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Usurper le « mode d’emploi » du PCC pour contrôler les marchés des minéraux prendra du temps, mais c’est possible, selon un rapport

« L’histoire de Magnequench », ont expliqué des producteurs américains lors d’une audition de la Chambre en novembre, ne constitue pas un cas isolé, mais un chapitre parmi d’autres d’une longue anthologie de manipulations.

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Un ouvrier manipule des batteries automobiles dans une usine de Xinwangda Electric Vehicle Battery Co. Ltd., qui fabrique des batteries au lithium pour voitures électriques et autres usages, à Nankin, dans la province du Jiangsu, en Chine, le 12 mars 2021.

Photo: STR/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 20 Min.

Les États‑Unis dominaient l’industrie des terres rares dans les années 1980, avec des producteurs nationaux leaders mondiaux de l’extraction, tandis que les scientifiques américains ouvraient la voie à l’utilisation de ces 17 éléments pour développer des aimants permanents et de nouvelles générations de batteries.
Pourtant, en moins de dix ans, la Chine est devenue le premier producteur mondial de terres rares et de minéraux critiques indispensables à l’électronique moderne, y compris à des applications militaires, et, en 2024, elle détenait un quasi‑monopole, ses industriels contrôlant 90 % du marché mondial du raffinage des terres rares.
Comment cela a‑t‑il été possible ?
De nombreux facteurs ont joué, mais, comme l’a expliqué le représentant Raja Krishnamoorthi (démocrate de l’Illinois) lors d’une audition organisée le 19 novembre par la commission spéciale de la Chambre sur le Parti communiste chinois (PCC), « l’histoire de Magnequench » illustre la stratégie menée depuis des décennies par le PCC pour réduire, voire détruire, les capacités industrielles de ses concurrents, notamment celles des États‑Unis.
General Motors (GM), pionnier dans le développement des aimants permanents, crée Magnequench en 1986. Le Pentagone en devient le principal client pour ses aimants en néodyme‑fer‑bore utilisés dans les munitions de précision.
Magnequench commence à fabriquer des aimants en 1987 à Anderson, dans l’Indiana. Lorsque GM se restructure au début des années 1990, le groupe cède plusieurs filiales. Magnequench est alors mise en vente.
En 1995, le consortium d’investissement Sextant Group rachète Magnequench pour 56 millions de dollars.
Le PDG de Sextant, basé aux États‑Unis, est Archibald Cox Jr., fils du procureur du Watergate, mais le groupe est principalement financé par des investisseurs chinois, dont le président de San Huan New Material, Zhang Hong, et des cadres de la China National Non‑Ferrous Metals Import & Export Corp.
Le Pentagone s’oppose à cette vente, invoquant le risque de voir des investisseurs chinois détenir 62 % d’une entreprise dont il dépend. La même année, la Commission américaine du commerce international (USITC) sanctionne San Huan pour « violation de brevets et espionnage industriel », lui infligeant une amende de 1,5 million de dollars.
Le département d’État, soucieux de nouer de bonnes relations avec Pékin, choisit toutefois de ne pas s’y opposer. Le Comité pour les investissements étrangers aux États‑Unis approuve l’opération, à la seule condition que l’entreprise reste implantée sur le sol américain pendant dix ans.
En moins de deux ans, les parts détenues par les deux sociétés chinoises sont transférées à Onfem Holdings, une holding contrôlée par le PCC, dirigée par Wu Jianchang, qui, comme Zhang Hong de San Huan, est l’un des gendres de Deng Xiaoping, dirigeant du Parti communiste chinois de 1978 à 1989.
Sextant Group, désormais de facto contrôlé par Onfem Holdings, rachète en 2000 Indiana General, une autre usine d’aimants, à Valparaiso (Indiana). La même année, Sextant ferme l’usine de Magnequench à Anderson. En 2004, le site de Valparaiso est à son tour fermé.
Conséquence, écrit Michael Dunne dans un rapport publié en juin 2025 dans sa lettre d’information The Dunne Insights Newsletter : « Les États‑Unis sont désormais incapables de fabriquer un seul missile guidé sans l’aval de Pékin. » L’appareil industriel de défense américain, poursuit‑il, « a été vidé de sa substance pour 56 millions de dollars : le prix d’un seul chasseur F‑35 ».
« L’histoire de Magnequench » n’a rien d’exceptionnel. Elle illustre au contraire la méthode type du « mode d’emploi » du PCC.
« En un peu plus de trente ans, la Chine s’est emparée, pièce par pièce, de pans entiers de l’industrie des minéraux critiques, s’est forgé une arme chargée et l’a braquée sur l’appareil productif américain », résume le président de la commission spéciale sur le PCC, le représentant John Moolenaar (républicain du Michigan).

