Le programme spatial du PCC est une « menace militaire directe » avertissent les experts

Par Andrew Thornebrooke
14 août 2021 09:53 Mis à jour: 14 août 2021 09:53

Les activités du Parti communiste chinois (PCC) dans l’espace représentent une menace unique pour la sécurité internationale dont les dirigeants et, selon les experts, le public américain commencent seulement à percevoir l’importance. Au cœur du problème, le flou entre les activités civiles et militaires du PCC et ses efforts pour exploiter les réseaux de satellites américains.

Au cœur des tentatives du PCC visant à dominer l’espace se trouve sa stratégie nationale de fusion militaro-civile. Le régime tend à supprimer toutes les barrières entre les domaines civil et militaire.

Selon le département d’État américain, la stratégie de fusion militaro-civile du PCC vise à faire de l’Armée populaire de libération (APL) la plus grande puissance militaire du monde d’ici à 2049 (année du centenaire du régime communiste en Chine continentale). Cette stratégie est directement supervisée par le dirigeant chinois Xi Jinping.

L’APL exerce un contrôle quasi-total sur tous les aspects des programmes spatiaux du PCC. Cela inclut la gestion de l’ensemble des astronautes chinois (taikonautes) et l’exploitation des réseaux de satellites.

La recherche [scientifique] ou les visées commerciales du PCC dans l’espace sont donc susceptibles de renforcer ses missions militaires.

Pas de distinction entre le civil et le militaire

Li Xiaobing, professeur d’histoire, et Don Betz, titulaire d’une chaire d’études internationales à l’Université de Central Oklahoma, évoquent les difficultés qu’il y a à envisager les stratégies militaires et civiles du PCC de façon distincte, et des problèmes qui en résultent sur le plan international.

« Il est difficile de séparer [les stratégies] parce qu'[en Chine] c’est un système différent, déclare pour Epoch Times Li Xiaobing. En Occident, notamment aux États-Unis, il y a le secteur privé et le gouvernement. Mais en Chine, le gouvernement dirige à la fois les secteurs civil, commercial et gouvernemental. »

« En Chine, la relation entre le civil et le militaire est si intégrée que le programme spatial a une double fonction : des fins commerciales et des fins militaires en même temps. »

Selon Li Xiaobing, en raison de cette double fonction, il est difficile d’évaluer la menace potentielle que constitue tel ou tel programme spatial du PCC, et il y a toujours une certaine ambiguïté quant à savoir si sa finalité est principalement militaire ou civile.

Pour Paul Crespo, président du centre d’études américain sur la Défense (Center for American Defense Studies) et rédacteur en chef d’American Defense News, le problème est que, s’agissant du PCC, les [programmes ayant] une double fonction tendent toujours davantage vers une application militaire.

« Tout a un double usage, déclare pour Epoch Times M. Crespo. Oui, il y a de la recherche scientifique qui est faite, il y a de la technologie civile générique qui est créée, mais l’objectif premier, à mon avis, est militaire. Tout le reste passe au second plan derrière le militaire. »

Pour M. Crespo, qui a précédemment servi en tant qu’officier de marine au sein de la Defense Intelligence Agency, une des différences majeures entre la stratégie de fusion militaro-civile du PCC et la stratégie américaine est que le PCC intègre totalement la cyberguerre dans tous les autres domaines de son armée, y compris dans les opérations spatiales supervisées par l’APL. Et surtout, le PCC s’assure qu’il n’y ait pas de différence significative entre les sphères militaire et civile.

« Ils considèrent que cela forme un tout, déclare M. Crespo. Selon moi, il n’y a pas de clivage civil-militaire en Chine, lorsqu’il s’agit des objectifs nationaux. »

Une zone grise conflictuelle, la nouvelle norme

À l’inverse, utiliser la recherche spatiale à des fins militaires n’indique pas nécessairement une intention hostile ni ne représente un phénomène nouveau ou inhabituel.

Gary Prater, membre du Center for American Defense Studies, note que la plupart des nations disposant d’assises dans l’espace cherchent à tirer profit des technologies et des recherches qui leur sont associées afin de renforcer, d’une manière ou d’une autre, leurs efforts de sécurité nationale.

