ANALYSE : La confiance des entreprises européennes dans la Chine atteint son niveau le plus bas

Par Indrajit Basu
13 mai 2024 16:57 Mis à jour: 13 mai 2024 16:57

Les entreprises européennes en Chine ont du mal à maintenir leur rentabilité alors que la croissance du pays ralentit et que les pressions liées à la surcapacité augmentent. Cela a entraîné, l’année dernière, une baisse record de la confiance des sociétés européennes, a révélé vendredi dernier la plus récente enquête de la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine (Chambre européenne).

Les perspectives d’investissement en Chine sont vues avec pessimisme par ces sociétés, d’autant plus que les incertitudes économiques et les tensions géopolitiques s’aggravent, a mis en garde la Chambre européenne, citant les réponses reçues en janvier et février de 529 de ses entreprises membres.

Selon le lobby des entreprises européennes, elles sont de plus en plus prudentes quant à l’expansion de leurs investissements en Chine. Au lieu de cela, elles explorent activement les possibilités offertes par d’autres destinations, en particulier par l’Asie du Sud-Est.

L’enquête a également révélé qu’au lieu de bénéficier du fort rebond économique auquel beaucoup s’attendaient, les sociétés européennes opérant en Chine sont confrontées à une plus grande incertitude.

« Des signes inquiétants montrent que certaines entreprises européennes réduisent leurs activités ou leurs ambitions en Chine, car les défis auxquels elles sont confrontées commencent à l’emporter sur les avantages de leur présence », a expliqué dans un communiqué de presse Jens Eskelund, président de la Chambre européenne.

Les problèmes structurels de la Chine, tels que la faiblesse de la demande, la surcapacité croissante des industries et les défis du secteur immobilier, ainsi que les difficultés de l’accès au marché chinois et les barrières réglementaires, ont continué à avoir un impact négatif sur les sociétés européennes.

Denis Depoux, directeur général mondial de Roland Berger, un cabinet de conseil international qui s’est associé à la Chambre européenne pour mener l’enquête, partage la même opinion : « Les entreprises européennes sont confrontées à des incertitudes croissantes en Chine, principalement en raison de la volatilité économique et d’une orientation politique moins prévisible.

« Si nous pouvons gérer la volatilité, le manque de prévisibilité peut réduire l’attrait du marché chinois. »

Ces conclusions s’inscrivent dans la situation où l’économie chinoise est confrontée à de nombreux défis, tandis que le dirigeant chinois Xi Jinping appelle à l’autosuffisance et au maintien d’un développement axé sur la production, en dépit de l’opposition de l’Occident à l’augmentation de sa dépendance aux produits chinois.

Le 6 mai, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président français Emmanuel Macron ont exhorté Xi Jinping à promouvoir un commerce plus équilibré avec l’Europe.

« La confiance des entreprises s’est encore érodée en raison des messages contradictoires envoyés par le gouvernement chinois, qui cherche à concilier le renforcement des réglementations en matière de sécurité et le développement économique », a indiqué la Chambre européenne.

Au cours des trois dernières années, Pékin a mis à jour les réglementations nationales relatives à la sécurité, en mettant l’accent sur la protection des données et la cybersécurité. Il s’agit notamment de la loi sur la protection des informations personnelles qui couvre les réglementations sur les transferts transfrontaliers de données, de la loi sur la sécurité des données et de la loi sur la cybersécurité.

Selon l’enquête, les restrictions à l’investissement étranger et la protection inadéquate de la propriété intellectuelle ont affecté négativement l’attrait de la Chine en tant que destination privilégiée pour les investissements.

Par exemple, la « Liste négative des investissements étrangers » limite à l’accès au marché chinois en imposant des restrictions aux investissements étrangers dans les domaines des cellules souches humaines et de la thérapie génique.

Les experts du cabinet juridique international Bird & Bird ont noté dans un récent rapport que ces restrictions posent de nouveaux défis aux entreprises, en particulier aux entreprises étrangères, et qu’elles ont un impact sur une large gamme de produits et de services. Les lois et les normes ont fait de la Chine un marché de plus en plus difficile pour les sociétés étrangères.

