Afghanistan : le gouvernement taliban étend les restrictions d’accès à internet pour lutter contre le « vice »

Le gouvernement taliban a étendu mercredi sa campagne de restriction d'accès à internet en coupant les connexions par fibre optique dans plusieurs provinces afghanes, justifiant ces mesures par la lutte contre le "vice" et la "corruption morale".
Photo: ATIF ARYAN/AFP via Getty Images
Le gouvernement taliban a étendu mercredi sa campagne de restriction d’accès à internet en coupant les connexions par fibre optique dans plusieurs provinces afghanes, justifiant ces mesures par la lutte contre le « vice » et la « corruption morale ». Cette action marque la deuxième journée consécutive de restrictions, après le début des coupures mardi dans la province de Balkh.
Une décision venue du sommet
Dans la province de Balkh (nord), l’internet par fibre optique a été totalement interdit sur ordre du chef suprême des talibans, l’émir Hibatullah Akhundzada, selon Attaullah Zaïd, porte-parole du gouvernorat. « Cette mesure a été prise pour empêcher le vice et des options alternatives seront mises en place dans le pays pour répondre aux besoins » de connectivité, avait-il déclaré mardi sur X.
Il s’agit de la première interdiction de ce type imposée depuis que les talibans ont pris le pouvoir en août 2021, marquant une escalade dans les restrictions technologiques imposées par le régime.
Extension géographique des coupures
Les restrictions s’étendent désormais aux régions de Badakhshan et de Takhar, dans le nord, ainsi qu’à Kandahar, Helmand et Uruzgan dans le sud, selon des correspondants de l’AFP présents sur le terrain. Dans ces zones, l’accès à internet n’est plus possible que via le réseau téléphonique, qui connaît des perturbations importantes.
Le Comité pour la protection des journalistes fait état d’une interdiction touchant la province de Balkh et jusqu’à neuf autres provinces, soulignant l’ampleur géographique de ces mesures restrictives.

Des internautes afghans travaillent sur des ordinateurs portables dans un marché de Kandahar, le 11 juin 2024. ( SANAULLAH SEIAM/AFP via Getty Images)
Impact technologique et économique
La fibre optique, technologie la plus largement utilisée dans le pays, a été coupée dans plusieurs provinces, privant des dizaines de milliers d’Afghans de connexion. Un employé d’un opérateur privé à Kaboul, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a confirmé que la fibre demeurait la technologie la plus répandue en Afghanistan, sans pouvoir préciser les raisons exactes ni les détails de cette mesure talibane.
Les conséquences économiques se font immédiatement sentir. « Si ces problèmes de connexion ne sont pas résolus, on va subir de grandes pertes », a déploré Atta Mohammed, entrepreneur dans le marbre à Kandahar. « Si on ne répond pas à temps aux emails de nos clients à Dubaï et en Inde, on ne pourra pas continuer nos affaires. Je n’en ai pas dormi de la nuit. »
Une extension nationale annoncée
Qoraishi Badloune, porte-parole du département de l’Information et de la Culture de Nangarhar, a indiqué s’attendre à une mise en œuvre de cette décision à l’échelle nationale « dans les jours à venir ». Dans un communiqué publié mardi, il a justifié ces mesures en affirmant que « de récentes études menées en Afghanistan montrent que des applications en ligne ont affecté négativement les fondations économiques, sociales, culturelles et religieuses de la société et l’ont conduit vers la corruption morale ».
Un paradoxe avec les ambitions technologiques précédentes
Cette décision contraste avec les déclarations antérieures du régime. En 2024, Kaboul avait pourtant présenté la fibre optique, déployée à partir des années 2000 par les précédentes autorités et couvrant aujourd’hui 9 350 kilomètres, comme une « priorité » pour « rapprocher le pays du reste du monde » et le « sortir de la pauvreté ».
Le réseau de fibre optique afghan, développé sous les gouvernements précédents, constituait l’une des infrastructures technologiques les plus avancées de la région, permettant des connexions à haut débit essentielles au développement économique et éducatif du pays.
Silence officiel sur les détails
Sollicités par l’AFP, ni les porte-paroles du gouvernement ni le ministère des Télécommunications n’ont commenté ces mesures dans l’immédiat. Cette absence de communication officielle détaillée contraste avec l’ampleur des restrictions mises en place.
Une politique restrictive cohérente
L’interdiction annoncée le 15 septembre 2025 par le dirigeant taliban Hibatullah Akhundzada s’inscrit dans la continuité des mesures liberticides multipliées depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021, inspirées de leur vision ultra-rigoriste de la loi islamique.
Il convient de noter un paradoxe dans cette politique : certains responsables talibans demeurent très actifs pour relayer les communications gouvernementales sur les réseaux sociaux, utilisant les mêmes technologies qu’ils restreignent pour leur population.
Ces nouvelles restrictions touchent particulièrement les secteurs économiques dépendants des communications internationales, l’éducation à distance et l’accès à l’information, dans un pays déjà confronté à d’importantes difficultés économiques depuis le changement de régime.

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