Projet de loi immigration : la Commission mixte paritaire trouve un accord, fissure dans la majorité

Par Etienne Fauchaire
19 décembre 2023 20:40 Mis à jour: 15 avril 2024 12:53

Le vote de la motion de rejet avait interrompu les débats à l’Assemblée nationale le 11 décembre sur le projet de loi immigration. L’exécutif avait alors décidé de réunir une commission mixte paritaire (CMP) et d’engager des négociations avec l’opposition. Ce mardi après-midi, les sept députés et sept sénateurs qui la composent sont parvenus à trouver un accord sur ce texte. Voté ce soir par le Sénat à 214 voix pour et 114 voix contre, le texte doit maintenant être envoyé à l’Assemblée nationale, où doit d’abord être étudié une nouvelle motion de rejet.

La droite enchantée, la gauche enragée, le centre divisé

Cette nouvelle mouture est « une bonne chose » aux yeux de Gérald Darmanin, qui énonce sur X « des mesures qui protègent les Français, (des mesures) de fermeté indispensables vis-à-vis des étrangers délinquants, et des mesures de justice comme la fin (historique) de la rétention des mineurs ou de régularisation pour les travailleurs ». En revanche, la nouvelle version du texte ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement. Sacha Houlié, figure de l’aile gauche macroniste, a d’ores et déjà annoncé qu’il ne voterait pas le projet de loi retenu par la CMP, à l’instar d’une dizaine de parlementaires issus de la majorité. Ulcérés par la droitisation de cette législation, les ministres Clément Beaune (Transports), Aurélien Rousseau (Santé), Patrice Vergriete (Logement) et Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur) ont, de leur côté, menacé de « mettre leur démission dans la balance » en cas d’adoption de cette législation par le Parlement. Aussi, Emmanuel Macron a convoqué une réunion de crise à l’Élysée.

Du côté du Rassemblement national, Marine le Pen salue une « victoire idéologique », tempérant toutefois les réjouissances en évoquant une « petite loi qui qui ne mérite ni un excès d’éloges ni un excès d’opprobre ». Bien qu’il soit « inscrit désormais dans cette loi la priorité nationale », « il y a encore beaucoup à faire, notamment un référendum constitutionnel comme nous le proposons », a-t-elle prévenu. Dans l’attente, la députée du Pas-de-Calais que son parti votera « ce texte tel qu’il ressort de la commission mixte paritaire ».

Même son de cloche chez les Républicains : « Victoire ! »  La nouvelle version du projet de loi est « claire, ferme et puissante », se réjouissent-ils dans un communiqué. En revanche, « il ne suffira pas à répondre intégralement au défi de l’immigration de masse » en raison de « l’indispensable nécessité d’une révision constitutionnelle qui réarme notre souveraineté », ont-ils néanmoins nuancé.

Chez Reconquête, Eric Zemmour fustige pour sa part « une loi qui ne changera presque rien » et qui « ne correspond en rien aux attentes du peuple ».

Enfin, à gauche, de la France insoumise au Parti socialiste, l’heure est à l’indignation et à la dénonciation des « compromissions » des macronistes avec le RN :  c’est « un texte lepéniste », martèle Mathile Panot. Une loi « qui défigure la France », a renchéri Jean-Luc Mélenchon, appelant sur sa page YouTube l’ensemble des députés qui n’appartiennent pas au Rassemblement national à « ne pas voter cette loi » ce soir.

Ce que contient le texte issu de la CMP

Conditionnement des prestations sociales : cette question a failli faire capoter les tractations au sein de la commission mixte paritaire. La droite exigeait un délai de cinq ans pour que les étrangers puissent bénéficier des aides sociales. Finalement, l’ouverture des droits à ces prestations dépendra de la situation d’emploi de l’immigré. Pour les allocations familiales par exemple, un délai de cinq ans sera nécessaire pour ceux qui ne travaillent pas, mais de trente mois pour les autres. Pour l’accès à l’aide personnalisée au logement (APL), une condition de résidence est établie à cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas, et de seulement trois mois pour les autres. En revanche, les réfugiés ou les titulaires d’une carte de résident sont exclus de ces mesures.

Régularisations des clandestins dans les métiers en tension : le fameux article 3 du projet de loi représentait la ligne rouge de la droite depuis le début des débats parlementaires. Dans la nouvelle version adoptée par la CMP, les préfets se voient octroyés un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou non les titres de séjour, délivrés au cas par cas pour une durée d’un an condition d’avoir résidé en France pendant au moins trois ans et exercé une activité salariée durant au moins 12 mois sur les 24 derniers. La majorité présentielle a en revanche décrocher une concession de l’opposition : la possibilité pour un travailleur clandestin de demander ce titre de séjour sans l’aval de l’employeur.

Définition de quotas migratoires : jugée inconstitutionnelle par les macronistes, l’instauration de quotas fixés par le Parlement afin de déterminer « pour les trois années à venir » le nombre d’étrangers autorisés à s’installer sur le territoire (hors demandeurs d’asile) a néanmoins été intégrée au texte de loi. Les parlementaires ont aussi obtenu l’organisation d’un débat annuel sur l’immigration avec des objectifs chiffrés.

Rétablissement du délit de séjour irrégulier : Être présent en France de façon irrégulière ne sera plus seulement illégal, ce sera désormais un délit puni de 3750 euros d’amende, mais sans emprisonnement. Pas sûr que cette mesure puisse dans la pratique être appliquée.

Limitation du droit du sol : aujourd’hui, les enfants nés en France de parents étrangers acquièrent la nationalité de façon automatique à 18 ans. Selon la nouvelle mesure adoptée, l’étranger âgé entre 16 et 18 ans devra « manifester [sa] volonté » d’obtenir sa naturalisation. En revanche, sont désormais exclus les délinquants condamnés à une peine d’au moins six mois de prison. La CMP a également validé une mesure de déchéance de nationalité pour les binationaux auteurs de crimes contre les forces de l’ordre.

L’aide médicale d’État sera réformée ultérieurement : autre point de crispation entre la droite et le camp présidentiel, l’AME. Les sénateurs avaient introduit une disposition restreignant l’accès à ce dispositif. Finalement, les LR ont accepté de la sortir du texte de loi en échange de la promesse d’un projet de loi dédié à ce sujet, qui devrait voir le jour en janvier, a annoncé dimanche Gérald Darmanin sur BFM TV. Un engagement confirmé lundi par Elisabeth Borne lundi dans un courrier adressé au président LR du Sénat, Gérard Larcher.

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