Quand le narcobanditisme fait sa loi en France

Par Ludovic Genin
20 mars 2024 15:51 Mis à jour: 25 avril 2024 16:19

« Nous sommes en train de perdre la guerre contre les trafiquants à Marseille » s’alarmait début mars la responsable du service « Criminalité organisée » du parquet de Marseille. Le narcotrafic est un fléau croissant dans « de plus en plus de villes, y compris des villes moyennes » reconnaissait le président de la République Emmanuel Macron, lors de sa visite en début de semaine dans la Cité de la Castellane à Marseille.

Trafic de drogues, trafic d’armes, règlement de comptes, le narcobanditisme s’étend dans la plupart des grandes et moyennes villes françaises, créant un marché parallèle qui ne répond à aucune loi de la République. Son organisation tentaculaire s’étend des quartiers dits sensibles, plateformes de la drogue, où la population est prise en otage par ce qu’on commence à appeler un « narcoterrorisme ».

Une violence du quotidien qui se propage à toute la France et dont la guerre entre gangs s’est invitée récemment dans les rues de Rennes et d’Avignon.

Autopsie du narcobanditisme en France
En 2023, 450 victimes du narcobanditisme ont été enregistrées en France, soit 57% de plus qu’en 2022.  Un « niveau historiquement jamais atteint », selon le procureur de la République Nicolas Bessone, qui constatait en décembre une « très forte augmentation des narco-homicides » en lien avec le trafic de drogue, leur nombre ayant plus que doublé en trois ans.

En 2022, 157 tonnes de substances illicites ont été saisies par les forces de l’ordre, dont 128,6 tonnes de cannabis et 27,7 tonnes de cocaïne – un autre record historique montrant l’ampleur du trafic réel. On dénombre environ 4.000 points de deal en France, « trafics de drogue toujours plus florissants et plus violents », représentant un marché parallèle de près de 2,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, selon des chiffres de l’Insee en 2021. Selon le rapport de  l’Office anti-stupéfiants (Ofast) intitulé « L’état de la menace liée aux trafics de stupéfiants », 240.000 personnes vivent directement ou indirectement de ce trafic, dont 21.000 travaillent à plein temps.

Derrière ce business se cache un enfer : trafic d’armes, règlements de compte, corruption à différents niveaux de la société, prostitution de mineures et une petite délinquance de plus en plus violente, physiquement et verbalement, satellisant autour. Une violence qui brise des familles, impose un ordre social basé sur l’argent et drogue, la peur des représailles, appelée aussi narcoterrorisme.

Les réseaux de la drogue commencent pour la plupart au Maroc pour le cannabis, en passant par l’Espagne, et partent principalement de cartels en Colombie et au Pérou pour la cocaïne, transitant majoritairement par le port du Havre. L’importation et la vente en gros sont organisées ensuite au niveau européen, par des mafias italiennes, des groupes belgo-néerlandais ou encore des cartels des Balkans – entre autres; les organisations criminelles en France se chargeant de la revente au détail. Une situation qui commence à changer avec l’arrivée de narcotrafiquants opérant en France comme la DZ Mafia ou Yoda, qui installent avec eux un nouveau type de violence. Selon Le Monde, la France est à la fois un pays de transit et de consommation à la « circulation intense » mais devient aussi le théâtre d’action majeur de groupes criminels organisés, que les têtes de réseaux dirigent de l’étranger, notamment de Dubaï ou d’Algérie.

Un réseau porté par une consommation de drogue des Français parmi les plus importantes d’Europe. La France est le premier pays consommateur de cannabis en Europe, avec 5 millions d’usagers par an, selon le rapport 2022 de l’Observatoire français des drogues. Le marché de la cocaïne est également en forte expansion, arrivant en deuxième position des drogues illégales les plus consommées en France avec plus de 600.000 consommateurs.

Le trafic de drogue s’accompagne d’un marché des armes en expansion. En 2022, 8.000 armes ont été saisies, une hausse de 10 % par rapport à 2021. Il existe aussi des craintes que les trafiquants puissent corrompre certains agents de la fonction publique. Le rapport de 2023 de l’Ofast montre que le narcobanditisme peut se comporter comme une agence de renseignement très efficace capable d’étendre un réseau de corruption parmi des fonctionnaires français.

