Xi Jinping et le paradoxe du pouvoir

Le dictateur chinois est la cible de critiques et de mécontentement de toutes parts

Par James Gorrie
24 juillet 2019 21:34 Mis à jour: 24 juin 2020 13:55

En ce moment, le règne de Xi Jinping sur la Chine est aussi absolu que sous n’importe quel autre dictateur depuis les temps où Staline a installé son règne d’une main de fer sur la Russie et l’Union soviétique. Et son règne n’est pas survenu par hasard. L’ascension de Xi au pouvoir a été marquée par la sous-estimation par ses ennemis de sa personnalité, de sa ruse politique, de sa volonté de contourner ou d’enfreindre les règles et de sa brutalité sans complaisance envers quiconque qui pourrait lui faire obstacle.

Mais combien de temps pourra-t-il préserver son pouvoir ?

Le fantôme de Mao

Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, Xi a tout mis en œuvre pour consolider sa position d’autorité suprême en Chine. L’une de ses premières actions a été le démantèlement du système collectif et consensuel de succession du pouvoir au sein du Parti communiste chinois (PCC). Le système qui avait été soigneusement mis en place par Deng Xiaoping et ses anciens collègues du Parti. Leur intention d’établir un processus lent et prudent de transfert du pouvoir visait à empêcher de reproduire les décennies désastreuses que la Chine avait traversées sous le règne d’un seul homme – Mao Zedong.

Comme Mao et Staline, Xi a éliminé ses concurrents et ses critiques en lançant des purges politiques sous le couvert de campagnes « anti-corruption ». Plusieurs hommes parmi les plus puissants de la Chine ont été mis hors jeu. Il s’agissait notamment de Zhou Yongkang, l’ancien chef de sécurité et de Bo Xilai, le flamboyant membre du Politburo et, à l’époque, potentiel chef du Parti, qui sont devenus prisonniers politiques de Xi parmi plus de 1,4 million d’autres Chinois. Ces deux anciens hauts fonctionnaires vivent aujourd’hui dans la prison de Quincheng, la soi-disant « cage aux tigres » – un centre de détention à l’extérieur de Pékin destiné aux personnalités politiques de l’élite chinoise.

Peu de ces prisonniers sont innocents. Bo Xilai, par exemple, a été condamné à juste titre pour corruption, détournement de fonds et abus de pouvoir. Il a également été sournoisement impliqué dans les prélèvements forcés d’organes et l’assassinat des pratiquants de la discipline spirituelle Falun Gong.

Ironiquement, Xi Jinping, qui a vécu lui-même dans une grotte à ses 20 ans, jouit aujourd’hui d’une fortune personnelle de plus de 1,5 milliard de dollars, qu’il a accumulée en ne touchant officiellement que le salaire d’un membre du Parti.

Un cauchemar orwellien

Il semble que Xi Jinping soit intouchable aujourd’hui, en tenant compte du vaste réseau de surveillance dont il dispose, y compris son nouveau système de crédit social. Après tout, son État policier fait des espions de tout le monde, récompensant les gens qui dénoncent les chrétiens, les pratiquants de Falun Gong, les musulmans ouïghours et tous ceux qui pourraient dire un mot critique au sujet du Parti ou même se plaindre de leur situation financière actuelle.

L’État policier chinois a instillé et est en train de renforcer la peur et la terreur au sein de la population. En particulier, ceux qui obtiennent de mauvaises notes de « crédit social » deviennent aujourd’hui des parias sociaux ou même disparaissent tout simplement. Le système de « crédit social » est en train de s’installer dans toute la Chine et vise à surveiller constamment le comportement de chaque Chinois par voie électronique. Les courriels, les tweets et les posts de chacun, ses allées et venues, ses choix de lecture et ses amis, tous entrent dans une base de données centralisée où un algorithme informatique lui attribue une « note de crédit social » qui représente son degré de fiabilité politique.

Stephen Mosher du New York Post décrit la Chine de Xi Jinping en termes effrayants : « L’État policier chinois, déjà impressionnant, a été modernisé pour devenir un effrayant cyborg du contrôle de l’État grâce à de grandes bases de données, l’apprentissage automatique, la technologie de reconnaissance faciale et l’intelligence artificielle. Le Parti communiste chinois a donné naissance à la première dictature numérique high-tech du monde. »

La capacité de Xi Jinping à contrôler 1,4 milliard de sujets – à identifier les fauteurs de troubles potentiels, à les arrêter, à les punir et, si nécessaire, à les jeter en prison – est aussi efficace que possible. Mais, à l’étranger, ses déclarations arrogantes et sa célébration de la montée en puissance de la Chine aux dépens des emplois et de la base technologique d’autres pays, en particulier de l’Occident, ont entraîné un renversement de la perception de la Chine. Xi Jinping en a fait le dragon du monde entier plutôt que le panda.

Mais qu’est-ce qui pourrait mal tourner dans tout cela ?

L’effondrement de l’économie révèle la faiblesse politique de Xi Jinping

Les travailleurs chinois sont l’épine dorsale du soutien au Parti communiste chinois ; perdre ce soutien est un signal d’alarme majeur pour Xi Jinping et le PCC. Toutefois, avec l’économie chinoise confrontée à des tarifs douaniers américains élevés, les barrières installées aux activités du géant technologique Huawei et des entreprises usines qui quittent la Chine pour le Vietnam et d’autres pays moins chers, l’économie chinoise prend un coup après l’autre. On constate l’augmentation des grèves et d’autres manifestations de désobéissance publique.

