Logo Epoch Times

Exclusif

plus-iconÉconomie chinoise

Pourquoi l’économie chinoise se heurte toujours à la même impasse sous le régime du PCC — peu importe qui est au pouvoir

Sous la direction du Parti communiste chinois, « une économie planifiée ne peut satisfaire les besoins d’un marché moderne », explique un universitaire.

top-article-image

Un policier antiterroriste patrouille armé sur la place Tiananmen, le 8 novembre 2013, à Pékin, dans le cadre du dispositif de sécurité mis en place lors de la Troisième session plénière du 18ᵉ Comité central du Parti communiste chinois. Ce plénum, qui s’est tenu du 9 au 12 novembre, devait entériner des réformes majeures.

Photo: Feng Li/Getty Images

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 14 Min.

Le quatrième plénum du PCC s’est terminé récemment, affichant une promesse familière : le prochain plan quinquennal assurera un « développement de haute qualité » et une « autosuffisance technologique » sous un contrôle encore renforcé du Parti communiste. Les cadres ont été exhortés à affronter « vents violents, vagues houleuses et même tempêtes dangereuses ».
Si le ton officiel demeure assuré, les experts interrogés par Epoch Times dressent un bilan bien différent.
« Jusqu’ici, l’argent vote avec ses pieds », résume Frank Tian Xie, professeur à l’Université de South Carolina Aiken.
Selon ces spécialistes, le système économique chinois obéit toujours au même principe : le Parti contrôle les prix, le droit et la redevabilité.
Ce schéma cyclique — depuis la planification centralisée de Mao jusqu’aux réformes « cage à oiseaux » de Deng Xiaoping, puis la recentralisation impulsée par Xi Jinping — conduit à une impasse récurrente, analysent les observateurs.
À chaque durcissement du contrôle par Pékin, le secteur privé s’étiole. Quand les restrictions se desserrent, seuls des initiés bénéficient des marges avant que la répression ne s’accentue de nouveau.
Le quatrième plénum n’a pas rompu avec ce schéma : il l’a même conforté, estiment-ils.

Entre promesses de Pékin et regard des investisseurs

Le communiqué du plénum du PCC a truffé le quinzième plan quinquennal des slogans habituels — « développement de haute qualité », « autosuffisance et puissance scientifique et technologique », « ouverture », « réformes globales » — toujours sous la direction « unie » du Parti.
Aux yeux des investisseurs, cela se traduit par un pilotage étatique accru, mais assorti d’appels au secteur privé et aux capitaux étrangers pour maintenir la croissance, analyse M. Xie auprès d’Epoch Times.
Les statistiques des paiements internationaux de la Chine — qui reflètent l’ensemble de ses transactions avec le reste du monde — montrent que les investissements directs étrangers (IDE) nets ont atteint leur plus bas niveau depuis les années 90.
Les flux d’IDE ont chuté de leur sommet de 344 milliards de dollars en 2021 à 51,3 milliards en 2023 — un effondrement de 85 % —, puis à seulement 18,6 milliards en 2024, leur plus bas niveau depuis trois décennies, selon les données officielles.
La crise s’est aggravée avec l’effondrement du boom immobilier fin 2021. Les ventes de terrains et de logements ont chuté, privant les collectivités locales de leur principale ressource. Pendant des années, le régime avait financé métros, aéroports et parcs industriels grâce aux véhicules de financement locaux (LGFV) — des organismes intermédiaires servant à lever des fonds pour des projets.
Désormais, les LGFV peinent à refinancer quelque 78.000 milliards de yuans (10.000 milliards de dollars) de dettes — soit plus de la moitié du PIB du pays — selon les calculs du groupe mondial BBVA.
En 2024, l’investissement immobilier a chuté de 10,6 %, les mises en chantier ont reculé de 23 % et les recettes tirées de la vente de terrains — cruciales pour les collectivités — ont diminué pour la troisième année consécutive, soit ‑16 % par rapport à 2023, selon le Bureau national des statistiques.
La faiblesse du marché immobilier accentue une situation déjà sombre pour l’emploi des jeunes.
En août 2025, les statistiques officielles chiffraient le chômage des 16‑24 ans à près de 19 % — un niveau historique depuis la nouvelle méthodologie de 2023, qui exclut les étudiants.
Par comparaison, le taux moyen pour la jeunesse dans les pays de l’OCDE s’établissait à 11,2 % en juillet 2025, contre 10,8 % aux États‑Unis et 4,1 % au Japon. (OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques)
« Rien dans ces chiffres ne laisse présager d’un rebond », observe M. Xie, évoquant le flux d’IDE, les recettes immobilières et le chômage des jeunes.

