Ce que nous pouvons retirer d’une lecture du mythe de la Genèse – Partie 4

Mythes versus logos

Par James Sale
21 août 2023 22:40 Mis à jour: 23 août 2023 14:23

Et si la morale était inscrite au cœur de l’univers, qu’est-ce que cela signifierait pour nous aujourd’hui ?

Dans la première partie de cette série « Mythes versus logos », nous avons discuté de la différence entre mythes et logos. Dans la deuxième partie, nous avons expliqué comment le fait de préférer les logos aux mythes a conduit la science à empiéter sur le domaine de la religion. Dans la troisième partie, nous avons choisi de voir ce qu’une perspective basée sur le mythe pouvait révéler et nous nous sommes penchés sur le premier livre de la Bible, la Genèse, pour étudier comment le sens et la beauté ont été créés. Dans le dernier article de cette série, nous nous tournons à nouveau vers la Genèse, mais cette fois-ci pour étudier la bonté au cœur de la création.

N’oublions pas que le mot hébreu pour « bon » dans le chapitre 1 de la Genèse est « tov », auquel nous avons attribué, dans la troisième partie, cinq significations possibles, la bonté morale étant l’une d’entre elles. Il est évident que le mot « bon » a une dimension morale, comme lorsque nous disons, dans le langage courant, « sois un bon garçon ou une bonne fille » ou « c’est une bonne personne ». Lorsque nous disons ce genre de choses, nous faisons invariablement référence à des qualités morales qui se manifestent par des comportements correspondants.

Ainsi, lorsque nous considérons le chapitre 1 de la Genèse (pris isolément, sans référence à l’ensemble du livre), nous avons une idée incroyable non seulement de la puissance et de la créativité de Dieu, mais aussi de sa moralité. La moralité peut se trouver dans la structure de l’univers lui-même (de la lumière, tout d’abord et, par extension, du soleil et des étoiles), dans les organismes vivants qui poussent et se développent sur la terre, mais surtout dans les êtres humains dans le contexte de la création tout entière ; tout étant, comme le dit Dieu, « très bon ». Le comportement de Dieu, si nous pouvons l’appeler ainsi, consiste à créer de bonnes choses au point que tout devienne très bon.

Qu’est-ce que cela signifie pour nous ? Au moins trois points principaux.

L’existence est bonne

Allégorie de la joie et de la mélancolie, 1628, par Abraham Janssens I. Huile sur toile. Musée Ashmolean, Oxford, Royaume-Uni. (Domaine public)

Premièrement, l’existence est préférable à la non-existence. Cela peut sembler évident, mais est-ce le cas ? En tant qu’êtres humains, nous avons reçu cette incroyable opportunité : être ! Et notre première réponse à cela doit être la gratitude, la joie même.

Cette gratitude signifie que nous devrions avoir une loyauté primordiale envers l’univers, la planète Terre et tous les autres bénéficiaires (c’est-à-dire les créatures vivantes) de cette bonté, y compris nous-mêmes.

C’est de ce sentiment de gratitude, je crois, qu’émerge l’un des tabous les plus ataviques et les plus durables dans pratiquement toutes les cultures à travers le temps : la condamnation universelle ou l’horreur du suicide (sauf dans des scénarios très définis et spécifiques, c’est-à-dire en cas de guerre, pour l’honneur, et ainsi de suite). Le suicide est le rejet de l’existence et donc le rejet du bien en faveur de l’inexistant ou du « non-bien ».

La vie est bonne

Deuxièmement, et dans le prolongement du premier point, la vie (c’est-à-dire l’existence animée et, dans le cas de l’homme, l’existence d’êtres sensibles) est préférable à la non-vie, ou à ce que nous appelons la mort. La vie est bonne, voire très bonne. Toute personne, ou peut-être plus exactement la plupart des personnes qui ont frôlé la mort (comme je l’ai fait moi-même) à cause d’un péril, d’une maladie, d’un accident, et ainsi de suite, savent intuitivement que la vie est bonne. Par vie, le chapître 1 de la Genèse n’entend pas une simple existence apathique. Le vocabulaire nous apprend que la terre « germe », que la végétation « produit des graines », que les arbres « portent des fruits », que les eaux « fourmillent », que les créatures « pullulent », que les oiseaux « volent », puis il est dit que « Dieu les a bénis ». Plus tard, l’humanité est également bénie. La fertilité engendre en elle-même plus de fertilité ! Il y a, dans tout cela, un sentiment massif d’énergie, de vivacité. La vie consiste à ressentir cette énergie, à promouvoir cette énergie, à se réjouir de cette énergie, à la voir telle qu’elle est, telle que Dieu la voit, c’est-à-dire très bonne.

Allégorie de l’élément Terre, vers 1580, par Leandro Bassano. Huile sur toile. Musée d’art Walters, Baltimore. (Domaine public)

Dans cette énergie de la vie réelle, presque tout le monde se renouvelle en y étant exposé : la tempête de la mer ou sa tranquillité, les oiseaux dans le ciel, les abeilles qui se précipitent férocement sur les fleurs pour collecter plus de pollen qu’elles ne peuvent en transporter. Cette activité est partout ! Comme c’est rafraîchissant de sortir parfois du bureau ou même de la maison, pour retrouver ses pouvoirs réparateurs. Oui, il y a des prédateurs ; le monde n’est pas parfait, mais il est « très bon ».

