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plus-iconChaînes d’approvisionnement aux États-Unis 

Comment l’industrie de défense américaine réduit sa dépendance à la Chine dans ses chaînes d’approvisionnement

Keith Norman, de Lyten, un fabricant de batteries basé en Californie, explique que la dépendance à la Chine devient un « défi » en période de risques géopolitiques accrus.

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Le 5 septembre 2010, un conducteur de chargeuse déplace de la terre contenant des minéraux de terres rares pour qu’elle soit chargée dans un port de Lianyungang, dans la province du Jiangsu, à l’est de la Chine, avant son exportation vers le Japon.

Photo: STR/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 16 Min.

Le Pentagone doit relocaliser aux États‑Unis la fabrication de tous les composants critiques. C’est ce qu’a déclaré le secrétaire à la Guerre, Pete Hegseth, dans un discours prononcé le 30 septembre à Quantico, en Virginie.
« Le moment exige que l’on restaure et recentre notre base industrielle de défense, notre industrie navale, et que l’on relocalise tous les composants critiques », a affirmé M. Hegseth.
La reconstruction de ce que M. Hegseth appelle « l’arsenal de la liberté » va de pair avec la nécessité de faire en sorte que la base industrielle des États‑Unis ne dépende plus de la Chine, d’autres acteurs hostiles ni de chaînes d’approvisionnement vulnérables.

« La dissuasion échoue lorsque les livraisons dérapent »

« La dissuasion échoue lorsque les livraisons dérapent », déclare Steve Aberle, directeur général de Rohirrim, une société basée dans l’État de Washington qui conçoit des logiciels d’approvisionnement pour l’industrie aérospatiale et de défense, dans un entretien avec Epoch Times. « Notre ambition est de faire de la livraison la norme pour l’Amérique et ses alliés », ajoute‑t‑il.
« La guerre commence lorsque des brèches apparaissent, nous comblons donc ces brèches par l’acquisition avant qu’elles ne comptent, afin qu’aucun adversaire ne se réveille avec un avantage », poursuit M. Aberle.
La situation actuelle est la conséquence directe de la montée en puissance de l’appareil manufacturier chinois, dont la part dans la production mondiale est passée de 9 % à 23 % entre 2004 et 2023, tandis que de moins en moins de produits sont fabriqués aux États‑Unis.
Un exemple parlant est celui de Magnequench, une société fondée par General Motors (GM) en 1986 pour produire des aimants au néodyme‑fer‑bore destinés aux munitions guidées de précision, principalement pour le Pentagone.
En 1995, GM a vendu Magnequench pour 56 millions de dollars à un consortium soutenu par des investisseurs chinois, qui a ensuite fermé deux usines de fabrication d’aimants dans l’Indiana.
De ce fait, « l’Amérique ne peut plus construire un seul missile guidé sans l’aval de Pékin », écrivait Michael Dunne dans un rapport publié en juin 2025 dans la lettre d’information The Dunne Insights Newsletter, ajoutant que « la base industrielle de défense américaine a été vidée pour 56 millions de dollars : le prix d’un seul chasseur F‑35 ».
Le 24 février 2021, le président Joe Biden a signé le décret présidentiel, qui ordonnait au département de la Défense et à d’autres administrations de passer en revue les chaînes d’approvisionnement critiques.
À l’époque, M. Biden déclarait : « Les États‑Unis ont besoin de chaînes d’approvisionnement résilientes, diverses et sûres pour garantir notre prospérité économique et notre sécurité nationale ».
Le programme Manufacturing Capability Expansion & Investment Prioritization (MCEIP) a alors été lancé pour traiter les « vulnérabilités » de la chaîne d’approvisionnement de la base industrielle américaine et, en avril 2023, il a attribué des contrats visant à « renforcer les chaînes d’approvisionnement pour les systèmes hypersoniques et stratégiques ».
En février 2024, le département de la Défense a octroyé sept contrats pour un montant total de 192,5 millions de dollars afin de réimplanter aux États‑Unis la fabrication de certains produits chimiques critiques.
Ces décisions se traduisent par la création de centaines de nouveaux emplois au Colorado, en Louisiane, dans l’Ohio, en Oregon et en Californie.
Ainsi, METSS Corporation, une entreprise basée à Westerville, dans l’Ohio, a obtenu un contrat de 14 millions de dollars pour produire divers produits chimiques, dont le sulfate de potassium, utilisé comme suppresseur de flamme à la bouche des canons et des armes à feu.
« Notre objectif est simple : transformer l’ensemble du système d’acquisition pour le faire fonctionner en régime de temps de guerre », a déclaré M. Hegseth dans un discours prononcé le 7 novembre. « Accélérer rapidement la mise en service des capacités et se concentrer sur les résultats : notre objectif est de construire, de reconstruire l’arsenal de la liberté », a‑t‑il ajouté.

