une organisation terroriste secrète.
Il avance que le PCC ne se définit pas comme un parti politique car il ne recrute pas ses membres par la compétition politique, et que les adhésions ne sont pas volontaires.
Pour comprendre la genèse du parti, M. Xu insiste sur l’importance de connaître l’organisation dont il est issu : le Parti communiste russe.
Lorsque Vladimir Ilitch Oulianov, alias Lénine, fonde les bolcheviks, il s’inspire des principes directeurs de « Narodnaïa Volia », une organisation politique clandestine, explique M. Xu dans son ouvrage.
Avec l’implantation d’une branche de l’Internationale communiste en Chine, celle-ci a cherché à appliquer la même formule de succès.
Une organisation politique secrète chinoise majeure était la Société des frères, ou Gelaohui, selon M. Xu. Cette société a constitué la structure de base du recrutement et des forces armées du PCC. M. Xu écrit que les premiers dirigeants du PCC considéraient les sociétés secrètes chinoises comme des regroupements des classes opprimées et incitaient les membres du parti à les rejoindre.
Un parti totalitaire repose sur l’adhésion absolue à son idéologie et la certitude que toutes les autres idées sont fausses, affirme M. Xu.
« Pour que la vérité l’emporte, il faut éliminer tout ce qui est faux », affirme-t-il. « L’idéologie est déterminante car elle sert de justification, elle confère la légitimité. »
En pratique, le PCC a instauré la tradition d’éliminer toute idée alternative en éliminant ceux qui les portent. Lorsque quelqu’un est identifié comme un ennemi de l’idéologie du PCC, il ne peut subsister.
M. Xu précise que même au sein du parti, les divergences de vues sont proscrites pour la même raison.
À ses yeux, la purge est devenue un mécanisme du PCC.
« À l’intérieur d’une telle structure, le conflit pour le pouvoir politique est une lutte à mort, c’est pourquoi elle est si brutale », estime-t-il.
Un client achète des fruits sur un marché de gros à Shanghai, le 14 juillet 2025. (Hector Retamal/AFP via Getty Images)
Développement économique sans société civile
En interdisant la diversité de pensée et la possibilité pour les individus de s’organiser eux-mêmes, le PCC supprime l’ingrédient indispensable à une société civile, soutient M. Xu ; sans société civile, la Chine ne pourra jamais devenir une démocratie.
Durant toute son existence, le parti a conservé une emprise rigide sur la société, malgré des décennies de développement économique rapide.
D’après M. Xu, le PCC a réussi cet exploit en supprimant la véritable propriété privée par le contrôle des secteurs clés, des droits de propriété et des entrepreneurs.
Le parti contrôle tous les secteurs stratégiques — selon le terme forgé par Lénine : « commanding heights » — essentiels à la nation, tels que l’énergie, les télécommunications ou la finance. Les entreprises publiques y jouent un rôle de premier plan.
Aux États-Unis, les propriétaires détiennent la maison ainsi que le terrain. En Chine, le terrain relève de l’État-parti. Lorsqu’un Chinois achète un appartement, il ne détient que la construction : il dispose seulement d’un bail d’utilisation de terrain de 70 ans.
Une loi promulguée en 2007 impose aux autorités locales de renouveler les baux, mais les modalités demeurent floues. Comme la propriété privée d’appartements n’a pas encore dépassé cette durée en Chine, aucun cas de renouvellement réel n’a été observé.
Quant aux entreprises privées, M. Xu estime qu’il n’existe pas de véritable secteur privé en Chine. La Constitution et la loi sur les entreprises imposent à toute société, dès lors qu’elle compte trois membres du PCC ou plus, de posséder une cellule du Parti.
« Le Parti communiste chinois dirige ces entreprises non par des outils juridiques, mais en contrôlant les entrepreneurs », explique M. Xu dans l’entretien. « Tous les entrepreneurs doivent se soumettre. Ils doivent se plier à toute exigence du parti. »


Terri Wu est une journaliste indépendante basée à Washington qui travaille pour Epoch Times et couvre les questions liées à l'éducation et à la Chine.
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