Suivre son cœur: «Saint Matthieu et l’Ange»

Atteindre l'intérieur: ce que l'art traditionnel offre comme réflexion sur nous-mêmes

Par Eric Bess
1 juin 2022 15:16 Mis à jour: 13 juin 2022 10:22

Nous sommes tous confrontés dans nos vies à la question de l’authenticité. Beaucoup d’entre nous décident de suivre leur cœur, de rester authentiques, et font preuve d’optimisme.

Mais que signifie suivre son cœur ? S’agit-il de suivre ses désirs éphémères et d’être en proie à des émotions intenses ? N’est-il pas plutôt question de se connecter à une dimension plus profonde, spirituelle, éternelle ?

C’est bien cette dimension que dépeint le célèbre Saint Matthieu et l’Ange du Caravage.

« Saint Matthieu et l’Ange », 1602, par le Caravage. Huile sur toile ; 295 × 195 cm. Chapelle Contarelli, église de San Luigi dei Francesi, Rome. (Domaine public)

Saint Matthieu inspiré

La première proposition du Caravage pour répondre à la commande du cardinal Contarelli étant rejetée, c’est une seconde version d’un style et d’une composition tout à fait différents qui sera finalement installée dans la chapelle en 1602.

Saint Matthieu, un des douze apôtres de Jésus et l’auteur d’un des quatre évangiles est mentionné dans l’Apocalypse. Dans ce dernier livre du Nouveau Testament, les quatre évangélistes sont accompagnés de quatre créatures vivantes, celle de saint Matthieu étant un homme ailé, un ange.

Dans le Saint Matthieu et l’Ange, le Caravage représente saint Matthieu comme étant inspiré par l’ange. L’ange descend d’en haut et communique avec Matthieu sur fond d’obscurité selon la technique du clair-obscur. L’ange, qui énumère les instructions sur les doigts de sa main gauche, semble donner des consignes précises au saint.

Se détournant de sa table et de son livre saint Matthieu regarde humblement l’ange pour recevoir ses instructions. L’attitude du saint dénote d’un sentiment d’urgence, il tord son corps à la hâte et se prépare à écrire.

Saint Matthieu a un genou sur un tabouret de bois quand le reste du corp prend appuie sur la table. Toutefois, sa position est inconfortable, il est presque en déséquilibre sur ce tabouret qui vacille.

Le Caravage utilise la technique du trompe-l’œil pour que l’espace du tableau rejoigne l’espace du spectateur. Le pied avant du tabouret semble sortir de la toile et intégrer le monde réel. Il en va de même pour le bas de la robe de saint Matthieu qui semble se décrocher de la toile et du coin du livre qui se dirige vers nous.

Toutes ces éléments en trompe-l’œil s’agrippent dans le monde réel, comme si nous pouvions tendre la main et stabiliser le tabouret, toucher la robe du saint ou replacer le livre sur la table.

Restaurer la foi par l’art

C’est en plein contexte de Contre-Réforme que le Caravage peint pour l’Église catholique romaine (XVIe et début du XVIIe siècle). La Réforme protestante rejette l’art catholique, qu’elle considère comme idolâtre. En réponse, l’Église catholique veut montrer que l’art peut aider à diffuser la parole de Dieu et encourager la foi.

Le cardinal Contarelli commande au jeune Caravage trois pièces distinctes, toutes liées à la figure de saint Matthieu l’évangéliste, son saint patron, pour décorer l’Église Saint-Louis-des-Français de Rome.

Contrairement aux protestants, l’Église catholique promeut l’importance des saints et les peintures illustrant des récits bibliques et la vie des saints visent à renforcer ses positions iconographiques et culturelles.

Communiquer la pureté, l’innocence et le céleste

En quoi le message du Caravage est-il actuel ? Comment cette toile peut-elle toucher nos cœurs et nos esprits modernes ?

L’ange est dépeint comme étant très jeune. Vêtu d’une robe blanche il plonge d’en haut, il n’est pas de ce monde, c’est un être céleste. Sa robe blanche et son apparence jeune symbolisent la pureté et l’innocence.

Les gestes de ses mains suggèrent qu’il descend pour communiquer un message spécifique. Ce message confié par un ange dont la nature est pure, innocente et céleste ne peut être qu’un message pur, innocent et céleste.

L’auréole autour de la tête de saint Matthieu représente sa dévotion et sa sainteté. Il porte une robe rouge, une couleur qui représente le sacrifice, le sang des martyrs, le renoncement de Jésus. Le corps de Matthieu est tourné vers la table et le livre sur lequel il écrit, mais sa tête est tournée vers l’ange.

Le haut du corps retourné de saint Matthieu représente le fait que l’esprit doit se détacher des choses du monde et s’orienter vers ce qui est pur, innocent et céleste. Si on veut mener une vie sainte, l’esprit doit faire un travail d’introspection.

Il est intéressant de noter que le fond est sombre. L’ange et sa robe forment un demi-cercle qui ressemble à un cerveau humain de profil, la tête de l’ange est située à l’emplacement de la glande pinéale.

À cette époque, dans la philosophie occidentale, on estimait que la glande pinéale était le siège des esprits ou abritait l’âme. Descartes, un contemporain de Caravage (bien qu’il ait écrit après l’achèvement de cette peinture), développera davantage cette idée, allant jusqu’à avancer que la glande pinéale est le siège de l’âme et l’endroit où les pensées se forment.

La robe de l’ange imite la forme d’une coupe transversale du cerveau humain. (Domaine public)

La contorsion du corps de saint Matthieu suggère également la lutte entre les saintes aspirations de l’esprit et les tentations du corps terrestre. Est-ce la raison pour laquelle saint Matthieu semble avoir du mal à tenir en équilibre sur son tabouret, un tabouret qui vacille vers notre monde, un monde rempli de tentations ?

Le livre aussi semble glisser vers notre monde, et il représente le message céleste et pur communiqué par l’ange. La robe rouge du saint également, qui symbolise son sacrifice désintéressé, atteint notre monde profane.

La toile nous invite à trouver l’équilibre intérieur, à nous détourner de la tentation et à sacrifier nos désirs terrestres pour accéder à cette partie de notre être intérieur qui abrite les aspects purs, innocents et célestes de notre âme. Elle laisse entendre que la sainteté est à la portée du spectateur.

Cette sainteté intérieure, cet esprit concentré sur les aspects purs, innocents et célestes, peut tout comme les éléments en trompe l’œil de la toile, pénétrer dans différents espaces. Cette inspiration divine peut pénétrer dans les aspects de notre vie prosaïque et transformer notre monde.

Il est indéniable que l’esprit affecte le cœur. Des attributs tels que l’altruisme, la pureté, l’innocence, le céleste, peuvent s’appliquer à la fois à l’esprit et au cœur. Résister à la tentation, c’est, dans une certaine mesure, le point de départ pour suivre authentiquement son cœur.

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