Protection de la vie marine : le monde divisé dans un océan d’intérêts

Par Germain de Lupiac
7 juin 2025 12:13 Mis à jour: 10 juin 2025 12:56

La protection d’un océan pollué, surpêché et se réchauffant est au cœur de la troisième conférence de l’ONU sur les océans qui débute le 9 juin à Nice et où beaucoup espèrent voir émerger des actions concrètes pour protéger la vie marine.

Du 9 au 13 juin, la conférence réunira une communauté internationale divisée sur les grands enjeux océaniques : exploitation minière des fonds marins, traité international sur la pollution plastique ou régulation de la surpêche.

Quelque 70 dirigeants mondiaux et des milliers de délégués, scientifiques et représentants d’ONG convergent vers Nice, sur la côte d’une des mers les plus polluées du monde, la Méditerranée – également plus grande mer semi-fermée au monde, qui a atteint l’été dernier la température de 28,90 °C.

En mars, la France avait plaidé pour un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins, faute des « connaissances scientifiques nécessaires ». « Nous avons une responsabilité […] de véritablement maintenir le financement d’une recherche académique libre », qui « permette d’établir scientifiquement des résultats » et « sur la base de ces faits établis, de changer les pratiques », a insisté le président Emmanuel Macron.

La France possède le 2e espace maritime mondial. L’Hexagone pourrait être pionnier pour créer des standards d’exploitation des océans, garantissant une stabilité économique tout en assurant la préservation de la biodiversité.

En filigrane de la conférence, les appétits géants de grandes puissances telles que les États-Unis et la Chine, qui ne respectent pas les mêmes standards de protection de la faune et de la flore de l’Autorité internationale des fonds marins et donc la compétition technologique les poussent dans l’exploration des nouvelles ressources.

L’enjeu des océans

Les océans recouvrent 70,8 % du globe. Certaines parties des mers du globe ont connu un réchauffement marin qui menace la survie des espèces marines, l’occasion pour les ONG environnementales de réclamer des centaines de milliards d’euros (venant de financements publics et privés) en faveur du développement durable de l’océan.

Les États-Unis, premier domaine maritime au monde avant la France, ne devraient pas envoyer de délégation. Fin avril, Donald Trump a décidé d’ouvrir l’extraction minière dans des eaux internationales du Pacifique, passant outre l’avis de l’Autorité internationale des fonds marins, dont les États-Unis ne font pas partie.

Le président américain cherche à ne pas être distancé par la Chine communiste qui ne s’embarrasse plus depuis longtemps des traités internationaux et qui a trouvé récemment une importante poche de pétrole au large de ses côtes.

La France, pays hôte, veut être un leader

La France s’est fixé des objectifs ambitieux pour cette première conférence onusienne dans l’Hexagone depuis la COP21 en 2015.

Emmanuel Macron a annoncé depuis plusieurs mois qu’il voulait obtenir à Nice 60 ratifications pour permettre l’entrée en vigueur du traité pour protéger la haute mer. Le traité, adopté en 2023 et signé par 115 pays, vise à mettre à l’abri des écosystèmes marins dans des eaux internationales, qui couvrent près de la moitié de la planète. Vingt-huit pays et l’Union européenne l’ont ratifié à ce jour et quelques-uns pourraient le faire à Nice.

Les annonces attendues à Nice devraient en outre permettre d’atteindre la barre de 10 % des océans placés en aires marines protégées, contre 8,36 % aujourd’hui, selon la même source.

La France espère également élargir la coalition de 32 pays en faveur d’un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins.

Les échanges informels entre délégations devraient aussi porter sur les négociations pour un traité contre la pollution plastique qui reprendront en août à Genève, tandis que Paris espère pousser à la ratification d’accords sur la lutte contre la pêche illégale et la surpêche.

Le chef de l’État espère par ailleurs des « résultats tangibles » sur la décarbonation du transport maritime – avec une cible de totale neutralité en 2050 – ce qui doit passer par des « investissements massifs » dans la transition vers les carburants durables – alors que les dépenses publiques sont déjà exsangues.

Il a aussi insisté sur la « mobilisation de nouveaux financements » dans l’électrification des ports, la recherche ou l’innovation.

L’UE veut également afficher son leadership

L’Union européenne (UE) a présenté le 5 juin sa stratégie pour mieux protéger les océans avant le grand sommet de Nice. Ce « pacte » européen sur l’océan ne constitue pas un big bang mais prévoit un renforcement des règles dans les années qui viennent.

Pour mieux protéger la biodiversité, la Commission proposera d’ici à 2027 aux eurodéputés une loi sur les océans, via la révision de législations actuelles sur les milieux marins et la planification des activités maritimes.

