Emmanuel Macron dresse un portrait alarmiste de l’Europe à la Sorbonne : une « hypocrisie terrible » selon les oppositions

Par Vincent Solacroup
25 avril 2024 18:25 Mis à jour: 26 avril 2024 05:54

Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d’élections européennes compliquées pour son camp, exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une « Europe puissance » et une défense « crédible ». Les oppositions critiquent son bilan et ses sept années de pouvoir, un hiatus entre les paroles et la réalité de son action.

« Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant » car « à l’horizon de la prochaine décennie (…) le risque est immense d’être fragilisé voire relégué », a asséné le chef de l’État dans un nouveau discours sur l’Union européenne à la Sorbonne, sept ans après une première expression dans le même amphithéâtre de l’université parisienne.

Durant près d’une heure et cinquante minutes, devant 500 invités, il a décrit une Europe « dans une situation d’encerclement » face aux grandes puissances régionales. Et jugé que les valeurs de la « démocratie libérale » européenne étaient « de plus en plus critiquées » et « contestées ».

Décrochage de l’Europe

« Le risque c’est que l’Europe connaisse le décrochage et cela nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts », a averti le chef de l’État. « Nous sommes encore trop lents, pas assez ambitieux », a-t-il également affirmé, plaidant pour une « Europe puissance » qui « se fait respecter », « assure sa sécurité » et reprend « son autonomie stratégique ». Un nouveau mantra, après celui de « souveraineté européenne » avancé en 2017 et dont il s’est félicité qu’il se soit « imposé en Europe ».

Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu’il inviterait les Européens à se doter d’un « concept stratégique » de « défense européenne crédible », évoquant au passage la possibilité pour elle de se doter d’un bouclier antimissiles.

Il a aussi appelé l’Europe à renforcer son industrie de défense, et plaidé pour un « emprunt européen », sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l’armement en appliquant le principe de « préférence européenne ».

Face aux débats sur l’immigration portés par la droite et l’extrême droite, il a affirmé que l’UE devait « retrouver la maîtrise » de ses « frontières » et « l’assumer », proposant « une structure politique » continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migrations, de criminalité et de terrorisme.

La concurrence de Pékin et Washington

Sur le plan économique, pour aboutir à une « Europe de prospérité », Emmanuel Macron a défendu un « choc d’investissements commun », en doublant la capacité financière de l’UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel. Mais aussi l’introduction d’un « objectif de croissance », voire de « décarbonation » dans la politique monétaire de la Banque centrale européenne, aujourd’hui cantonnée à la maîtrise de l’inflation.

Car la concurrence du régime communiste chinois et des États-Unis est une autre menace vitale pour le Vieux Continent, a prévenu le président français, assurant qu’il fallait également réviser la politique commerciale européenne puisque ces superpuissances n’en « respectent plus » les règles.

Enfin, pour une « Europe humaniste », le chef de l’État a voulu « défendre une Europe de la majorité numérique à 15 ans », avec avant cet âge, un contrôle parental sur l’accès aux réseaux sociaux, dans la seule proposition concrète susceptible d’affecter le quotidien des électeurs.

Réagissant peu après, le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d’ondes européenne que son homologue, a salué les « bonnes impulsions » du discours pour que « l’Europe reste forte » et promis de continuer à la « faire avancer ensemble ».

Au final, c’est un paradoxe qu’a mis en avant Emmanuel Macron.

« Rarement l’Europe n’aura autant avancé » depuis sept ans malgré « une conjonction de crises », notamment la pandémie et l’invasion russe de l’Ukraine, a-t-il estimé. D’ailleurs, « plus personne n’ose tellement proposer des sorties, ni de l’Europe, ni de l’euro », s’est-il réjoui, dans un tacle à ses adversaires et notamment à l’extrême droite, qui domine les sondages en France pour les élections européennes de juin.

Selon lui, les « nationalismes » ne « proposent plus de sortir de l’immeuble, de l’abattre » mais ils « proposent de ne plus avoir de règles de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer le loyer ». Ce qui, a-t-il insisté, finirait par tuer le projet européen.

« Une forme d’hypocrisie terrible dans cette déclaration »

Marion Maréchal a indiqué sur CNEWS avoir été choquée par la confirmation de « vouloir conditionner les aides et l’accès au budget européen au respect de l’État de droit, un prétexte pour faire du chantage financier aux gouvernements conservateurs ou de droite comme nous l’avons vu sous Mme Von der Leyen avec la Pologne ou la Hongrie ». Elle regrette le manque de cohérence entre « ce qu’il vend aux Français » et « ce qu’il a fait concrètement avec ses élus car il n’a pas parlé de bilan ». Son camp a notamment soutenu le CETA avec le Canada, le traité de libre échange avec la Nouvelle Zélande, et continue de défendre le pacte vert, pointe t-elle. « Il y a quand même une forme d’hypocrisie terrible dans cette déclaration », conclue la tête de liste Reconquête! aux européennes.

Éric Ciotti (LR) a fustigé sur X « l’habituel satisfecit technique (d’Emmanuel Macron ndlr) en faisant la leçon à la France, à l’Europe et à la terre entière ». « Explosion des déficits et de la dette, appauvrissement par rapport aux États-Unis et à la Chine, décrochage technologique, naïveté stratégique, frontières passoires, excès de normes et de contraintes inutiles qui handicapent nos producteurs, marche forcée vers un fédéralisme illusoire. Voici le vrai bilan européen de M. Macron ! » a-t-il lancé.

« 7 années de déception. À chaque fois que l’UE a proposé des avancées sociales, il s’y est opposé » a déclaré Raphaël Gluksmann (PS) sur FranceTV, dénonçant le soutient d’Emmanuel Macron « aux grandes banques et aux grands intérêts privés ».

Manon Aubry, tête de liste LFI aux européennes, défend une vision diamétralement opposée de l’Europe de celle du Chef de l’État :  « une Europe au service des travailleurs » contrairement à une « Europe au service des profiteurs ». Elle dénonce par ailleurs les beaux discours, les mensonges et les politiques dangereuses telle celle de M. Macron qui a « maintenu l’illusion dangereuse, celle à la fois de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE alors que là bas le salaire minimum est de moins de 200 euros par mois – ce qui créera un dumping social immense, et l’illusion du partage de notre dissuasion nucléaire qui est complètement irresponsable ».

Le discours du président « décompté dans le temps de parole de Valérie Hayer » ?

Présenté comme « institutionnel » par l’Élysée, son discours-fleuve avait officiellement comme ambition d’« influer sur l’agenda » de la prochaine Commission européenne. Mais il a été largement été perçu en France comme une entrée en campagne du chef de l’État pour donner à son camp l’élan qui lui manque.

Le communiste Léon Fontaines, comme Les Républicains, ont demandé que le discours du président soit « décompté dans le temps de parole de Valérie Hayer », la tête de liste macroniste. « Personne n’est dupe, M. Macron va rentrer dans la campagne européenne et faire la campagne aux frais de l’Élysée en lieu et place de sa tête de liste, c’est tout à fait habituel de sa part », a expliqué Marion Maréchal

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