« Trouver à manger », ou le désespoir des habitants de Lyssytchansk, dans l’est de l’Ukraine

Par Epoch Times avec AFP
27 mai 2022 14:50 Mis à jour: 27 mai 2022 14:51

Il pensait pouvoir négocier avec les Russes, pour qu’ils le laissent passer sur la dernière route goudronnée permettant de sortir de la ville ukrainienne de Lyssytchansk, dans le Donbass, pilonnée par les forces russes.

Mais Artem Ivassenko, mineur de profession, a failli se faire tuer en essayant d’aller chercher de la nourriture et des médicaments pour son père et pour les gens réfugiés avec lui dans la cave de leur immeuble. Ce alors même que la route, qui mène vers des localités légèrement moins bombardées, était encore techniquement sous contrôle ukrainien.

-Un homme aide son père dans le sous-sol de leur immeuble, où ils vivent, à Lysychansk, une ville sans électricité ni eau, dans la région ukrainienne orientale du Donbass, le 26 mai 2022. Photo par ARIS MESSINIS/AFP via Getty Images.

Lyssytchansk et la ville voisine de Severodonetsk sont privés d’électricité

Mais cette chaussée – au cœur de la dernière poche de résistance ukrainienne de la région de Lougansk, une des deux régions du Donbass dont les Russes veulent prendre le contrôle total – est désormais dans l’angle de tirs des chars russes. Et s’est transformée, après trois mois de guerre, en champ de bataille fumant.

Artem Ivassenko, 34 ans, n’en savait rien en quittant son abri, car Lyssytchansk et la ville voisine de Severodonetsk sont depuis des semaines privées d’électricité et de toute possibilité de communication avec le monde extérieur.

« Je ne sais que ce que je vois », dit-il, sous la lumière blafarde d’une ampoule de sa cave, alimentée par un générateur. « Et ce que j’ai vu, ce sont des obus exploser à 10-15 mètres de mon camion la dernière fois que j’ai pris cette route », dit-il, tout en réconfortant son père souffrant, allongé dans un coin sur un lit de camp.

Les habitants de la ville de Lysychansk cuisinent à l’extérieur de leurs maisons, car la ville est sans électricité ni eau, dans la région ukrainienne orientale du Donbass, le 26 mai 2022. Photo par ARIS MESSINIS/AFP via Getty Images.

Quelques femmes âgées apportent en souriant une soupe qu’elles ont préparée sur un braséro dans la cour, jonchée d’éclats d’obus.

Malgré son inquiétude, Artem Ivassenko se prépare néanmoins à tenter une fois encore d’emprunter cette route, quelles que soient les forces qui la contrôlent désormais.

« Si ce sont les Russes, je leur dirais que je cherche de l’aide pour des gens qui sont mourants », dit-il. « N’importe qui devrait comprendre qu’il s’agit d’une raison légitime et me laisser passer. Et s’ils me tuent, ils me tuent ». 

Des gens angoissés et affamés

L’encerclement de Lyssytchansk et Severodonetsk est actuellement un objectif clé des forces russes du Donbass. Avec la dernière route sortant de Lyssytchansk devenue champ de bataille, ils sont sur le point de bloquer l’accès aux deux villes, ce qui leur permettrait de poursuivre leur offensive plus vers l’ouest.

Pour ces deux villes, le seul lien restant avec le reste de l’Ukraine est une route de campagne poussiéreuse, que même les chars ou des camions militaires équipés de pneus géants peinent à emprunter.

Oleksandr Kozyr s’inquiète beaucoup à cause de cette petite route.

-Des militaires ukrainiens se préparent à se diriger vers la ligne de front à un point de contrôle près de la ville de Lysychansk dans la région ukrainienne orientale du Donbass, le 23 mai 2022. Photo par ARIS MESSINIS/AFP via Getty Images.

Lui qui gère le principal centre de distribution d’aide humanitaire de Lyssytchansk a affaire quotidiennement à des gens angoissés et affamés, qui vivent sur leurs dernières réserves.

« Les gens sont prêts à prendre tous les risques pour de l’eau et de la nourriture, » dit cet homme de 33 ans, la voix fatiguée. « Ils sont si déprimés qu’ils n’ont plus peur. Tout ce qu’ils veulent, c’est trouver à manger ».

Après avoir aidé une femme inquiète pour sa mère malade, Oleksandr Kozyr raconte une scène qui témoigne du désespoir auquel il est confronté.

« Tellement ils avaient besoin d’eau »

« Des pompiers distribuaient de l’eau quand des bombardements ont commencé. Ils ont couru se mettre à l’abri, mais les gens qui attendaient de l’eau s’en fichaient (…) Les gens leur ont couru après sous les bombardements, tellement ils avaient besoin d’eau », dit-il.

Son centre de distribution, renforcé par des sacs de sable, a été en partie détruit par une attaque au mortier cette semaine. L’escalier mène à une cave où vivent depuis bientôt trois mois des dizaines de familles, installées à même le sol, dans l’obscurité.

Des militaires ukrainiens se préparent à se diriger vers la ligne de front à un point de contrôle près de la ville de Lysychansk dans la région ukrainienne orientale du Donbass, le 23 mai 2022. Photo par ARIS MESSINIS/AFP via Getty Images.

La dernière grande route étant désormais impraticable, ils risquent d’y passer encore des semaines, alors que les distributions de nourriture deviennent de plus en plus imprévisibles. « Les choses sont devenues beaucoup plus difficiles ces derniers jours », dit Oleksandr Kozyr.

Au moins 20.000 dans les caves de Lyssytchansk

Avant la guerre, l’agglomération formée par Lyssytchansk et Severodonetsk comptait quelque 200.000 habitants. Les gens qui distribuent de la nourriture estiment qu’ils sont encore au moins 20.000 dans les caves de Lyssytchansk. Mais personne ne se risque vraiment à deviner combien ils pourraient être encore dans le déluge de feu de Severodonetsk.

Evguenia Mykhno, retraitée, et son mari viennent juste de quitter Severodonetsk, grâce à un bénévole qui a profité d’un bref répit dans les combats pour évacuer les premières personnes qu’il a croisées dans la rue.

Le couple s’est retrouvé sur une place de Lyssytchansk, sans aucune affaire ni idée de l’évolution de la guerre.

« Je ne vois pas très bien ce qu’on peut faire si la grande route a été coupée », dit Evguenia Mykhno, 67 ans. « On ne peut pas rebrousser chemin et on ne peut pas sortir ». 

« On peut rester ici et attendre », dit son mari Oleksandr avec une pointe d’humour. « ça, on sait faire ». 

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