Abrogation du droit du sol à Mayotte : Gérald Darmanin voudrait étendre la mesure à l’hexagone

Photo: PHILIPPE LOPEZ/AFP via Getty Images
« Le débat public doit s’ouvrir sur le droit du sol » en France, a estimé jeudi soir à l’Assemblée le ministre de la Justice Gérald Darmanin, qui s’est dit favorable à une réforme de la Constitution sur le sujet, après l’adoption d’une proposition de loi restreignant le droit du sol à Mayotte.
L’Assemblée nationale a adopté jeudi soir une proposition de loi portée par la droite visant à durcir les restrictions au droit du sol à Mayotte, lors d’une séance particulièrement houleuse.
« Aujourd’hui, je serais favorable à ce que les Français puissent trancher ce genre de question lors d’une élection présidentielle en 2027 ou lors d’un référendum qui serait décidé par le président de la République », a-t-il dit.
Interrogée sur ce thème vendredi sur RTL, Élisabeth Borne, numéro deux du gouvernement dans l’ordre protocolaire, s’est prononcée contre cette idée. « Je n’y suis pas favorable », a déclaré l’ex-Première ministre. « Je pense que ce que les Français attendent de nous, ce sont des actes et pas de renvoyer à une future modification constitutionnelle », a-t-elle estimé.
Démanteler les réseaux de passeurs
« Je me réjouis que Bruno Retailleau (le ministre de l’Intérieur, ndlr) s’attaque au démantèlement des réseaux de passeurs. Et on a des tas de dispositions, notamment des décrets qui restent à prendre sur la loi immigration qui avait été adoptée fin 2023 », a poursuivi la ministre.
Elle a toutefois soutenu la proposition de loi tout juste adoptée concernant Mayotte. « Je pense qu’on a besoin de mesures fortes pour limiter l’immigration illégale à Mayotte » et « ça peut être aussi une des mesures de restreindre les conditions d’accès au droit du sol », a-t-elle dit.
Saluant aussi cette proposition de loi sur LCI jeudi soir, Bruno Retailleau a lui jugé que Mayotte, comme la Guyane, sont un « exemple incroyable sur un petit territoire d’une société totalement déséquilibrée par les flux migratoires ». « Aucune société, quelle que soit la culture, ne peut supporter une proportion où il y a, comme le disait le Premier ministre, une submersion », a-t-il dit.
Face à l’immigration en provenance des Comores voisines, le texte est « un signal pas suffisant », a pour sa part jugé Marine Le Pen pour le RN. Il faut « faire cesser cet appel d’air de l’immigration clandestine. »
Deux parents en situation régulière depuis trois ans
Depuis 2018, une dérogation au droit du sol existe déjà à Mayotte. Le texte porté par les Républicains (LR) entend conditionner l’obtention de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte à la résidence régulière sur le sol français, au moment de la naissance, des « deux parents » (et non plus d’un seul), et ce depuis trois ans (et non plus trois mois).
Les Insoumis avaient déposé plusieurs dizaines d’amendements, certains visant ostensiblement à faire durer les débats. Car le texte était examiné lors de la journée réservée aux propositions du groupe LR, qui s’achève obligatoirement à minuit, comme toute « niche » parlementaire.
Un propos du rapporteur LR du texte, Philippe Gosselin, adressé à deux députées LFI dont Mathilde Panot, a provoqué l’ire à gauche: « Occupez-vous de vos propres niches. J’aurais tendance à vous dire restez-y peut-être même », a-t-il dit, avant d’être rappelé à l’ordre par le vice-président de l’Assemblée nationale et contraint de s’excuser.
Plus tôt, face à la cacophonie et aux tentatives d’obstruction, Gérald Darmanin a utilisé l’article 44 de la Constitution permettant de faire tomber tous les amendements n’ayant pas préalablement été étudiés en commission, afin d’accélérer la discussion.
Le texte a été défendu par M. Gosselin comme n’étant pas « l’alpha et l’oméga » mais la « pièce d’un puzzle ». Son avantage selon lui : ne pas nécessiter de modification constitutionnelle, contrairement à une suppression totale du droit du sol — un sujet largement abordé lors des débats.
M. Darmanin a rappelé être favorable à son abolition, à l’avenir, pour l’archipel, pointant que le droit du sol n’a été instauré qu’en 1993 à Mayotte. Abolition aussi demandée par le RN, qui avait déposé un amendement – rejeté – en ce sens. Le parti de Marine Le Pen a en outre réaffirmé vouloir la suppression du droit du sol en métropole.
Un texte qui ouvre « une brèche »
Ce texte ouvre « une brèche », a dénoncé la députée PS Colette Capdevielle. « Après Mayotte, ce sera la Guyane, puis Saint-Martin, puis un beau jour, l’ensemble du territoire français », a abondé Aurélien Taché pour LFI.
La députée de Mayotte Estelle Youssouffa (groupe centriste Liot) a, elle, souligné souhaiter l’abrogation du droit du sol « uniquement pour Mayotte ».

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