En France, 3,9 millions de personnes apportent une aide à une personne de 60 ans et plus vivant à domicile. La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a établi le profil-type de ces « proches aidants ».
Avec 30.000 centenaires vivant en France actuellement et 20 % de la population ayant plus de 65 ans, l’Hexagone présente la plus haute espérance de vie en UE pour les femmes (85,2 ans en 2022) et le plus grand nombre de centenaires.
Mais, pour la majorité de cette population vivant encore à son domicile, se pose souvent la question d’une assistance pour le quotidien, car l’espérance de vie « sans incapacités » abaisse la moyenne d’âge à 77,6 ans pour les femmes et à 76,3 ans pour les hommes, souligne la Drees.
Selon le dispositif d’enquêtes « CARE » (Capacités, Aides et REssources des seniors) mis en place par la Drees, 53 % des proches aidants sont des enfants du senior nécessitant une assistance et 27 % correspondent au conjoint.
Ces chiffres confirment que ce sont les proches qui, majoritairement, vont aider : plus de la moitié étant des enfants et pour un quart les conjoints.
Si l’âge moyen du conjoint aidant est de 73 ans, chez les enfants, cet âge varie selon le lieu de résidence de l’enfant, 51 ans pour un enfant aidant cohabitant avec le parent ou 54 ans si l’enfant aidant est non-cohabitant (ne vit pas avec le parent).
« Un “profil type” de l’aidant familial, ce serait une femme de 51 ans »
Mais, se pose à un moment de la vie, la question de déterminer qui sera celui qui prendra soin des parents âgés nécessitant une assistance ? Selon le gérontologue Jacques Gaucher, intervenu dans l’ouvrage collectif paru en 2007, intitulé Quand nos parents vieillissent (éditions Autrement), il s’agit bien souvent d’une femme — fille ou belle-fille — « à qui échoit la mission de soutenir ses parents selon un consensus familial implicite qui conduit la personne à faire des choix qui ne lui appartiennent pas », résume-t-il.
Le gérontologue théorise ainsi, affirmant que le choix est souvent porté dès l’enfance et induira alors inconsciemment la vie future, sentimentale et professionnelle de cet enfant, lequel devra « se rendre disponible » le moment venu. Aussi, aura-t-on souvent le profil d’une femme, célibataire ou divorcée, donc sentimentalement disponible, sans profession ou avec un métier permettant de la disponibilité….
« Si l’on pouvait établir un “profil type” de l’aidant familial, ce serait une femme de 51 ans, appartenant à la “génération pivot”, c’est-à-dire ayant au moins un enfant et un parent vivant, coincée entre deux générations qui demandent de l’aide », observe une assistante sociale sur Le Figaro.
En effet, l’étude de la Drees confirme que 59,5 % des aidants sont des femmes, ces aidants étant soit déjà retraités (49 % des aidants) ou occupant encore un emploi (37 %).
C’est le cas d’Adeline, 51 ans, célibataire sans enfant. Cette professeure des écoles de Guadeloupe s’est dégagée de la disponibilité en prenant un temps partiel pour effectuer de l’écriture journalistique à domicile. « Ce temps me permet également d’effectuer les courses et parfois un peu de ménage pour mes parents… Ils résident à 40 minutes de chez moi en pleine campagne dans une zone peu desservie par les transports collectifs et éloignée des commerces. Je gère aussi les courses pour ma tante, célibataire sans enfant, qui vit à 5 minutes de chez moi. »
Adeline a une seule sœur, mais dont les exigences professionnelles ne lui permettent pas d’être toujours présente. Son père, 80 ans, a développé une dégénérescence visuelle qui l’empêche désormais de conduire, alors que sa mère, 80 ans, tout comme sa tante (la sœur de sa mère), souffre de dégénérescences neurologiques l’empêchant de se déplacer normalement. « En semaine, je me débrouille pour « centraliser » les courses à faire pour mes parents et ma tante, et en fin de semaine, je vais chez mes parents. » La quinquagénaire essaie également de se rendre disponible pour les rendez-vous chez le médecin, les achats de médicaments, tout en essayant de convaincre sa mère d’accepter une aide-ménagère. « Pas évident pour ma mère de reconnaître qu’elle ne peut plus effectuer elle-même l’entretien de sa maison… »
« Il faut aussi qu’ils acceptent l’aide qu’on leur propose, ce qui n’est pas toujours évident pour eux »
D’autres cas peuvent également se présenter, où la fratrie entière ou partielle s’organise et se partage l’assistance aux parents. Emmanuelle, 50 ans, partage l’aide au quotidien de ses parents, 90 et 83 ans, avec ses trois frères et sœurs. Tous vivent dans le même village du Jura, à l’exception de leur petite sœur qui réside à seulement 15 km. « Lorsque mes parents ont commencé à être dépendants, mon frère, mes sœurs et moi-même étions un peu désemparés, confie Emmanuelle, qui a, elle aussi choisi le télétravail. « Ce qui est difficile, c’est de vraiment jauger ce qu’ils sont encore capables de faire et les choses pour lesquelles ils sont moins capables, voire plus du tout capables. Car il faut aussi qu’ils acceptent l’aide qu’on leur propose, ce qui n’est pas toujours évident pour eux, puisque cela signifie implicitement qu’ils déclinent. Ce qui est dur aussi, c’est de devoir rentrer dans leur intimité, choses que nous n’avions jamais fait auparavant. Je pense notamment aux premières douches qu’il a fallu leur administrer. Il a fallu un an environ à mon père pour accepter une aide à domicile, ne voulant pas, par pudeur sans doute, que quelqu’un d’autre lui fasse la toilette. »
Emmanuelle explique comment la fratrie s’est « organisée sans même se concerter beaucoup, chacun prenant en charge les postes pour lesquels il ou elle a une aptitude et/ou de la disponibilité. »
« Actuellement, ma sœur aînée vient tous les soirs pour les faire dîner et les coucher. Elle gère également les rendez-vous médicaux et la préparation des médicaments. Mon frère gère le petit-déjeuner, le déjeuner et d’autres tâches plus « techniques » telles que la corvée de bois entre autres. Ma sœur cadette, la seule qui n’est pas sur place, gère l’administratif ainsi que la préparation des repas pour la semaine et les courses. Quant à moi, je suis présente les midis pour la toilette, le ménage et le coucher pour la sieste. Je reste aussi chez eux une bonne partie des après-midis pour le lever de la sieste, le passage aux toilettes et le goûter, tout en télétravaillant. J’aide également ma sœur aînée le soir pour la toilette et le coucher. Les week-ends et jours fériés, comme il n’y a aucune aide à domicile disponible, je gère les toilettes du matin en plus du reste ».
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