En réponse, Xi Jinping a imposé de sévères exigences de loyauté aux membres du Parti et les a chargés de « prendre la responsabilité » des difficultés et des troubles qui en découlent. Cette « responsabilité » inclut la censure et l’étouffement de la dissidence croissante parmi les travailleurs – elle se propage en Chine en raison de la baisse et même du non-paiement des salaires, des mauvaises conditions de travail et de la fermeture des usines.

Toutefois, le fait d’étouffer les voix dissidentes ne fait pas disparaître les problèmes. Ni la propagande nationaliste de Xi qui demande aux Chinois de se serrer la ceinture et de résister à la tempête. La vie est de plus en plus difficile pour les travailleurs. Selon le China Labor Board (CLB) de Hong Kong, qui recueille les informations sur les grèves et les manifestations des travailleurs en Chine, en 2018, elles ont augmenté de 36 % par rapport à 2017.

Mais cela n’est probablement qu’une fraction de leur nombre réel. Selon CLB, ce chiffre serait de 10 à 20 fois plus élevé. Le South China Morning Post a rapporté une moyenne d’environ « 400 000 conflits du travail chaque année », citant le porte-parole de l’étatique Fédération des syndicats de Chine chargée de réprimer les grèves dans le pays.

Les difficultés de la classe moyenne menacent la légitimité du PCC

Les travailleurs ne sont pas les seuls en Chine qui deviennent mécontents du règne de Xi – les classes supérieures et moyennes le sont aussi. Ces gens ont peur pour leur avenir.

En fait, avec le ralentissement économique, bon nombre d’entre eux vivent aujourd’hui d’un salaire à l’autre. D’autres prennent des mesures drastiques pour préserver leur capital, déplaçant leur argent hors de Chine s’ils le peuvent. Certains achètent des lingots d’or à Hong Kong et les stockent dans des banques hongkongaises, d’autres diversifient leurs avoirs dans d’autres devises, comme le dollar américain ou australien. La confiance dans la capacité du PCC à diriger l’économie est en train de s’écrouler.

C’est le Parti de Xi Jinping et de personne d’autre

La personnalité intransigeante de Xi, sa politique de pouvoir et son incapacité à arrêter le ralentissement de l’économie chinoise ont également affaibli le soutien dont il bénéficiait au sein du Parti. Depuis 2015, Xi a interdit aux membres du PCC de jouer au golf, de se rendre dans les clubs et de se réunir en privé. Il est également interdit de critiquer le Parti ou ses politiques.

Pour aggraver la situation, les projets favoris de Xi Jinping – l’initiative « Belt and Road Initiative », souvent qualifiée de « nouvelle route de la soie » et le plan « Made In China 2025 » – connaissent des revers financiers et politiques dans les pays dont la Chine a besoin. Ceci en raison du ressentiment envers la politique commerciale extrêmement antagoniste de la Chine et ses pièges de la dette. Les deux programmes phares de Xi risquent d’être bien en deçà de leurs attentes, voire de devenir de véritables échecs, comme les plans quinquennaux de Mao qui ont échoué dans les années 1950.

La confiance dans ou parmi les membres du Parti, même de longue date, a disparu. Elle est remplacée par un sentiment de paranoïa, surtout dans le climat économique actuel. La loyauté est devenue un masque que chaque membre du Parti porte tous les jours. Toutefois, la loyauté masquée ne peut pas régler les problèmes si aucune critique ou même aucune suggestion n’est permise ou tolérée.

Le paradoxe du pouvoir absolu

Xi Jinping n’a pas réussi à aborder effectivement les énormes problèmes qui se posent devant la Chine tout simplement parce qu’il n’en est pas capable. Le renforcement de contrôle ne génère pas une bonne performance économique, il l’étrangle. La réponse préférée de Xi : le renforcement de son emprise sur le pouvoir, de la surveillance et de l’oppression, alors que l’économie et le tissu social continuent de s’effondrer, ne fait qu’aggraver les problèmes et les tensions au lieu de les régler et de les atténuer.

Cependant, du point de vue politique, Xi Jinping ne peut se permettre d’admettre ce fait. Le souvenir de la Glasnost de Gorbatchev et de l’effondrement de l’Union soviétique plane sur lui comme un spectre. Il craint que toute modération ou ouverture ne détruise non seulement son image politique, mais qu’elles n’entraînent également la perte de son emprise sur le pouvoir et n’amènent à la disparition du PCC. Et il a bien raison.

C’est le paradoxe du pouvoir absolu. Ce pouvoir n’équivaut pas à une bonne performance économique permanente ; il a également une date de péremption, après quoi la pourriture s’installe. Plutôt que de résoudre les problèmes économiques et de réduire les tensions politiques et sociales, un tel pouvoir les accélère. Xi Jinping est en train de découvrir que c’est une chose de devenir un roi, mais que c’est une autre chose de pouvoir gouverner d’une manière sage.

James Gorrie est un écrivain texan. Il est l’auteur du livre The China Crisis.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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