« Trop, c’est trop » : dans l’Aisne, un maire part au combat des fast-foods pour défendre les commerces traditionnels

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Photo: Crédit photo MAGALI COHEN/Hans Lucas/AFP via Getty Images
À Fère-en-Tardenois (Aisne), petite ville de 3000 habitants, le maire a voulu interdire l’implantation de nouveaux fast-foods, estimant que cette uniformisation fragilise les autres commerces et accélère leur disparition. Bien que l’arrêté ait été annulé par la préfecture, l’initiative a ouvert un débat plus large sur la difficulté des villages à préserver une offre diversifiée face à l’expansion de la restauration rapide.
L’offre de restauration a radicalement changé en quelques années dans cette commune picarde, au grand désarroi de son maire, Jean-Paul Roseleux. Déconcerté par la concentration de kebabs, burgers et pizzerias au cœur du bourg et constatant que « les commerces traditionnels peinent à résister », il a choisi de réagir, comme le relate Le Figaro.
« Les gens pensent que c’est une manne »
« On n’a plus de librairie, très peu de restaurants classiques, alors qu’on compte déjà plusieurs établissements de restauration rapide », déplore le maire de Fère-en-Tardenois auprès de nos confrères, soulignant qu’un « bon petit restaurant » travaillant des produits locaux a dernièrement fermé ses portes au profit d’un énième fast-food, ce qui a servi de déclencheur pour l’édile.
« Trop, c’est trop », s’agace l’élu, dénonçant une concurrence qui étouffe le marché et laisse certains locaux vacants : « Les gens pensent que c’est une manne, qu’ils vont gagner beaucoup d’argent là-dessus, mais avec autant de concurrence la boutique ferme et reste désespérément vide. »
Derrière ce combat, l’édile met aussi en avant le fait qu’une certaine idée de la vie de village et sa commune ne se résume pas à ses kebabs. « C’est un cadre de vie exceptionnel, à une heure de Paris et à deux pas de Reims. Il faut défendre nos villages et préserver leur identité », assure-t-il, détaillant qu’à Fère-en-Tardenois il y a un patrimoine historique, avec son château Renaissance, et une boulangerie qui a décroché le prix de la meilleure baguette des Hauts-de-France.
Un arrêté invalidé
Pour toutes ces raisons, le maire a décidé de se battre. Fin juillet, il avait signé un arrêté interdisant l’ouverture de nouveaux fast-foods. Mais le 1er septembre dernier, le sous-préfet de Château-Thierry a annulé le texte. La préfecture s’est appuyée sur la « liberté du commerce et de l’industrie », principe constitutionnel qui ne peut être restreint que pour des « motifs impérieux » liés à l’ordre public, indiquait France 3 Hauts-de-France ce 11 septembre, ajoutant que selon l’État, l’arrêté municipal reposait « sur des considérations économiques et concurrentielles dépourvues de lien direct avec la protection de l’ordre public ».
Jean-Paul Roseleux reconnaît qu’il ne s’attendait pas à ce que son arrêté soit validé, son objectif étant avant tout de mettre en lumière cette problématique. Sa démarche a d’ailleurs provoqué de nombreuses réactions, bien au-delà de son département. Des maires de toute la France l’ont contacté, certains pour l’encourager, d’autres pour envisager de reprendre son initiative. « Les premiers à me féliciter ont été les gérants de kebab. Eux aussi savent que multiplier les enseignes, c’est tuer le commerce », tient à préciser l’élu auprès du Figaro.
Instaurer une réglementation nationale
L’édile a, par ailleurs, interpellé les parlementaires pour attirer leur attention. Dans une lettre adressée début septembre au sénateur Antoine Lefèvre et mise en copie à la préfète de l’Aisne Fanny Anor et au sous-préfet de l’arrondissement de Château-Thierry, Stéphane Paccard, il a insisté sur la nécessité de proposer une offre alimentaire diversifiée et plus saine, en lien avec les objectifs du Plan national nutrition-santé.
Selon lui, protéger les produits locaux et limiter l’uniformisation commerciale sont autant de moyens de renforcer l’attractivité de la commune et de garantir la pérennité des restaurateurs déjà installés. Dans son courrier, il a également suggéré d’instaurer une réglementation nationale limitant l’implantation de restaurants rapides, avec des seuils proportionnels à la population, une mesure déjà envisagée alors que le nombre d’établissements est passé de 13.000 à 52.000 sur le territoire national.
Intervenir sur la restauration rapide sans enfreindre la liberté du commerce reste un défi de taille. Pour encadrer l’implantation des établissements, le sénateur LR de l’Aisne, Pierre-Jean Verzelen, propose d’exiger un diplôme professionnel, comme c’est déjà le cas pour ouvrir une boulangerie ou un salon de coiffure. « Dès la réouverture de la session parlementaire, je vais chercher le moyen d’interpeller le gouvernement sur la question du blanchiment, de l’offre de restauration et sur le pouvoir du maire sur une rue commerçante », a-t-il indiqué à France 3 mi-septembre.
Dans le même temps, Frédérique Macarez et plusieurs acteurs économiques mènent actuellement une mission sur la redynamisation des centres-villes, dont les recommandations, attendues fin septembre, devraient aller dans le sens d’un renforcement du pouvoir des maires.

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