De Mao à Xi, le même système de fonctionnement

La politique économique chinoise moderne se décline en trois grandes périodes, toutes guidées par la même idée — la prééminence absolue du Parti, selon l’analyste Wang He, basé aux États‑Unis.
Sous Mao Zedong, la maîtrise totale a engendré la pénurie chronique. Exemple : le Grand Bond en avant (1958‑1962), durant lequel les mécanismes de marché ont été remplacés par des quotas, l’agriculture collectivisée et la production fixée par campagnes politiques.
La planification centralisée a conduit les fonctionnaires à gonfler les chiffres de production pour atteindre les quotas, provoquant des pénuries alimentaires et une famine nationale qui, selon les historiens, aurait causé des dizaines de millions de morts.
« Sous Mao, l’économie chinoise était au bord de l’effondrement », rappelle M. Wang.
M. Xie ajoute : « Une économie planifiée ne peut répondre aux exigences d’un marché moderne. »
Deng Xiaoping accède au pouvoir deux ans après la mort de Mao, en 1976.
S’il est connu pour avoir lancé la période de « réforme et ouverture », Deng n’a pas aboli le contrôle du Parti ; il l’a réorganisé. Ses réformes duales ont maintenu les plafonds tout en autorisant la vente des excédents à des prix libres.
Les zones économiques spéciales ont suivi, puis l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce a fait affluer les capitaux étrangers et dopé les exportations.
L’ex‑vice‑Premier ministre Chen Yun comparait la stratégie de Deng à celle d’un oiseau en cage : le marché était l’oiseau, la planification l’enceinte — autrement dit, les marchés pouvaient bouger, mais d’après les limites fixées par le Parti.
Les dirigeants ultérieurs du PCC, Jiang Zemin et Hu Jintao, ont surtout reconduit ce modèle.
Le résultat, ce fut une croissance rapide entachée de capitalisme de connivence, puisque la terre, le crédit et les licences demeuraient sous le contrôle du Parti.
« Dans l’économie‑cage de Deng, mêmes les plus grandes entreprises privées sont nées de la connivence », note M. Wang.
Mais cette croissance a eu ses revers : l’environnement privilégiait la rentabilité au‑delà de l’éthique.
Ainsi, la crise du lait à la mélamine de 2008, qui a rendu malades des centaines de milliers d’enfants, atteste que l’absence de contrôle et les pratiques douteuses peuvent se révéler meurtrières, observe M. Wang.