2023, année la plus meurtrière à Marseille
Selon le procureur de la République de Marseille, le nombre de victimes liées au trafic de drogue dans la cité phocéenne est arrivé à un « niveau jamais atteint » en 2023, avec 49 personnes tuées, dont quatre victimes collatérales, et 123 blessées dans la guerre de territoires opposant des gangs rivaux.

Le procureur de la République Nicolas Bessone recense quatre catégories de victimes du narcobanditisme : « Les narcotrafiquants affiliés à un groupe criminel, les jeunes guetteurs et vendeurs mitraillés sur le point de deal, les résidents directement visés de cités où, dans une logique de « narcoterrorisme », on cherche à s’approprier le réseau en place et, enfin, des victimes dites collatérales. »

Le narcobanditisme agit à Marseille comme une sorte de gangrène qui abîme le tissu social, commentait le président du tribunal judiciaire de Marseille Olivier Leurent, ajoutant que « l’État semble mener une guerre asymétrique contre le narcobanditisme mais se trouve fragilisé face à des bandes organisées très équipées ».

Avant la venue d’Emmanuel Macron à Marseille le 19 mars, le président du tribunal judiciaire de Marseille réclamait la « mise en place d’un plan Marshall » pour combattre des criminels disposant d’une force de frappe de plus en plus considérable. Plusieurs pays de Nord de l’Europe sont déjà en proie aux mafias de la drogue qui n’hésitent pas à menacer de meurtre des magistrats, des responsables politiques et leur famille, ce qui fragilise tout l’appareil politique et judiciaire visant à les arrêter.

Un développement tentaculaire du narcobanditisme en France
Il y a une « radicalisation des comportements des organisations criminelles guidées par l’importance croissante des intérêts financiers générés par cette activité » analysent des services de police spécialisés.

Ce narcobanditisme se propage maintenant en France dans les rues de villes de taille moyenne. Nous avons pu voir récemment des vidéos de règlements de compte entre bandes rivales dans les rues de Rennes ou à Avignon, avec l’utilisation d’armes de guerre et des forces de l’ordre désemparées face à une telle violence.

Le 8 février 2024 à Nîmes, des coups de feu ont été tirés sur un point de deal de la cité du Portal à proximité d’établissements scolaires. Dans la nuit du 9 au 10 mars à Rennes, une fusillade à l’arme de guerre entre trafiquants de drogue a duré plus d’une heure avant que le RAID n’y mette fin, en se déployant dans le quartier de Blosne. « Cette fusillade entre trafiquants de drogue est inédite » commentait pour Marianne Jean-Christophe Couvy, le secrétaire national du syndicat unité SGP Police FO. À Nantes, en octobre 2022, la ville a été le théâtre de violents règlements de comptes toujours liés à la concurrence entre trafiquants de drogue sur des points de deal.

Angers, Alençon, Libourne, Besançon, Soissons, etc.  les trafics de drogue nourrissent une délinquance et une insécurité, peut-on lire dans Les ÉchosAvignon, Nîmes, Béziers, Belfort, Montbéliard, Troyes, Cavaillon ou encore Le Creusot, la liste des villes françaises de taille moyenne touchées par le narcobandistime ne cesse de s’allonger.

« Il y va de notre État de droit et notre stabilité républicaine »
Selon le président du tribunal judiciaire de Marseille Olivier Leurent, les narcotrafiquants disposent maintenant de moyens financiers, humains, technologiques considérables : « Il y va de notre État de droit et notre stabilité républicaine », a-t-il martelé.

Un narcobanditisme s’accompagne d’une généralisation des armes de guerre, de la petite délinquance à côté de la grande, d’un climat d’insécurité et d’une culture de la violence qui s’étend de plus en plus sur le territoire. Si nous sommes « en train de perdre la guerre » contre le narcobanditisme, il sera encore plus difficile de faire marche arrière si des mesures exceptionnelles ne sont pas mises en place rapidement pour lutter contre ces réseaux de grande criminalité.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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