« L’espace est et a été militarisé depuis que le premier satellite a été lancé pour afficher les forces militaires, les bases, les installations de missiles et les usines des autres pays, déclare pour Epoch Times Gary Prater. La Chine, la Russie, les États-Unis et bien d’autres pays utilisent des moyens spatiaux à des fins militaires. »

M. Prater souligne l’importance des missions spatiales pour renforcer les capacités d’un grand nombre de domaines, notamment la communication, le GPS et les opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (Intelligence, surveillance and reconnaissance, ISR).

Néanmoins le fait que les opérations spatiales soit fréquemment utilisées à des fins militaires ne signifie pas que les programmes spatiaux du PCC ne constituent pas une menace pour la communauté internationale.

Selon M. Li, la croissance de la cybercriminalité et de la cyberguerre pourrait entraîner une montée des hostilités dans l’espace, les nations étant plus enclines à s’engager dans des conflits dits de la « zone grise », où les hostilités ne font pas de victimes humaines directes.

« Le public américain, y compris certains experts, regardent trop la télévision, avec des histoires de guerre comme en Afghanistan, déclare M. Li. La Chine a un nouveau concept. L’avenir de la guerre est dans l’espace. »

« Il est plus facile de prendre une décision de guerre dans l’espace. Tuer des Américains ou attaquer des porte-avions, cela peut être difficile. Mais que se passe-t-il si vous neutralisez simplement quelques satellites ? Est-ce une guerre ? Les gens ne sont pas aussi sensibles aux attaques spatiales. »

Dans cette optique, le PCC continue à investir massivement dans des nouvelles grappes de satellites, des armes antisatellites et des ensembles de guerre électronique conçus pour couper l’accès des États-Unis à leur propre réseau de satellites. Plus tôt cette année, les médias d’État chinois ont annoncé que la société d’État China Telecom lancerait 10 000 satellites au cours des 5 à 10 prochaines années.

Selon les bases de données de plusieurs traqueurs de satellites, dont N2YO et Heavens-Above, l’objectif de 10 000 satellites semble ambitieux à ce stade, car le nombre actuel de satellites chinois en orbite est inférieur à 480.

Toutefois, un tel objectif n’est pas impossible. À la suite des réformes militaires du PCC de 2015, l’importance accordée aux conflits dits informatisés, ou dans lesquels les technologies de l’information sont essentielles pour gagner, pourrait faire converger des investissements monumentaux vers les programmes de satellites.

« Ils ont les ressources, ils ont l’argent, ils ont la vision, et ils ont la détermination, soutient M. Crespo. Sur la base des tendances actuelles, je ne vois rien qui les empêcherait d’atteindre cet objectif. »

Les États-Unis semblent désormais prendre très au sérieux la menace d’un conflit dans l’espace, en zone grise, et ont récemment annoncé plusieurs initiatives destinées à renforcer la défense de leur infrastructure spatiale vieillissante et la résilience de leurs systèmes satellitaires.

En juillet seulement, la U.S. Space Force a livré la quatrième des cinq mises à niveau logicielles prévues pour son système de communication par satellite, afin de mieux soutenir la planification de ses missions. La Space Force a également annoncé l’ouverture d’un nouveau centre d’opérations satellitaires sur sa base aérienne de Kirtland afin d’améliorer les capacités de guerre spatiale des États-Unis.

Le National Reconnaissance Office a annoncé qu’il renforcerait la distribution de son architecture satellitaire, plaçant bien plus de satellites sur des orbites multiples, afin de prévenir une éventuelle perte des communications par satellite en cas d’attaque, ce qui pourrait s’avérer désastreux.

Le président Joe Biden a également averti que les cyberattaques pourraient conduire à une véritable guerre.

Ces efforts ne sont peut-être qu’un début, car les réseaux de satellites américains sont actuellement l’un des maillons les plus faibles du système de défense et de sécurité américain.