La Chambre européenne affirme que les plaintes de longue date concernant les règles et les pratiques qui favorisent les concurrents chinois et augmentent l’incertitude pour les entreprises et les employés exacerbent les préoccupations économiques.

En février, la Chambre de commerce américaine en Chine a exprimé des préoccupations similaires, déclarant que des obstacles préexistants, tels que les tensions entre les États-Unis et la Chine, et l’absence de règles du jeu équitables faisaient perdre aux entreprises américaines leur confiance dans les affaires en Chine.

Selon l’enquête, 55% des personnes interrogées ont classé le ralentissement économique de la Chine parmi les trois principaux défis, soit une augmentation de 19% par rapport à l’année précédente.

En outre, 58% ont déclaré avoir manqué des opportunités commerciales en raison d’obstacles liés à l’accès au marché ou aux réglementations. Près de la moitié des répondants, soit 44%, ont exprimé leur pessimisme quant à la rentabilité au cours des deux prochaines années.

Cela montre le niveau de pessimisme le plus élevé jamais enregistré, tandis que seulement 15% des répondants considéraient la Chine comme une destination privilégiée pour les investissements de leur société. C’est également le pourcentage le plus faible jamais enregistré.

L’enquête a révélé que plus de 13% des répondants ont dit qu’ils n’avaient pas l’intention d’investir davantage en Chine – la proportion la plus élevée jamais enregistrée.

En outre, la proportion de répondants optimistes quant à leurs perspectives de croissance a chuté de 23% par rapport à l’année précédente.

Quitter la Chine

La Chambre européenne a aussi constaté une augmentation notable du nombre de répondants qui transféraient leurs activités vers d’autres marchés en 2023. Plus d’un quart des répondants ont signalé cette tendance, en hausse de 8% d’une année sur l’autre.

Le découplage entre la Chine et les autres pays a été un facteur majeur dans les décisions ou les plans de réorientation des investissements. Cette raison a été choisie par 47% des répondants, ce qui représente une augmentation importante par rapport à ceux qui ont déclaré que leur principale motivation était de saisir des opportunités sur d’autres marchés.

Le fait que 39% des personnes interrogées aient déjà transféré ou envisagent de transférer leurs activités hors de Chine en raison de l’incertitude de l’environnement commercial renforce l’idée que l’attrait de la Chine en tant que destination privilégiée pour les investissements diminue.

« En l’absence d’améliorations importantes de l’environnement commercial, les entreprises continueront à rechercher des opportunités sur d’autres marchés qu’elles considèrent comme plus fiables, plus prévisibles et plus transparents », a souligné la Chambre européenne.

Selon le lobby des entreprises, la baisse d’attractivité de la Chine en tant que destination des investissements étrangers a principalement profité aux pays membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) pour la deuxième année consécutive. Ces pays ont été la destination de 21% des répondants qui avaient déjà délocalisé ou avaient exprimé leur intention de délocaliser leurs activités commerciales.

D’après l’enquête, l’Europe est la deuxième destination privilégiée pour les investissements réorientés ou potentiellement réorientés (19%), suivie de l’Inde (15%) et de l’Amérique du Nord (15%).

Alors que la politique « zéro Covid » de Pékin appartient aujourd’hui au passé, l’influence des mesures de contrôle de la pandémie sur les décisions des entreprises européennes a commencé à s’estomper. Si le risque de fermeture soudaine ou d’autres perturbations opérationnelles ont disparu, d’autres obstacles entravant la croissance de leurs opérations sur le marché chinois sont devenus plus visibles.

La Chambre européenne a ajouté que les stratégies utilisées en Chine par ses entreprises membres visant à s’adapter à l’environnement des activités commerciales pourraient créer un cycle négatif, contribuant ainsi aux difficultés économiques de ce pays.

« Alors que le gouvernement chinois signale fréquemment son intention d’améliorer l’environnement pour le fonctionnement des entreprises, nous avons aujourd’hui besoin de voir des actions concrètes pour restaurer la confiance des investisseurs », a souligné Jens Eskelund.

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