Pyongyang s’en va-t-en guerre

22 mars 2016 12:00 Mis à jour: 23 mars 2016 09:49

Après l’essai présumé d’une bombe H au mois de janvier et des tirs de missiles balistiques en février, le régime nord-coréen annonce de nouveaux essais nucléaires et le test de missiles capables de porter une charge nucléaire légère jusqu’à la côte Ouest des États-Unis. Ceux-ci demandent de nouvelles sanctions aux Nations unies.

C’est un nouveau défi après les sanctions votées à l’unanimité du Conseil de Sécurité au mois de février. D’après l’agence officielle nord-coréenne KCNA, le « leader suprême » Kim Jong-un a déclaré mardi 14 mars « un test d’explosion de tête nucléaire et le lancement de plusieurs missiles balistiques capables de porter des têtes nucléaires pour renforcer la fiabilité des moyens d’attaque nucléaire ». D’après KCNA, les déclarations de Kim se sont faites au moment où ses experts militaires testaient la capacité des missiles nord-coréens à résister au choc thermique de la descente dans l’atmosphère vers leur objectif. Depuis l’adoption des sanctions, Pyongyang menace de réaliser des frappes nucléaires préventives contres les États-Unis. Le New-York Times cite un physicien nucléaire nord-coréen affirmant que son pays maîtrise la bombe H depuis les essais du 6 janvier, et que si l’une d’entre elles était lâchée sur Manhattan, « tous les habitants mourraient instantanément, la ville serait réduite à un tas de cendres ».

Les escalades rhétoriques sont courantes dans le discours officiel nord-coréen, en particulier à cette période de l’année qui voit la réalisation d’exercices militaires communs entre Corée du Sud et États-Unis. Elles sont cependant cette année inhabituellement violentes. « Tous les groupes opérationnels des forces armées révolutionnaires de la République Démocratique de Corée sont prêts à mener des frappes destructrices et sans merci contre les ennemis s’ils font le moindre signe de provocation », a menacé le journal communiste Rodung Sinmun. Les exercices militaires Corée/États-Unis, qui simulent la réponse à des attaques venant des troupes nord-coréennes, ont cette année impliqué près de 17 000 militaires américains parmi les 28 000 stationnés en Corée du Sud, et près de 300 000 soldats sud-coréens, en faisant d’après le ministre de la Défense sud-coréen, le « plus grand exercice militaire conjoint de l’histoire ».

Un soutien chinois toujours présent

Le régime nord-coréen ne subsiste que grâce au soutien actif de la Chine communiste, qui craint d’avoir à ses frontières une Corée réunifiée et proche des États-Unis. Pékin bénéficie de plus en Corée du Nord d’une main-d’œuvre encore meilleur marché que sur son propre territoire et y délocalise certaines activités.

Le porte-parole du ministre chinois des Affaires étrangères a donc sans surprise d’abord demandé que « les parties en présence cessent leurs provocations si elles veulent éviter une escalade des tensions », cite le magazine Newsweek. Après l’annonce par Pyongyang de nouveaux essais nucléaires et balistiques, le soutien chinois s’est affirmé. Lu Kang, cité par Reuters, déclare : « D’un, la Chine s’oppose à ce que tout pays impose des sanctions unilatérales. De deux, dans la situation complexe et sensible de la péninsule, nous nous opposons à toute action qui accroîtrait les tensions. De trois, nous avons plusieurs fois insisté dans nos rencontres avec les pays impliqués qu’aucune de ces sanctions unilatérales ne doit affecter de quelque manière que ce soit les intérêts chinois ».

Pour Jean-Vincent Brisset, expert de l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques) cité par Atlantico, « la position de la Chine consiste uniquement à maintenir suffisamment la tête de la Corée du Nord hors de l’eau de façon à ce qu’elle n’implose pas mais aussi de façon à ce qu’elle reste désunie avec la Corée du Sud ».

Bluff ou réalité ?

Question fondamentale, la Corée du Nord est-elle réellement prête à une guerre nucléaire ou joue-t-elle un nouveau coup de poker pour obtenir des aides internationales ? Pour Barthélémy Courmont, expert à l’IRIS, « Pyongyang se sert de ses capacités de nuisance pour négocier sa survie sur la scène internationale. Il faut rappeler que la Corée du Nord est le pays le plus isolé de la planète et qu’il fait l’objet de multiples sanctions internationales. Pyongyang se sert de cette stratégie du pire qui consiste à se positionner comme extrêmement menaçante pour ses voisins afin de contraindre ces derniers à accepter des négociations qui sont à la fois d’ordre alimentaires, voire humanitaires. La stratégie est donc bien d’assurer la survie du régime et on peut dire que cela fonctionne plutôt bien car malgré le caractère absurde de son régime politique, la Corée du Nord se maintient et continue à mener la danse dans ses différentes négociations ».

Koh Yoo-hwan, un expert de la Corée du Nord de l’université Dongkuk à Séoul, prévient par contre que les menaces de Pyongyang ne doivent pas être prises à la légère : « Nous avons pensé que la Corée du Nord bluffait quand elle a dit être capable d’enrichir de l’uranium, mais cela était vrai, il ne faut donc pas sous-estimer les capacités nucléaires nord-coréennes », explique-t-il au New-York Times.

La rhétorique de Pyongyang a d’ailleurs, au fil des années, pris un tour inquiétant ; alors que l’arme nucléaire était présentée comme une simple possibilité de défense dans les débuts au pouvoir de Kim Jong-un, le déclenchement de frappes « préventives » – contre le Japon, la Corée du Sud ou les États-Unis – est maintenant régulièrement évoqué.

Dans The Guardian, l’expert nucléaire Jeffrey Lewis, contributeur du think-tank Foreign Policy, n’est pas rassurant : « On ne cesse de me demander quel ‘message’ les Nord-Coréens cherchent à envoyer. Mais regardez : ils paradent dans Pyongyang avec des missiles intercontinentaux, ont réalisé quatre essais nucléaires et ont affiché une carte géante des États-Unis avec des cibles et la légende ‘Plan de frappes continentales’ ». « Alors voici le pari : ils construisent des missiles nucléaires intercontinentaux pour attaquer les États-Unis ! Pourquoi est-ce si difficile à comprendre ? »

Pour l’heure, Washington prend le parti de se moquer. Le 15 mars, le porte-parole du Département d’État américain John Kirby balayait la menace en qualifiant de discours nord-coréen de simple « rhétorique de la provocation » : « Je dirais que ce jeune homme [Kim Jong-un] devrait faire plus attention au peuple nord-coréen et s’occuper de lui, au lieu de courir après des moyens dangereux ». Tout se jouerait donc sur le pari de la raison, Kim ne pouvait – espère-t-on – quand même pas être assez fou pour tenter une attaque.

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