Bruxelles promet la création de « réserves européennes de carbone bleu » – aux contours encore flous, en souhaitant cartographier et étendre des écosystèmes marins capables de davantage capter le CO2.

Dans les aires marines protégées, des ONG comme Oceana et Surfrider réclament l’interdiction immédiate du chalutage de fond, une technique de pêche critiquée pour son impact écologique destructeur.

Mais ce sujet, très sensible pour les pêcheurs, divise les forces politiques. Et la Commission s’en tient à une simple recommandation, appelant à mettre fin à cette pratique à l’horizon 2030 dans les aires protégées.

Contre la pollution, l’UE entend par ailleurs renforcer le système de surveillance par satellite CleanSeaNet, qui scrute les mers afin de détecter les déversements potentiels d’hydrocarbures.

Dans la même veine, la Commission veut renforcer la lutte contre la pêche illégale, une pratique généralisée en Asie. Comme elle l’avait déjà annoncé, un système de certification numérique des captures (IT Catch) devient obligatoire en janvier 2026 pour les importations de poissons dans l’UE.

La question de l’exploitation minière

À propos de l’exploitation minière en eaux profondes, la Commission réitère son appel à faire une « pause » et respecter le « principe de précaution », alors que cette exploration représente un potentiel faramineux en hydrocarbures et en minerais rares.

Le 31 mars, la compagnie pétrolière chinoise CNOOC a découvert un important champ pétrolifère dans l’est de la mer de Chine méridionale, doté de réserves de plus de 100 millions de tonnes. Le sous-sol de la mer de Chine méridionale est en grande partie sous-exploré en raison de différends territoriaux, mais la plupart des gisements de pétrole et de gaz connus se situent dans des zones non contestées, selon l’Agence d’information sur l’énergie (EIA) des États-Unis.

Au même moment, l’entreprise canadienne The Metals Company (TMC) se dit prête pour commencer à exploiter les fonds marins en haute mer, pour y extraire des minerais convoités, et se retrouve confrontée à une levée de bouclier de la communauté internationale.

Les fonds marins, entre 4000 et 6000 mètres de profondeur, suscitent une convoitise de plus en plus grande, car certains contiennent des métaux sous plusieurs formes, dont des nodules polymétalliques.

Mais en l’absence d’un code minier sur les fonds marins, plusieurs pays, dont la France et le Royaume-Uni, se sont prononcés pour un moratoire sur l’extraction minière sous-marine. Ces extractions font redouter de potentielles conséquences environnementales qui pourraient bouleverser des écosystèmes déjà fragiles.

Les scientifiques demandent du temps et des moyens

Plus de 2000 scientifiques d’une centaine de pays, réunis la semaine dernière à Nice, ont présenté leurs recommandations aux responsables politiques attendus au sommet de l’ONU.

Parmi leurs recommandations, ils ont appelé à passer d’une relation d’extraction à une relation de respect envers l’océan, à œuvrer réellement pour protéger la biodiversité, à organiser un partage équitable des bénéfices des ressources génétiques de la mer, à mieux lutter contre la surpêche et l’exploitation de certaines catégories de travailleurs marins ou encore à décarboner le transport maritime.

Ils ont insisté sur la nécessité de mesures mondiales pour la protection des océans, une perspective difficilement réalisable tant les intérêts des grandes puissances sont prioritaires et tant cette volonté mondialiste et technocratique mène au final à des mesures liberticides et des taxes supplémentaires sur les citoyens, principalement européens.

S’il faut des règles pour protéger les océans de la pollution, le consensus scientifique n’est pas non plus au rendez-vous. Certains scientifiques déclarent qu’il existe encore une « grande incertitude scientifique » sur le changement climatique à cause du cycle de réchauffement des océans. Les températures record observées dans les océans en 2023 et 2024 ne seraient pas le reflet d’une accélération « inattendue » du réchauffement climatique, selon une étude publiée début mars dans la revue scientifique Nature.

« Il y a encore des domaines où la science n’est pas établie, comme les pièges à carbone ou l’exploitation minière des grands fonds marins. Ne prenez pas de décisions tout de suite, laissez-nous continuer à chercher », a plaidé François Houllier, PDG de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).

Outre le temps, les scientifiques, qui représentaient un vaste panel de spécialités liées à l’océan et comptaient 170 Américains parmi eux, ont insisté sur les besoins de financement, rappelant que les sciences marines ne recevaient que 1,7 % des budgets de recherche en moyenne dans le monde.

Dans le même temps, ils ont insisté pour que les responsables politiques tiennent aussi compte « de divers systèmes de valeurs, y compris les savoirs autochtones et locaux ».

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