Quand Banksy fait son trou à Paris

29 juin 2018 19:41 Mis à jour: 29 juin 2018 19:46

Paris peut désormais s’enorgueillir d’avoir « ses » Banksy. Du mur d’un HLM (habitation à loyer modéré) à une porte derrière la salle de spectacle du Bataclan, la star du street art a créé le « buzz » avec une série de pochoirs engagés, que certains aimeraient bien préserver. Très présent à Bristol dont il est originaire ainsi qu’à Londres, l’artiste avait laissé jusqu’ici peu de traces à Paris: une fausse Joconde au Louvre et un pochoir au palais de Tokyo datant de plusieurs années.

« Avant, Paris n’était pas aussi intéressant pour lui qu’aller en Israël. Le terrain de jeu n’était pas le même. Là, avec les débats sur la crise migratoire, il y a une raison, il y a un contexte », estime la galeriste Magda Danysz, spécialiste du street art.

L’artiste, qui se plait à garder son identité secrète, a frappé un grand coup en disséminant sur plusieurs jours une série d’oeuvres dans Paris: des petits pochoirs représentant des rats à d’autres plus allégoriques, comme dans le 19e arrondissement (nord de Paris), ce détournement du « Napoléon traversant les Alpes » de Jacques-Louis David, qui pourrait être, selon certains observateurs, la figure du président français Emmanuel Macron, une cape dans le visage comme une image du vent qui tourne.

Une oeuvre représentant une silhouette au visage triste et en état de recueillement a été réalisée sur une porte près des issues de secours du Bataclan, la salle de spectacle parisienne cible d’une attaque jihadiste qui a fait 90 morts le 13 novembre 2015. Une petite fille noire recouvrant une croix gammée de peinture rose a, elle, été représentée en bordure du périphérique parisien, au nord de la capitale, près de l’ancien « centre de premier accueil » des réfugiés Porte de la Chapelle.

Cette oeuvre, comme plusieurs autres parmi les huit revendiquées par son auteur sur Instagram, a été dégradée en à peine dix jours. Un écueil inévitable pour les œuvres de street art, jugent certains, dans le sillage des œuvres du Français Invader dérobées pendant l’été 2017 par de faux agents de la ville de Paris. « La plupart des street artists acceptent le caractère temporaire de leurs oeuvres », affirme à l’AFP Bruno Julliard, premier adjoint à la maire de Paris Anne Hidalgo, tout en promettant de veiller à empêcher le vol des Banksy ou qu’ils soient effacés par erreur par les services de nettoyage de la capitale.

« Je ne pense pas que le but de l’artiste soit de faire des pièces de rue pérennisées. Quand Banksy veut faire une toile, il fait une toile », renchérit la galeriste Magda Danysz, estimant à titre personnel que les dégradations (peinture, tags, etc…) font « partie du processus » pour les œuvres de rue. Adoptant une position inverse, des aficionados ont recouvert les œuvres de plexiglas pour les protéger.

« Ça ne me comble pas mais c’est un moindre mal », estime Nicolas Laugero Lasserre, directeur de l’Icart, une école formant au marché de l’art et collectionneur de street art. Et les Banksy dans le quartier de Shoreditch à Londres « sont recouverts d’un plexiglas », dit-il. Même son de cloche pour le centre Georges-Pompidou: « Banksy ne nous pas avertis, mais c’est notre devoir de protéger son oeuvre », estime Bernard Blistène, directeur de ce Musée national d’art moderne, propriétaire du parking choisi par le street artist pour graffer un de ses rats malicieux.

Car les oeuvres de Banksy, un des artistes contemporains les plus cotés au monde, offrent un formidable coup de projecteur sur des sujets forts comme la question des réfugiés mais aussi sur des quartiers. Signe de la reconnaissance dont il jouit, des élus se sont réjouis de son « invasion » artistique. François Dagnaud, le maire du 19e arrondissement, a ainsi estimé sur Twitter que le dessin apparu dans son quartier allait « vite entrer dans le patrimoine de notre arrondissement ».

« Banksy a choisi scrupuleusement ses murs: avenue de Flandre c’est un habitat HLM. Ce qu’il attend de nous est qu’on aille plus loin », estime Nicolas Laugero-Lasserre, y voyant une incitation à explorer des secteurs moins courus. Exemple le plus emblématique de cette démarche: l’oeuvre Porte de la Chapelle qui a conduit fans et curieux à se rendre dans ce quartier au nord de Paris, où étaient installés jusqu’à mercredi des consommateurs de crack et où ont longtemps vécu des migrants, notamment africains, dans des campements insalubres.

DC avec AFP

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