Logo Epoch Times

Recommandation

plus-iconCancer colorectal

Un médicament courant réduit de moitié le risque de récidive du cancer colorectal

Prendre chaque jour de l’aspirine à faible dose pourrait aider les patients dont la tumeur présente une mutation génétique particulière.Dans un essai clinique récent, une faible dose d’aspirine a réduit de moitié le risque de récidive du cancer du côlon et du rectum chez des patients dont les tumeurs présentaient une mutation génétique spécifique.

top-article-image

Photo: Shane Maritch/Shutterstock

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 7 Min.

Seulement 160 milligrammes d’aspirine par jour – soit environ la moitié d’un comprimé pour adulte – ont permis de diminuer la récidive du cancer d’environ 60 % chez un certain sous-groupe de patients. Ces derniers présentaient des mutations du gène PI3K, qui touche environ un tiers des personnes atteintes d’un cancer colorectal.
« L’aspirine est un médicament largement disponible dans le monde et extrêmement peu coûteux par rapport à de nombreux traitements anticancéreux modernes, ce qui est très positif », a déclaré dans un communiqué le Pr Anna Martling, auteure principale de l’étude et chercheuse à l’Institut Karolinska, à Stockholm, en Suède.

Essai contrôlé randomisé

L’étude, récemment publiée dans le New England Journal of Medicine, a suivi plus de 600 patients atteints d’un cancer colorectal présentant une altération génétique de la voie PI3K. Ces patients provenaient de 33 hôpitaux situés en Suède, au Danemark, en Finlande et en Norvège. Les résultats ont montré que ceux ayant pris de l’aspirine étaient moins susceptibles de voir leur cancer progresser ou réapparaître au cours des trois années de suivi que ceux ayant reçu un placebo.
Tous les participants avaient subi une opération pour un cancer du côlon ou du rectum de stade 2 ou 3. Ils ont été répartis au hasard pour recevoir soit 160 milligrammes d’aspirine, soit un placebo chaque jour pendant trois ans. L’étude n’a pas inclus de patients atteints d’un cancer colorectal ne présentant pas de mutation du gène PI3K.
Selon la localisation de la mutation dans le gène PI3K, les bénéfices de l’aspirine variaient. Dans le groupe présentant une mutation dans les exons 9 ou 20, le risque de récidive du cancer a été réduit de 51 %. Pour les patients dont la mutation se situait dans d’autres parties du gène, l’aspirine a diminué le risque de récidive de 58 %. Globalement, les patients ayant pris de l’aspirine avaient environ 55 % de risque en moins de voir leur cancer réapparaître, soit moins de la moitié du taux observé dans le groupe placebo.
Selon le Pr Martling, ce traitement pourrait aider plus d’un tiers des patients atteints d’un cancer colorectal diagnostiqués chaque année.
Le mécanisme exact par lequel l’aspirine réduit le risque de récidive reste inconnu. Une explication possible serait qu’elle agit sur les voies tumorales impliquant PI3K.
L’aspirine bloque une protéine favorisant les tumeurs, appelée COX-2, tandis que PI3K augmente les niveaux de cette même protéine. Chez les patients présentant une mutation de cette voie, l’aspirine pourrait ainsi inhiber de manière ciblée les processus favorisant le développement du cancer. D’autres mécanismes parallèles incluent sa capacité à réduire l’inflammation et à inhiber la fonction plaquettaire, deux facteurs qui contribuent à la croissance tumorale.

Des recommandations déjà en évolution

Les chercheurs estiment que ces résultats pourraient modifier rapidement la prise en charge de nombreux patients atteints d’un cancer colorectal.
L’étude a déjà « changé nos recommandations [dans notre centre de cancérologie] pour inclure le dépistage génétique de cette mutation chez une population que nous ne testions pas auparavant », a expliqué au journal Epoch Times le Dr David Bajor, professeur adjoint de médecine, non impliqué dans l’étude.
Il précise qu’auparavant, seuls les patients atteints d’un cancer de stade 4 étaient testés pour les mutations PIK3CA, mais qu’il est désormais recommandé d’étendre ce dépistage aux stades 2 et 3.
« Cette recherche met en évidence l’importance de la médecine de précision et de l’utilisation de diagnostics avancés », a déclaré le Pr Martling. « Ces outils permettent d’adapter les traitements et de réutiliser des médicaments existants pour de nouvelles applications. »

Profil de sécurité et risques

Les résultats montrent que les effets indésirables liés à la prise quotidienne d’aspirine à faible dose étaient rares. Cependant, un cas de saignement gastro-intestinal sévère, un cas d’hémorragie cérébrale et une réaction allergique ont été signalés dans les groupes étudiés.
Le Dr Jason Korenblit, gastro-entérologue, également non impliqué dans la recherche, rappelle que même à faible dose, l’aspirine présente des risques : hémorragies digestives, ulcères gastroduodénaux, AVC hémorragique, ainsi que des interactions défavorables avec d’autres médicaments.
« Les patients ayant des antécédents d’ulcères, de troubles de la coagulation, sous anticoagulants ou présentant un risque élevé de saignement, comme les personnes âgées ou atteintes d’une maladie rénale, sont plus vulnérables », a-t-il indiqué, ajoutant que l’aspirine peut irriter la muqueuse de l’estomac. « Les personnes prenant également des anti-inflammatoires non stéroïdiens, infectées par H. pylori ou présentant d’autres facteurs de risque peuvent [elles aussi] être davantage exposées. »
Les chercheurs prévoient de poursuivre l’analyse des données, notamment pour examiner l’impact de facteurs comme le sexe ou le statut socio-économique sur les résultats.
Le Dr Raj Dasgupta, médecin certifié en pneumologie, soins intensifs et médecine du sommeil, et non impliqué dans l’étude, met en garde contre l’automédication à l’aspirine chez les patients atteints de cancer. « Les bénéfices ont surtout été observés chez les patients dont les tumeurs présentaient des mutations spécifiques de la voie PI3K », a-t-il précisé. « Cela signifie que l’aspirine ne sera pas forcément bénéfique pour tout le monde. »
Pour cette raison, le Dr Dasgupta déconseille l’automédication.
« Si quelqu’un souhaite envisager ce traitement, la meilleure approche consiste à en parler avec son oncologue, qui pourra examiner son profil génétique et son état de santé global afin de déterminer si l’aspirine est adaptée. »