« En se regroupant, les demandeurs donnent plus de poids à leur action »

13 septembre 2016 15:13 Mis à jour: 13 septembre 2016 15:43

Benoît Javaux est avocat au cabinet August & Debouzy. Il suit de près les dossiers d’actions de groupe en France et a écrit sur le sujet pour Revue Lamy Droit des Affaires.

Un premier jugement a été rendu. Que faut-il en retenir ?

Cette affaire a en effet été jugée le 27 janvier 2016 par le Tribunal de grande instance de Paris. Une procédure d’appel est néanmoins en cours. L’association de consommateurs CNL reprochait à Immobilière 3F l’insertion d’une clause de pénalité dans ses baux d’habitation applicable en cas de retard de paiement, qu’elle qualifiait de clause abusive. Dans sa décision, après avoir déclaré recevable l’action de groupe, le Tribunal a néanmoins débouté l’association de ses demandes au fond contre Immobilière 3F. Deux enseignements principaux nous semblent pouvoir être tirés de cette décision.

Premièrement, le Tribunal a retenu une interprétation extensive du champ d’application de la procédure d’action de groupe créée par la loi Hamon de 2014. Cela n’allait pas de soi. Après avoir analysé les dispositions de la loi et les travaux parlementaires, le Tribunal a en effet considéré qu’une action de groupe était possible en présence d’une violation du droit de la consommation au sens large, c’est-à-dire de toute règle protégeant même partiellement les individus agissant à des fins privées (sauf en matière de santé et d’environnement).

Deuxièmement, le Tribunal a renforcé les garanties d’un procès équitable en précisant les exigences probatoires requises de l’association demanderesse. Ceci est important car la procédure d’action de groupe a été conçue pour limiter au maximum les contraintes pesant sur les associations. Elles peuvent ainsi initier une action de groupe en se limitant à soumettre quelques « cas individuels » représentatifs du futur groupe. La totalité des consommateurs formant le groupe n’est en effet connue que dans une seconde phase et à supposer que le professionnel soit reconnu responsable. C’est donc sur ces cas individuels soumis par l’association que les débats se concentrent pour apprécier la responsabilité du professionnel. Dans son jugement, le Tribunal a considéré que les quatre cas individuels soumis par la CNL (alors que le groupe aurait pu rassembler jusqu’à 200 000 locataires) n’étaient pas suffisamment probants et ne permettaient pas d’établir un manquement imputable à Immobilière 3F. Ce jugement devrait donc inciter les associations à fonder leurs actions de groupe sur un nombre suffisant de cas individuels, ce qui ne représente pas une exigence disproportionnée.

Vous évoquez l’action de groupe simplifiée en tant que procédure alternative. De quoi s’agit-il ?

Cette option procédurale créée par la loi Hamon est ouverte à chacune des parties (association et professionnel) lorsque sont connues les informations relatives à tous les consommateurs concernés par l’action de groupe (identité des consommateurs, nombre, caractéristiques du préjudice). La spécificité de l’action de groupe simplifiée est que, lorsque le professionnel est reconnu responsable, le Tribunal le condamne à indemniser directement et individuellement les consommateurs. Cela évite de recourir à des mesures de publicité car les consommateurs sont déjà connus. Les consommateurs reçoivent donc directement une offre d’indemnisation tout en demeurant libres de l’accepter ou non.

En mai 2015, un collectif d’usagers a tenté d’attaquer la RATP pour les retards du RER A. Pensez-vous que de telles démarches puissent se multiplier ?

Depuis l’entrée en vigueur de l’action de groupe, le 1er octobre 2014, plusieurs démarches ou actions collectives ont été annoncées et relayées dans les médias, en étant parfois qualifiées à tort d’actions de groupe. Seules les associations de consommateurs agréées au niveau national peuvent en effet initier des actions de groupe, c’est-à-dire à ce jour quinze associations.

Je pense en effet que ces démarches vont se multiplier car, en se regroupant, les demandeurs donnent plus de poids à leur action. Mais quelle sera la forme de ces démarches : des actions collectives initiées par les consommateurs eux-mêmes ; des demandes agglomérées sur des sites Internet dédiés ? À mon sens, il serait à la fois plus efficace et protecteur des intérêts des consommateurs et des professionnels visés que de véritables actions de groupe soient introduites. À ce jour, les associations de consommateurs ne se sont néanmoins pas encore pleinement emparées de cette procédure, et en particulier de l’action de groupe simplifiée pourtant plus rapide et efficace que la procédure normale.

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