Stratégie de transformation des acquisitions

Le secrétaire à la Guerre a également dévoilé une nouvelle stratégie de transformation des acquisitions, destinée à placer la base industrielle sur un pied de guerre et à « passer d’une culture de conformité à une culture de vitesse et d’exécution ».
Les discours de M. Hegseth ne « sortent pas de nulle part », estime M. Aberle, pour qui la réforme de la stratégie d’acquisition constituait une priorité majeure de la nouvelle administration Trump.
Selon lui, l’importance d’un bon approvisionnement en technologies, armes et services est apparue clairement dès le retour de Donald Trump à la Maison‑Blanche pour son second mandat, en janvier.
« Dès le premier jour, la Maison‑Blanche a donné des orientations sur la manière dont chaque agence devait aborder les acquisitions », explique M. Aberle.
Le 23 janvier, M. Trump a déclaré vouloir instaurer des conditions de concurrence « équitable » avec la Chine en matière commerciale.
Pékin a acquis ses avantages commerciaux en ne jouant pas franc jeu avec l’Occident, affirme Iain Duncan Smith, député britannique et ancien chef du Parti conservateur, dans un entretien avec Epoch Times.
« La Chine a violé toutes les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur le libre‑échange », assure M. Duncan Smith, soulignant que Pékin a délibérément choisi de ne pas devenir un membre à part entière de l’OMC, ce qui lui a permis d’obtenir le statut de « pays en développement ».
En septembre, le dirigeant chinois Xi Jinping a annoncé que Pékin renoncerait à l’avenir au traitement spécial accordé aux pays en développement.

Détourner les règles de l’OMC

M. Duncan Smith estime que la Chine a été autorisée à « contourner les règles », ce qui lui a permis de devenir dominante dans une série de secteurs.
« Ils piétinent les règles de l’OMC sur le libre marché, ils injectent des sommes colossales dans des entreprises dont ils pensent qu’elles pourraient échouer. (…) La Chine a violé les règles en matière d’investissements, elle a violé les règles interdisant le travail forcé et elle recourt à ce travail forcé », affirme‑t‑il.
Selon lui, la conséquence est que la Chine produit toute une gamme de biens à des prix bien inférieurs à ceux de l’Occident, poussant à la faillite ses concurrents aux États‑Unis et en Europe.
Keith Norman, directeur marketing de Lyten, société californienne, explique à Epoch Times que la mondialisation n’est pas une stratégie entièrement mauvaise et qu’elle « garde son sens » pour certaines des entreprises les plus rentables aux États‑Unis et en Europe, comme Apple ou Nvidia.
Il souligne que la stratégie consistant à délocaliser la production en Chine et dans d’autres pays à bas coûts « génère d’énormes bénéfices économiques » pour les États‑Unis et l’Europe.

Le risque géopolitique, un « défi »