« Le désir et l’ambition de la Chine sont assez clairs, précise M. Li. Il s’agit de concurrencer les autres, en particulier les États-Unis, en ciblant la vulnérabilité des maillons les plus faibles des programmes américains, tels les satellites. »

Le PCC, une « menace militaire directe »

Lorsqu’on lui demande si les États-Unis consacrent suffisamment de ressources pour s’assurer que le PCC ne devienne pas une menace sérieuse dans l’espace, M. Li répond sans détour : « Pas en termes de défense satellitaire»

M. Crespo va dans le même sens : « Si nous ne consacrons pas beaucoup plus d’argent, beaucoup plus de temps et beaucoup plus de réflexion à ce sujet, nous allons prendre du retard dans le seul domaine où nous ne pouvons vraiment pas nous le permettre. »

Il souligne également que les satellites américains sont au centre des tensions actuelles entre le régime chinois et les États-Unis, et de façon encore plus importante, dans le conflit actuel, de nature cybercentrique, dans la zone grise.

« Ils n’ont pas nécessairement à faire tomber nos satellites, ils pourraient simplement détruire notre capacité à communiquer avec eux ou à les contrôler, explique M. Crespo. Les capacités cybernétiques font donc partie intégrante du projet spatial [du PCC]. »

« Il est plus que probable qu’ils n’entreprennent une attaque cinétique sur des satellites qu’en dernier recours, car cela demeure une ligne d’attaque militaire trop évidente. Ils préféreraient de loin – et ils ont développé leur capacité en ce sens – [attaquer] par le biais de la cybernétique, où ils peuvent encore laisser place à la dénégation. »

Li Xiaobing et Paul Crespo s’entendent sur le fait que beaucoup aux États-Unis, que ce soit du secteur public ou privé, ne saisissent pas pleinement le PCC et l’étendue de ses ambitions.

« Les médias ne font pas assez ici aux États-Unis pour mettre en évidence la menace de la Chine ou [de ses] réalisations. Nous ignorons parfois [ces réalisations] en les considérant comme de la propagande, affirme M. Crespo. Dans le domaine spatial, au cours des seules dernières années, leur niveau d’accomplissement est sans précédent. »

« Je pense que si le peuple américain en savait plus sur ce que font le Parti communiste chinois et la nation, il serait beaucoup plus inquiet. »

M. Li explique que le PCC a initié ses efforts militaires dans l’espace parce que la direction du Parti a pris conscience que, pour gagner toute guerre potentielle, la capacité de prendre le dessus sur les puissances occidentales dans l’espace est fondamentale.

« La prochaine guerre aura lieu dans l’espace », dit-il.

Selon M. Li, l’issue de la prochaine guerre dépendra de la rapidité avec laquelle les États-Unis et leurs alliés s’adapteront à la réalité de la guerre spatiale.

« L’administration américaine actuelle, ainsi que les autres pays occidentaux, n’ont pas de politique à long terme pour faire face au programme spatial de la Chine, ajoute-t-il. C’est très instable, c’est une politique basée sur la réactivité qui consiste à attendre et voir. »

Les deux experts avertissent également que le contrôle des programmes spatiaux du PCC, opéré par l’APL, augmente la probabilité d’une militarisation accrue de l’espace et de dommages causés, de façon délibérée ou accidentelle, aux infrastructures spatiales vitales via les conflits en zone grise.

« L’année prochaine, la Chine enverra sa première station spatiale, explique M. Li, qui servira les objectifs de l’armée. »

Selon M. Crespo, le PCC considère le contrôle de l’espace par les États-Unis à la fois comme l’une de ses plus grandes forces et une de ses plus grandes faiblesses.

« Ils considèrent que la domination des États-Unis dans l’espace est le moteur de leur capacité à étendre leur pouvoir. Et c’est aussi leur plus grande faiblesse, dit-il. Sans neutraliser [les États-Unis] dans l’espace, ils pensent qu’ils ne pourront jamais gagner une guerre. C’est pourquoi, pour eux, il est absolument prioritaire d’être en mesure de contrer les États-Unis, de les empêcher de dominer l’espace. »

Tous deux gardent cependant l’espoir que les Américains s’éveilleront pleinement au véritable conflit potentiel dans l’espace entre le régime chinois et les États-Unis, et à ce que représente cette menace dans les relations entre les deux pays.

« Je pense que nous réalisons enfin le niveau de la menace, conclut M. Crespo. Ils représentent un danger militaire directe. Ils sont un adversaire, si ce n’est un ennemi. »

 

 

 

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