En quoi le sommet du G20 en Chine passe-t-il à côté de l’essentiel

3 septembre 2016 11:10 Mis à jour: 4 septembre 2016 18:38

Analyse des informations

Les objectifs officiels de la rencontre 2016 du G20 à Hangzhou, en Chine sont affichés : d’un côté assurer la croissance globale, les énergies vertes, plus d’échanges commerciaux, de l’autre abandonner un management consacré à la crise financière pour passer à une planification à long terme.

Ne serait-ce pas formidable si les dirigeants des plus grandes économies du monde pouvaient simplement appuyer sur un bouton lors de leur rencontrent des 4 et 5 septembre et régler tous les épineux problèmes économiques, pour se concentrer à la construction d’un avenir prospère ?

« La direction chinoise a mené les débats pour faciliter le passage du G20, d’une gestion de la crise financière à court terme à une perspective de développement à long terme », a déclaré le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon aux journalistes chinois présents à New York le 26 août, selon les informations de Xinhua, média officiel de l’État chinois.

Mais la réalité n’est pas aussi lisse et d’énormes frictions s’affichent déjà sous la surface, particulièrement concernant l’hôte du sommet. En plus d’une situation géopolitique très chaotique en mer de Chine méridionale, l’Empire du Milieu subit une crise économique interne.

L’Occident pas plus que la Chine ne savent comment juguler la surcapacité de cette dernière, ni ses problèmes de dette, sans ruiner complètement le commerce international et la mondialisation. Ils savent encore moins comment mener à bien la croissance globale et l’énergie verte.

« A l’heure actuelle, la Chine est en conflit avec presque tout le monde », confie un diplomate occidental installé à Pékin au Fiscal Times. « C’est un champ de mine pour la Chine ».

Les répercussions à l’échelle mondiale

Malgré un système financier chinois relativement fermé, la croissance économique de nombreux pays, comme le Brésil et l’Australie est tributaire de l’énorme consommation intérieure chinoise en produits de base. D’autres pays, comme les États-Unis, moins dépendants des flux des capitaux chinois, se sont par contre habitués à négocier des bons du Trésor et l’immobilier New Yorkais contre des produits chinois bon marché.

Idéalement, l’Occident soutiendrait publiquement la Chine dans sa quête affichée de réformer et de rééquilibrer son économie qui passerait d’une fabrication des exportations et des investissements dans les infrastructures, à une économie majoritairement de service — axée sur la consommation.

Cette orientation permettrait de réduire le déficit commercial des États-Unis et d’une majeure partie de l’Europe avec la Chine. Les consommateurs chinois auraient plus de revenus à dépenser dans la consommation intérieure et pourraient importer des biens et des services occidentaux à la place des produits de base.

Le monde n’existe plus au lendemain du jour où la Chine dévalue sa monnaie de 20 %.

– Hugh Hendry, Eclectica Asset Management.

« Les indispensables réformes structurelles en feraient le plus grand marché de consommation au monde. Toutes les autres économies en profiteraient », analyse l’économiste indépendant Andy Xie dans le South China Morning Post.

Les dirigeants chinois et les médias d’État ont déclaré à maintes reprises que tel était leur objectif. « On ne parle pas ici de solutions temporaires de circonstance : mon gouvernement a résisté aux tentations d’un assouplissement quantitatif et d’une forte dévaluation de la monnaie. Nous avons par contre choisis la réforme structurelle », a martelé le Premier ministre Li Keqiang à Xinhua, avant d’ajouter que son pays n’avait pas de plan B.

Lors d’une réunion du Groupe Central de Renforcement de la Réforme Globale, Xi Jinping, le Chef du régime, a de nouveau souligné l’importance de la réforme. « Le pays doit se concentrer davantage sur les réformes du système économique et l’amélioration des mécanismes fondamentaux qui soutiennent ces révisions », rapportait Xinhua au sujet d’un communiqué publié par le groupe.

Toutefois, la Chine n’a pas entièrement mené à terme les réformes, accentuant le risque d’une tourmente à court terme et les administrations locales ne sont pas prêtes à gérer des agitations ouvrières. Selon un rapport du cabinet d’études Fathom Consulting, près de 6 millions de personnes vont perdre leur emploi à cause du programme de rééquilibrage du régime et le taux de chômage officiel pourrait atteindre 12,9 %.

Par exemple, la province du Hebei avait prévue d’arrêter la production de 18,4 millions de tonnes d’acier en 2016. À la fin de juillet, la province n’avait réussi à réduire sa production que de 1,9 million de tonnes, selon le rapport de Goldman Sachs.

La province du Hebei avait prévu d’arrêter la production de 18,4 millions de tonnes d'acier en 2016. À la fin de juillet, la province n’avait réussi à réduire sa production que de 1,9 million de tonnes. (Goldman Sachs)
La province du Hebei avait prévu d’arrêter la production de 18,4 millions de tonnes d’acier en 2016. À la fin de juillet, la province n’avait réussi à réduire sa production que de 1,9 million de tonnes. (Goldman Sachs)

Les économies de l’Australie, du Brésil, de la Russie et de l’Afrique du Sud — de grands exportateurs de matières premières — ralentissent avec l’effondrement des importations chinoises. Ces dernières ont chuté de 14,2 % rien qu’en 2015, révèle l’Organisation mondiale du commerce. En 2015, les importations mondiales de marchandises ont baissé de 12,4 %, tandis que les exportations mondiales de marchandises tombaient de 13,5 %.