En extrapolant à partir de la seule lecture de ce chapitre, nous pouvons comprendre que les mouvements d’euthanasie d’aujourd’hui et leur insistance sur le droit de l’État ou de ses agents, ou de l’individu ou de ses relations, de mettre fin à une vie « dans la dignité » s’opposent fondamentalement à ce que Dieu a voulu. La « dignité », dans ce contexte, est un concept séculier qui a été pris pour s’opposer spécifiquement au bien de la création.

De toute façon, la dignité a-t-elle un sens ? Toute mort est au minimum dégoûtante. Toute mort implique une perte de contrôle – de la perte de contrôle intellectuel jusqu’à nos mouvements intestinaux.

Pour prendre un autre exemple, Dieu n’a jamais pensé que l’avortement sur demande était une bonne chose – comme si tuer un être vivant de manière désinvolte parce que c’est pratique était acceptable. Il est clair que dans certaines circonstances, c’est la seule option possible : pour sauver la vie de la mère, par exemple. Mais pour une vie qui est très bonne et bénie, comment peut-il être bon de tuer un fœtus innocent ?

La vie est précieuse, la vie humaine est sacrée, et sa destruction délibérée ne peut jamais être juste, ne peut jamais être bonne, quelle que soit la manière dont nous emballons nos meurtres avec l’idéologie du choix. Nous pouvons tous choisir d’être des meurtriers de vies humaines ou de vies humaines potentielles, mais l’exercice d’un tel choix ne le rend pas bon ; il est simplement commode et intéressé.

Mener une vie morale en respectant l’ordre

Allégorie des planètes et des continents, 1752 par Giovanni Battista Tiepolo. Huile sur toile. Metropolitan Museum of Art, New York. (Domaine public)

Enfin, dans ce trop court exposé sur le pouvoir mythique du chapitre 1 de la Genèse, rappelons les paroles de l’un des plus grands anthropologues du XXe siècle : Claude Lévi-Strauss. Dans son livre Myth and Meaning, il observe : « Il est, je crois, absolument impossible de concevoir le sens sans ordre (…) Le dénominateur commun [de toutes les entreprises intellectuelles humaines] est toujours d’introduire une forme d’ordre. Si cela représente un besoin fondamental d’ordre dans l’esprit humain car, après tout, l’esprit humain n’est qu’une partie de l’univers, ce besoin existe probablement parce qu’il y a un certain ordre dans l’univers et que l’univers n’est pas un chaos. »

L’univers n’est pas un chaos ! Ce n’est donc pas une obscurité confuse, enchevêtrée et désordonnée. Tout d’abord, Dieu a créé la lumière, ce qui nous permet de voir l’ordre. La nuit succède au jour. Ainsi, l’être humain qui veut ne pas s’épuiser doit se reposer un jour sur sept, qu’il le fasse pour des raisons sacrées ou profanes.

Cette idée ne se limite pas à la tradition judéo-chrétienne. L’idée d’une existence ordonnée se retrouve partout où des penseurs sérieux observent la nature réelle du monde. Prenons l’exemple du philosophe chinois Dong Zhongshu (vers 179-104 av. J.-C.) : « Les forces vitales du ciel et de la terre se rejoignent pour former une unité, se divisent pour devenir le yin et le yang, se séparent pour former les quatre saisons et se répartissent en cinq agents (…) Dans l’ordre de leur succession, elles se donnent naissance l’une à l’autre, tandis que dans un ordre différent, elles se combattent mutuellement. C’est pourquoi, en gouvernant, si l’on viole cet ordre, c’est le chaos, mais si on le suit, tout sera bien gouverné. »

Dong Zhongshu aborde l’histoire suivante de la Genèse : La chute d’Adam et Ève. Seulement ici, au lieu d’être appelé péché originel, il est décrit comme une « violation de l’ordre », ce qui ramène au chaos – les ténèbres primordiales. La moralité consiste à résister ou à violer le désordre.

L’éternel dilemme de l’humanité – le choix entre la vertu et le vice, 1633, par Frans Francken le Jeune. Huile sur panneau. Musée des beaux-arts de Boston. (Domaine public)

Dans son livre Beyond Order: 12 More Rules for Life, Jordan B. Peterson touche certainement le cœur du sujet lorsqu’il parle de « ce métamonde hyper-réel qui consiste en des interactions continues entre le chaos et l’ordre, qui servent éternellement de champ de bataille entre le bien et le mal ». Cette lutte contre le chaos est ce qui, selon M. Peterson, caractérise le héros.

Invariablement, cela implique une lutte morale : vaincre le mal ou le chaos à l’extérieur, et le mal ou le chaos à l’intérieur. Car il y a un ordre dans notre esprit comme dans l’univers. Cet ordre dans notre esprit, ce besoin d’ordre, vient du fait que nous sommes à l’image de Dieu et que cet ordre reflète la création originelle.

Le chapitre 1 de la Genèse indique clairement si nous voulons le bien et la morale ou si nous voulons l’alternative, le chaos des ténèbres. Il ne s’agit pas d’un choix intellectuel, mais d’un choix moral. En fin de compte, il s’agit de notre volonté par laquelle nous faisons nos choix et vivons notre vie. Tous les hommes et toutes les femmes sont appelés à combattre le mal et le chaos, qu’ils en soient conscients ou non.

Pour la première partie de cette série, voir « Quand une culture perd le contact avec ses mythes ».

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