L’ère Xi : concentration du pouvoir

Xi Jinping prend les rênes en 2012, promettant d’éradiquer la corruption et de doper l’économie — une croissance plus rapide, plus innovante et une allocation mieux maîtrisée des ressources.
Lors du plénum de 2013, il proclame vouloir laisser « au marché le rôle décisif dans l’allocation des ressources ».
Mais dans les faits, sa lutte anticorruption consolide le pouvoir. Les comités du Parti prennent le pas sur les entreprises, les régulateurs assument une tutelle renforcée, et l’État oriente de plus en plus le marché via ses objectifs.
En 2015, Xi lance le programme « Made in China 2025 » pour pousser l’industrie vers le haut de gamme, en particulier les semi‑conducteurs, la robotique et l’aérospatial, réduisant la dépendance aux technologies étrangères et bâtissant des champions nationaux par la subvention, le transfert forcé de technologies et le piratage intellectuel.
En 2017, Pékin adopte la première loi exhaustive sur la cybersécurité, octroyant à l’État un contrôle élargi sur l’économie numérique. Les données commerciales deviennent un enjeu de sécurité nationale, doivent être stockées en Chine, tout système critique subit un examen de sécurité, et l’accès internet comme l’inscription des domaines sont soumis à l’identification réelle.
En 2020, les régulateurs imposent les « trois lignes rouges » sur l’endettement, ce qui précipite le défaut et la liquidation d’Evergrande — ex‑premier promoteur immobilier — ainsi que le plongeon du secteur.
La même année, Pékin suspend brutalement l’introduction en bourse record d’Ant Group, qui devait lever plus de 34 milliards de dollars, après une critique publique de son fondateur, Jack Ma, envers les régulateurs financiers.
« L’épisode a montré que la taille du privé et l’accès aux données sont in fine sous le joug du politique », relève M. Wang.
Viennent ensuite les confinements extrêmes liés au zéro Covid, qui plombent les finances des ménages et des PME, ramenant la croissance du PIB à 3 % en 2022, l’une des plus faibles de ces dernières décennies.
Face au chômage record, à la faiblesse de la demande et au marasme immobilier, Pékin durcit le cadre en adoptant la loi sur la sécurité des données et la loi sur la protection des informations en 2021, limitant l’export de données et renforçant le stockage local.
La révision de la loi sur la lutte contre l’espionnage en 2023 élargit la définition à de nombreux actes, autorisant les perquisitions chez les cabinets d’audit et de conseil, créant des zones grises juridiques pour les multinationales.
À l’international, Pékin utilise les contrôles à l’export, notamment sur les terres rares, pour servir ses objectifs géopolitiques, illustrant l’ouverture sélective des flux commerciaux en fonction des priorités nationales, souligne M. Wang.
« Comment les investisseurs, dans n’importe quel secteur, pourraient‑ils se sentir en sécurité ? », s’interroge‑t‑il.
M. Wang note que, de la planification maoïste à l’ouverture partielle de Deng, en passant par le contrôle accru sous Xi, un invariant demeure : le marché n’opère qu’au sein de la cage du Parti.
« Essayer de changer la façon dont fonctionne le PCC, c’est comme tenter d’ôter deux tumeurs d’un patient et découvrir que le cancer est généralisé ; l’ôter serait fatal, mieux vaut le laisser suivre son cours », conclut M. Xie.

L’avantage chinois du « faible respect des droits humains » atteint ses limites

Selon l’historien et économiste chinois Qin Hui, la croissance rapide de la Chine tenait aussi à ce qu’il appelle un « avantage comparatif faible en droits humains », c’est‑à‑dire la capacité du PCC à privilégier la croissance aux dépens des droits fondamentaux et sociaux, plutôt que grâce à l’innovation ou au marché réel.
Dans son essai de 2007 « L’avantage comparatif faible en droits humains dans le développement économique chinois », M. Qin — ancien professeur à Tsinghua et aujourd’hui à l’Université chinoise de Hong Kong — affirme que l’ascension de la Chine communiste au rang de deuxième puissance mondiale tient moins au marché qu’à la répression des droits et de la concurrence.
Durant des années, explique‑t‑il, le système a permis de maintenir artificialement « le coût du travail, de la terre, du capital et des ressources non renouvelables » à des niveaux bas tout en bloquant la négociation et limitant les droits de transaction. L’État « réduisait les coûts » par la restriction des libertés, plus que par la recherche d’efficacité.
Ce modèle a transformé la Chine en « paradis des investisseurs », favorisant des collusions entre élus et patronat pour s’approprier la terre, exploiter la main‑d’œuvre et piller les ressources. Ces mécanismes ont attiré les capitaux mondiaux, soutenu les exportations et généré de colossaux excédents, mais les gains ont surtout profité aux puissants, pas à la population.
Le résultat, selon M. Qin, c’est « une économie déformée » — compétitive tant que les droits sont bafoués.
« L’autoritarisme peut doper la croissance », écrit‑il, mais « l’efficacité qui en découle est biaisée. »
Il insiste sur le fait que l’« avantage » de la Chine est d’abord fondé sur l’exploitation de sa propre population, non sur son émancipation ; et qu’un système construit sur la répression ne peut durer. Quand les salaires montent, que les ressources s’épuisent et que le monde se tourne ailleurs, cet « avantage faible en droits humains » s’épuise, et le moteur ne fonctionne plus, conclut‑il.
Pour M. Wang, l’instant prédit par M. Qin est désormais arrivé.
« La même répression, qui a jadis attiré les capitaux étrangers, les fait aujourd’hui fuir », observe‑t‑il.
Ning Haizhong et Yi Ru ont contribué à la rédaction de cet article.