Exportations et importations australiennes. (World Trade Organization)

Cet effondrement du commerce international s’est produit avant même que la Chine ne commence à mettre en œuvre ses objectifs de réduction de sa surcapacité, de libéralisation du compte de capital et de la flottabilité de sa monnaie.

Au contraire, elle a essayé de gagner du temps en injectant du crédit dans l’économie et en le dépensant dans les investissements d’infrastructure par l’entremise des entreprises publiques et des administrations locales, alors que les entreprises privées ont jeté l’éponge.

Les investissements privés ont diminué sur une période de 20 ans. (Morgan Stanley)

Les problèmes de la dette

La Chine a également demandé aux banques de ne pas mettre les entreprises contrevenantes en défaut de paiement, mais plutôt de continuer à les renflouer ou de transformer leurs dettes en obligations.

La vraie question pour l’Occident et la Chine est de savoir quels sacrifices ils sont prêts à faire à court terme pour atteindre les objectifs de la réforme chinoise et pour parvenir à un rééquilibrage vers une économie de consommation.

« Pour éviter une crise financière néfaste pour la Chine et le reste du monde, le gouvernement doit resserrer les contraintes budgétaires, laisser certaines entreprises aller en faillite, reconnaître les pertes dans le système financier et procéder à une recapitalisation des banques, au besoin. […] L’histoire montre que la logique consiste à aider les travailleurs et les communautés touchés plutôt qu’à essayer de garder en vie des entreprises vouées à l’échec », explique la Brookings Institution dans un document sur le sujet.

Toutefois, les mesures correctives proposées, qui seraient bénéfiques à la Chine et au reste du monde sur le long terme, sont au prix d’une perturbation du système financier mondial à court terme.

Dans une interview télévisée accordée à Real Vision TV, Jim Rogers, investisseur milliardaire a mis en évidence le principal écueil : « Je voudrais certainement voir plus de forces du marché partout, y compris en Chine. Mais quand ce sera le cas, vous verrez probablement plus de fluctuations dans la valeur de la monnaie. »

Ce qui de prime abord peut sembler innocent, deviendra cependant plus préjudiciable au commerce et au système financier mondial par la suite. Si la Chine veut compenser les pertes qu’elle a accumulées à travers 15 ans de mauvaises allocations du capital, les banques devraient être recapitalisées à hauteur de 3 000 milliards de dollars.

Ce qui est impossible à faire sans une grosse intervention de la banque centrale, ce que Li Keqiang veut éviter. De l’autre côté, les épargnants chinois vont essayer de déplacer encore plus d’argent vers l’étranger pour protéger le pouvoir d’achat de leur monnaie.

Rien qu’en 2015, la Chine a perdu 676 milliards de dollars en sorties de capitaux, principalement parce que les résidents et les entreprises voulaient diversifier leurs économies, dont une grande partie est liée au système bancaire chinois.

Pour la plupart des experts, si la Chine venait à restructurer la dette des entreprises et à recapitaliser les banques à une large échelle, sa monnaie perdrait au moins 20 % de sa valeur.

L’effondrement du Commerce

Parce que la Chine est un tel acteur majeur, dont l’exportation et l’importation des biens et des services est de 4 000 milliards de dollars en 2015, qu’une dévaluation de sa monnaie de 20% détruirait le mécanisme de tarification actuel des importateurs et des exportateurs à travers le monde — un scénario de destruction mutuelle assurée.

« C’en est terminé du monde. L’euro déraille ; il n’est même pas question d’euro dans ce scénario. Tout le monde est dans le dur. Le monde est K.O au lendemain de la dévaluation chinoise de 20% de sa monnaie. Leur part dans le commerce mondial n’a jamais été aussi élevé. […] Vous détruiriez le centre de manufacture du monde », prédit Hugh Hendry, gestionnaire de portefeuille principal à Eclectica Asset Management, à Real Vision TV.

Le commerce international des pays développés est déjà en récession. (World Trade Organization)

La Chine elle-même étant un gros importateur de denrées alimentaires, une dévaluation rendrait les produits de base encore plus cher pour la grande majorité de la population et ajouterait encore une couche de troubles sociaux à la pression du chômage.

Qu’elle dévalue ou non sa monnaie, la Chine est ainsi condamnée. Même l’Occident serait réticent devant une rapide et douloureuse dévaluation, puisqu’il n’est pas non plus dans sa meilleure forme pour offrir d’autres alternatives.

L’autre option, probablement discutée à huis clos au sein du G-20, est le scénario du Japon. La Chine ne réalisera pas de mauvaises dettes, maintiendra les entreprises fantômes en vie et empêchera l’argent de partir vers l’étranger, sabotant son ambitieux programme de réforme.

Dans une note, la banque d’investissement Morgan Stanley annonçait : « Au lieu d’un ajustement rapide, une “approche d’ajustement graduel” nous confrontera à une longue période de surcapacité, de pressions désinflationnistes, de baisse de la croissance nominale et du retour dans l’économie. »

La Chine, l’Occident et le Japon partagent le même problème d’une dette excessive et de l’absence de moyen rapide pour s’en débarrasser. En évitant de s’attaquer aux vraies questions et en optant pour des sujets plus consensuels, le G20 a déjà reconnu sa défaite devant la recherche d’une solution au problème.

Version anglaise : Why the G-20 Agenda Misses the Point
China and the world have excess debt and no way to get rid of it

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