À chaque pays son carnaval : le Mexique et la Danza del Pochó de Tabasco

1 février 2019 12:06 Mis à jour: 26 juillet 2021 20:22

Chaque dimanche, du 20 janvier jusqu’au Mardi-Gras, la ville de Tenosique, aux confins de l’état de Tabasco, s’éveille au rythme d’un carnaval connu comme « el más raro del Mundo », à savoir le plus étrange au monde. Qu’en est-il en fait ?

Tabasco, un petit Etat
Tout le monde connaît la sauce pimentée que l’on appelle tabasco et qui ne doit pas grand chose à l’état du même nom. Elle est née d’un mélange bien dosé entre des piments rouges mûrs d’origine mexicaine, de l’état de Tabasco, et du sel de l’île d’Avery en Louisiane. Ce cocktail explosif imaginé en 1868 est mis en bouteille après avoir fermenté pendant trois ans dans des barriques de chêne blanc, tout comme le vin.

La zone piétonne Zona Luz est très populaire à Villahermosa auprès des touristes comme des habitants pour son design moderne, ses magasins, ses cafés ; la proximité de cette zone avec la rivière lui donne encore plus de charme. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

On ignore en général que le Tabasco est d’abord un petit état du Mexique enclavé dans le Golfe du Mexique au nord du Chiapas, qui mériterait que l’on s’y égare un peu avant de prendre la route vers les sites mayas de Calakmul au Campeche ou de Palenque au Chiapas. Sa capitale, Villahermosa, est aujourd’hui une métropole moderne dont l’expansion soudaine s’explique par la découverte de nappes de pétrole au large de ses côtes.

À l’est de Villahermosa se trouve une région caractérisée par ses marais et ses rivières, gigantesque zone humide qui couvre plus de 40% de l’État. Le fascinant fleuve Usumacinta, long de mille kilomètres, serpente à travers cette zone. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

La campagne, quant à elle, se partage entre forêts luxuriantes, savanes herbeuses et lagunes fangeuses. Abondamment irriguée, la terre est riche en fourrages pour alimenter des troupeaux de vaches placides aux longues oreilles qui s’abritent du soleil à l’ombre de palmiers.

Comacalco, un des rares sites mayas dont les temples et les palais furent élevés en briques de terre moulées à la main et rassemblées grâce à un mortier de sable, de terre et de coquilles d’huîtres broyées. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Sites mayas méconnus de Comalcalco et de Pomoná, anciennes haciendas dédiées à la culture du cacao, réserve de la biosphère avec près de 300000 ha de marécages dessinés par l’entrelacs de rivières, plages paisibles où les hamacs se balancent sous des paillottes, autant de petites merveilles à débusquer au fil de la visite.

Le nom Pomona signifie « la maison du copal » cette résine que les prêtres mayas brûlaient durant leurs cérémonies. Le site atteignit son plein essor entre 600 et 900 de notre ère. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Mais le plus étonnant est ailleurs, dans une célébration carnavalesque inédite qui se tient dans la ville de Tenosique, aux confins de l’état, et qui lui a valu le label envié de

« Carnaval más raro del Mundo »

Pas aisé de fabriquer soi-même les œufs farcis de farine et tout un marché s’organise dans les rues de Tenosique pour en vendre. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Tout commence le 20 janvier, le jour de la fête de Saint Sébastien, par une grande bataille d’œufs durs évidés et garnis de farine qui oppose les habitants des différents quartiers dans une joyeuse fête qui se termine par un grand bal populaire sur la grand-place de la petite ville.

Par la suite, chaque dimanche jusqu’au Mardi Gras, la plupart des habitants se travestissent pour célébrer la fameuse Danse du Pochó pour le plus grand plaisir d’un public nombreux attiré par cette festivité peu commune.

La fête touche de très nombreux habitants de la petite ville qui s’anime avec tous ces déguisements colorés. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Ce rituel serait né au 19ème siècle, à l’époque où les Espagnols engageaient des équipes de travailleurs qui partaient en forêt récolter le caoutchouc ou encore couper le bois précieux du cèdre ou de l’acajou. Le retour des hommes coïncidait avec le carnaval et à cette occasion, on organisait une fête avec des équipes qui s’affrontaient pour gagner le sceptre et la couronne du roi carnaval. La population a continué à célébrer l’événement en adaptant la célébration à partir de rituels mayas.

Les fameuses « pochoveras » rivalisent de charme. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Tout le cérémonial tourne autour de trois personnages qui s’unissent dans une danse mystique dont l’unique objectif est de vaincre le dieu Pochó, une divinité maligne qui cherche à induire le peuple vers le mal. Les femmes portent l’habit des « pochoveras », à savoir des prêtresses vêtues de longues jupes fleuries et d’une blouse blanche brodée rehaussée d’un foulard coloré. Elles portent une jolie coiffe en paille garnie de fleurs d’hibiscus.

Cachés derrière leurs masques, les « cojoes » ont beau jeu de taquiner les spectateurs qui ne savent trop s’il faut les craindre. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Le plus important est celui constitué par les « cojoes », les hommes de maïs qui osent offenser le dieu Pochó avec leurs plaisanteries, leurs danses et leurs jeux de bâton. Ils sont méconnaissables derrière leur masque de bois peint surmonté d’un chapeau de feuilles et de fleurs de bougainvillées. Des jambières en feuilles de bananiers, une cape de drap blanc jetée sur les épaules et une jupe de feuillage de châtaignier maintenu avec une corde, tel est leur accoutrement. Ils brandissent tous un bâton creux dans lequel ils ont glissé des graines séchées qui produisent un son lancinant quand ils l’agitent au rythme de la danse.

Les « tigres » sont sans aucun doute les personnages les plus fascinants de cette étrange farandole. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

Le second groupe est celui des tigres dont le buste dénudé et les bras sont recouverts de boue séchée. Ils ont jeté sur leur tête et leurs épaules une peau de « tigre » ou à défaut de jaguar. Durant des heures, tous ces personnages traversent la ville en dansant en cercles concentriques et en tournant sur eux-mêmes au rythme d’instruments à vent et de percussion.

Au fil de la journée une fièvre s’empare peu à peu des participants qui évoluent en dansant dans les rues de la ville. (Christiane Goor et Charles Mahaux)

La nuit du Mardi Gras, ils s’installent autour d’une maison où serait alité le dieu Pochó, gravement malade. Durant toute la nuit, bien arrosée de café et de liqueurs, le tambour va accompagner la veillée et ce n’est qu’à l’aube qu’il va ralentir la cadence jusqu’à se taire, annonçant ainsi à tous la mort du dieu malin. Tout le monde se quitte alors en pleurant mais heureux et bien décidé à remettre cela l’année suivante.

Pour info, le carnaval de Binche en Belgique a également hérité du label de « carnaval más raro del mundo » ainsi que le carnaval de Bielsa à Huesca en Espagne, celui de Fasnacht en Suisse et celui de Ivrea en Italie.

Écrit par Christiane Goor et Charles Mahaux

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