« Là où cela commence à devenir un défi, c’est lorsque l’on entre dans une période de risque géopolitique accru », souligne M. Norman.
Selon lui, lorsque des produits tels que les puces, les batteries, les panneaux solaires ou les éoliennes sont essentiels à la sécurité énergétique et à la sécurité nationale, le niveau de risque monte en flèche. La gravité du problème est apparue clairement le 5 novembre, lorsque le fondeur néerlandais Nexperia a publié un communiqué indiquant qu’il ne pouvait plus garantir la qualité ni l’authenticité des puces fabriquées dans ses usines chinoises, ses filiales en Chine ayant ignoré les directives de la direction.
Lyten, une jeune pousse de la Silicon Valley, a annoncé, le 7 août, avoir conclu un accord contraignant pour acquérir les usines du fabricant scandinave de batteries pour véhicules électriques Northvolt, en faillite, en Suède et en Allemagne — venant s’ajouter à un site déjà acquis en Pologne — afin d’étendre en Europe sa technologie de batteries lithium‑soufre.
« Nous construisons une batterie plus légère que le lithium‑ion, qui utilise en outre des sous‑produits industriels provenant des États‑Unis et de l’Europe, ce qui nous permet d’éliminer totalement la dépendance aux chaînes d’approvisionnement passant par la Chine, tout en offrant des batteries aux performances supérieures », explique M. Norman.
Le 26 avril 2021, le sénateur Marco Rubio (républicain de Floride) et le représentant David McKinley (républicain de Virginie‑Occidentale) ont conduit un groupe bipartisan de parlementaires qui ont demandé à l’administration Biden de créer une « coopérative métallurgique des terres rares » afin de réduire la dépendance du pays vis‑à‑vis de Pékin pour les minerais spécialisés utilisés dans l’électronique et l’armement.
Peu de choses ont été faites jusqu’à l’arrivée de la seconde administration Trump.
Cette année, Pékin a imposé des restrictions à l’exportation sur les terres rares, un groupe de 17 éléments utilisés dans un large éventail de produits — notamment les avions et sous‑marins militaires — qui sont devenus un enjeu majeur dans la guerre commerciale entre les États‑Unis et la Chine.
Le 4 avril, le régime communiste chinois a instauré des contrôles sur l’exportation de certains éléments de terres rares, dont le secrétaire à l’Intérieur, Doug Burgum, a affirmé qu’ils risquaient, « en quelques semaines », de provoquer l’arrêt d’usines américaines produisant aussi bien des automobiles que des avions de combat.
Le 9 octobre 2025, Pékin a étendu ces contrôles à l’exportation.
Donald Trump a rencontré le dirigeant chinois Xi Jinping le 30 octobre et ils ont convenu de lever une partie des droits de douane en échange de la reprise par Pékin des exportations de terres rares telles que l’holmium, l’erbium, le thulium, l’europium et l’ytterbium.
M. Trump a également indiqué qu’il se rendrait en Chine en avril 2026.
Quelques jours plus tard, le 5 novembre, la marine chinoise a présenté son tout dernier porte‑avions, le Fujian, marquant sa volonté d’affirmer sa puissance militaire dans le Pacifique.
Dans une interview accordée le 2 novembre à l’émission « 60 Minutes » sur CBS, M. Trump a déclaré que les États‑Unis mettraient fin à leur dépendance vis‑à‑vis de la Chine pour les minéraux de terres rares en 18 mois, grâce à un « programme d’urgence » visant à bâtir des chaînes d’approvisionnement nationales et alliées, qualifiant cette initiative de priorité majeure en matière de sécurité nationale après les récentes restrictions à l’exportation décidées par Pékin.
Le 21 octobre, lors de la publication des résultats du troisième trimestre 2025, la directrice générale de Northrop Grumman, Kathy Warden, s’est exprimée sur la question des chaînes d’approvisionnement.
« Heureusement, notre équipe dispose de deux fonderies aux États-Unis où nous concevons, produisons et conditionnons des composants microélectroniques. Notre dépendance vis-à-vis des terres rares a donc été atténuée en examinant notre chaîne d’approvisionnement et en prenant une longueur d’avance sur nos sources d’approvisionnement afin de garantir que nous puissions produire ces composants électroniques », a expliqué Mme Warden.
« Nous nous réjouissons que le gouvernement américain œuvre activement à la mise en place de nouvelles sources d’approvisionnement, y compris aux États‑Unis, et qu’il noue des partenariats avec nos alliés pour qu’ils investissent eux aussi dans ces capacités sur leur territoire », a poursuivi Mme Warden.
La réduction des risques va devenir une priorité pour les États‑Unis, estime M. Aberle.
« Il est essentiel de pouvoir privilégier par défaut, sur le plan économique, les États‑Unis et leurs alliés », souligne‑t‑il. « D’un point de vue économique, mais aussi du point de vue de la gestion des risques ».
« On verra beaucoup plus cela à l’avenir. C’est une priorité pour le secrétaire Hegseth et pour le département de la Guerre », ajoute‑t‑il.
Selon M. Norman, le grand défi consiste à répondre au fait que, pour trop de produits, les principaux fournisseurs sont tous basés en Chine, d’où la nécessité de diversifier la chaîne d’approvisionnement.
Il ajoute que le Pentagone met désormais à profit son pouvoir d’achat pour soutenir cette diversification des sources d’approvisionnement.
Mais certains redoutent aussi que Pékin cherche à exploiter les chaînes d’approvisionnement situées aux États‑Unis.
L’experte de la Chine Cheryl Yu a témoigné devant le Parlement du Wisconsin, le 21 octobre, alertant sur le fait que plusieurs sites industriels et agricoles appartenant à des intérêts chinois dans cet État sont liés au département du Front uni, une branche du Parti communiste chinois (PCC).
Epoch Times a contacté, par l’intermédiaire du département de la Guerre, John Shultz, du bureau du secrétaire adjoint à la Guerre chargé de la politique relative à la base industrielle, afin d’obtenir une réponse sur le MCEIP, mais n’en avait reçu aucune à l’heure de la publication.