Le chef de la propagande chinoise au bord du précipice ?

20 juin 2016 11:27 Mis à jour: 20 juin 2016 12:57

Du coup d’envoi de la Révolution culturelle il y a cinquante ans à nos jours, il semble que très peu de choses aient changé sur le front de la propagande chinoise – la prestigieuse salle de cérémonie de Pékin résonne toujours de chansons ostentatoirement « rouges », une chape de plomb réduit au silence tous ceux qui critiquent ouvertement le régime communiste et le culte de la personnalité fait son retour pour le chef du Parti.

Et pourtant, l’organe disciplinaire interne du Parti est mécontent des derniers agissements de Liu Yunshan, membre du Comité permanent du Politburo et directeur de la propagande du Parti.

Dans son rapport du 3 juin, le chef de l’équipe des inspecteurs de la discipline du Parti, Wang Haichen a vilipendé la direction du Département de la propagande pour son manque de conscience politique. Les deux mois d’investigations des inspecteurs sur les médias du Parti ont également mis en lumière des divergences entre les instructions du Parti Central et les agissements du Département, des pratiques d’embauche non conformes aux normes, des contrôles anti-corruption très laxistes et un Département qui fonctionne de manière démesurément formelle et trop bureaucratique.

L’accusation explicite formulée par la police interne du parti à l’encontre du Département de la propagande est le dernier acte d’une série de reproches formulés par Xi Jinping à l’encontre de Liu Yunshan cette année. Les récents développements politiques, les rumeurs et cette mise en accusation suggèrent que dans un proche avenir, Xi voudrait écarter Liu.

Le rapport du 3 juin présage qu’un « énorme séisme politique » va ébranler la direction supérieure du Parti, a écrit la version en langue chinoise de la BBC dans ses informations. « L’obstacle politique de Xi Jinping pourrait bientôt être démis de ses fonctions ».

Reprenant des commentaires de l’étranger, la BBC annonçait dans son article que « c’est le signal indiquant que le sommet de la direction chinoise était mécontent du travail du Département de la propagande du Comité Central et qu’il y aura par conséquent une redressement du département ». Depuis les alentours du mois de février et les insinuations subtiles de la propagande susceptibles de ternir son image, Xi s’était lancé dans un contrôle des dommages.

Une fois le gala de la nouvelle année lunaire organisé par la télévision China Central Television (CCTV), devenu un instrument affirmé de propagande à sa gloire, Xi s’est publiquement rendu aux sièges de la télévision, du Quotidien du Peuple et de Xinhua, les trois principaux organes de presse aux ordres du régime. Pour les experts, cette tournée de M Xi est une tentative de reprise en main de la plume du Parti.

Fin février, les autorités du Département de la propagande, en charge de la surveillance du web, ont supprimé des réseaux sociaux le compte de Ren Zhiqiang, un magnat à la retraite. Ce dernier venait d’exprimer des remarques acerbes contre les politiques du régime. Les autorités de surveillance de l’internet ont également publié une longue déclaration pour justifier leur censure, un geste inhabituel qui laisse penser que de sérieuses mesures seraient prises contre Ren.

Les observateurs étrangers ont taxé Xi Jinping d’avoir durci les conditions en matière de liberté d’expression. Mais au mois de mai, l’agence de la discipline interne du Parti n’a condamné Ren, membre du Parti, que d’une période de probation d’un an. Plus tôt ce mois, lors d’un forum environnemental, Ren avait retrouvé la forme en critiquant des entreprises chinoises polluantes, mais n’a reçu aucune réprimande.

Si ces évènements peuvent s’expliquer par les frictions qui existent entre Xi Jinping et les éléments récalcitrants de son administration, il semblerait que ses ennemis soient allés trop loin le mois dernier. Dans le sillage d’un concert sur le thème de la Révolution culturelle, organisé au Grand Palais du Peuple et où l’image de Xi côtoyait celle de Mao Zedong, Xi a décidé de passer à l’offensive.

Sur son site internet, le Forum populaire (un supplément du Quotidien du Peuple) a mis en exergue un sondage au mois de mai, pour expliquer le concept de « gaojihei », un terme lié à l’ère internet. Il s’agit d’une manœuvre sophistiquée pour porter atteinte à la réputation de quelqu’un en l’encensant à outrance. Quelques jours plus tard, un blogueur chinois célèbre pour sa flatterie exacerbée de Xi et producteur de pièces nationalistes aux tons maoïstes a été censuré.

Xi a tout bonnement interdit au Département de la propagande qu’on puisse l’appeler « Xi Dada » ou oncle Xi, selon le journal de Hong Kong Ming Pao, probablement parce qu’un usage exagéré du terme, fait de lui le pendant de Mao. Il y a deux façons différentes de comprendre les récents recadrages opérés par Xi Jinping. Soit il essaye d’empêcher ses adversaires politiques, qui le dépeignent comme une figure maoïste, de lui nuire ; soit il est obligé de prendre le contrôle des médias et des commandes de l’armée du Parti. Ainsi il poursuivrait sa campagne de redressement anti-corruption et maintiendrait son avance dans « la lutte à la vie, à la mort » qu’il livre à la faction rivale au sein du parti.

Liu Yunshan, le directeur de la Propagande est connu pour sa fidélité envers Jiang Zemin, l’ancien chef du Parti. Avant la prise de pouvoir de Xi, Jiang avait permis à ses fidèles du Comité permanent du Politburo – le vice président militaire Xu Caihou, Guo Boxiong et le tsar de la sécurité Zhou Yongkang, pour ne pas les nommer –  d’avoir les coudées franches sur leurs portefeuilles respectifs. En retour, ces inconditionnels de Jiang étaient déterminés à protéger leur patron afin de maintenir l’ordre politique qu’il chapeaute.

Xi Jinping veut le contrôle total du Parti et cela n’est possible qu’en délogeant les liens de Jiang Zemin avec le pouvoir. Il a déjà purgé plusieurs des alliés de premier ordre de ce dernier et pris le contrôle militaire du Parti grâce à une réforme radicale de l’armée. Le Département de la propagande, l’autre organe clé du Parti, serait le prochain sur la liste.

Dernièrement plusieurs médias de langue chinoise basés à l’étranger ont fait écho aux rumeurs sur la probable purge de Liu Yunshan et la reconstruction du Département de la propagande.

D’après les informations recueillies par le magazine politique de Hong Kong Chengming, Wang Huning, un dévoué conseiller auprès de trois dirigeants du Parti, aurait convoqué quatre autres membres du Politburo pour réclamer le lancement d’une enquête contre Liu Yunshan. Wang et ses collègues accusent Liu d’avoir supervisé « des activités de certaines organisations illégales » et d’avoir échoué dans l’exercice de ses fonctions.

Au même moment Mingjing, une publication de langue chinoise, réputée pour diffuser des nouvelles politiques de haut niveau, affirme que Xi Jinping prévoit de réorganiser, voire même de renommer le Département de la propagande lors de l’important conclave politique de 2017.

Selon des sources basées en Chine, l’agence de la discipline interne du Parti aurait placé Jiang Mianheng, le fils aîné de Jiang Zemin en résidence surveillée. Ce mouvement est un pas de plus dans la bataille de longue haleine que mène Xi Jinping contre le clan de Jiang Zemin et ses partisans.

Ces développements conjugués à la critique ouverte adressée au Département de la propagande ne présagent rien de bon pour Liu Yunshan.

Version anglaise : Is China’s Propaganda Chief Headed for a Fall?

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