Un étranglement organisé

L’audition de la commission portait sur un rapport de 52 pages qui détaille 13 initiatives destinées à desserrer l’emprise de la Chine sur les terres rares et les minéraux critiques, et présente 12 constats illustrant la façon dont le PCC manipule les marchés.
Selon ce rapport, les raffineurs basés en Chine traitent entre 85 % et 90 % des terres rares extraites dans le monde, produisent 90 % des aimants, 80 % des batteries, et contrôlent au moins 75 % du marché mondial pour au moins 30 des 54 matières premières jugées « essentielles à la sécurité nationale » par le Service géologique des États‑Unis (USGS) dans sa liste 2025 des minéraux critiques.
Les industriels américains sont entièrement dépendants des importations pour 12 de ces 54 matières critiques, et à plus de 50 % import‑dépendants pour 29 autres. Depuis avril, le PCC a imposé des restrictions à l’exportation sur 12 terres rares — regroupées comme un seul minéral critique sur la liste de l’USGS —, dont cinq ajoutées en octobre. Ces dernières restrictions ont été suspendues pour un an après des négociations commerciales avec le président Donald Trump.
Le rapport confirme que, depuis des décennies, le PCC subventionne « ses champions miniers nationaux à hauteur de dizaines de milliards de dollars, notamment via des prêts à taux zéro, afin de soutenir leurs acquisitions d’actifs miniers à l’étranger », pour un total d’environ « 57 milliards de dollars ».
Cette politique « donne à Pékin la capacité de faire monter ou baisser les prix » et « revient de facto à interdire la publication de prix qui s’écarteraient des consignes du PCC », note encore le document.
L’enquête souligne que le PCC « maintient un étranglement sur l’étape intermédiaire du raffinage : s’il ne peut décider de l’emplacement des gisements, il peut, en revanche, décider où les ressources seront traitées ».
Cette « stratégie conduite sur plusieurs décennies a consisté à attirer des entreprises, principalement occidentales, dans des partenariats avec des sociétés basées en Chine, puis à vendre les produits à des niveaux très inférieurs aux prix du marché afin d’éliminer la concurrence », résume le rapport. « Une fois la position dominante acquise, [le PCC] a utilisé ce pouvoir de marché comme une arme géopolitique. »
En citant la phrase prononcée par Deng Xiaoping en 1992 — « Le Moyen‑Orient a le pétrole, la Chine a les terres rares » —, M. Krishnamoorthi souligne que Pékin n’a jamais dissimulé ses ambitions. Il renvoie également à une note interne « édifiante» rédigée en 2020 par des cadres du groupe CATL — premier fabricant mondial de batteries pour véhicules électriques — selon laquelle « le prix de transaction tend à être bas, au point parfois de passer sous les coûts de production ».
Des entreprises de traitement et des industriels basés en Chine qui vendent à perte pour mettre leurs concurrents à genoux : telle est la réalité quotidienne, confirment le directeur général de Lithium Americas, Jonathan Evans, le vice‑président exécutif de MP Materials, Matthew Sloustcher, et le directeur général de Niron Magnetics, Jonathan Rowntree.
Ce mois‑ci encore, rapporte M. Sloustcher, le PDG de CATL, Robin Zeng Yuqun, a reconnu que cette « politique de prix prédateurs » fait partie intégrante des pratiques imposées par le PCC, ajoutant que le groupe « interrompt désormais sa production… après avoir atteint son objectif de faire chuter les prix du lithium » pour éliminer la concurrence, avant de remonter les tarifs.
Les dirigeants auditionnés saluent les initiatives de l’administration Trump, qui a décidé de mobiliser au moins 1 milliard de dollars de fonds publics pour prendre des participations dans des sociétés minières et de traitement afin de faire avancer des projets stratégiques. Parmi les exemples cités figurent la prise de 5 % du capital de Lithium Americas et de sa mine du Nevada par le département de l’Énergie, sa participation de 10 % au développement minier d’Alaska du groupe Trilogy Metals, ainsi que la prise de 15 % du capital de MP Materials et l’investissement de 400 millions de dollars en actions par le département de la Guerre (DOW).
Plusieurs élus s’interrogent toutefois pour savoir s’il ne s’agit pas de mesures trop tardives et insuffisantes.
« Nous courons après notre ombre », déplore le représentant Carlos Gimenez (républicain de Floride). « Je ne pense pas que nous parviendrons un jour à nous mettre réellement au niveau des Chinois. Honnêtement, si nous essayons, ils prendront des mesures pour faire échouer nos efforts, décréteront un embargo ou autre, et nous finirons par lever les bras au ciel. »

Des producteurs américains pris pour cible

Les dirigeants auditionnés décrivent comment le PCC s’emploie à fragiliser leurs activités pour les pousser à la faillite. « L’histoire de Magnequench », confirment‑ils, n’est pas un cas isolé, mais un chapitre parmi d’autres.
La mine de Mountain Pass, en Californie, fut le premier producteur mondial de terres rares du milieu des années 1960 aux années 1980, avant que les raffineurs chinois ne fassent chuter les prix et que le durcissement de la réglementation n’alourdisse ses coûts d’exploitation. Quand la mine ferme en 2002, les États‑Unis ne disposent plus d’aucun site d’extraction de terres rares en activité.
La création, sous la présidence Obama, d’un fonds du département de la Défense pour soutenir la réouverture de Mountain Pass par Molycorp fait figure de tournant, prélude à une mobilisation de l’ensemble des administrations, renforcée par le retour de Donald Trump à la Maison‑Blanche en 2025, qui fait de cette question une urgence stratégique.
Malgré ces subventions, Molycorp dépose le bilan en 2015. La mine végète jusqu’en 2017, année où MP Materials la rachète.
M. Sloustcher se souvient qu’au moment de cette acquisition, « Mountain Pass était sous la surveillance d’un juge fédéral, en simple configuration de maintien en condition de sécurité. Il n’y avait plus de service comptable ni de structure d’entreprise, seulement huit employés. Les États‑Unis n’avaient plus aucune capacité d’extraction, de raffinage ni de fabrication d’aimants. »
MP Materials se trouve alors confronté à deux défis immédiats.
« Dans les premières années, nous produisions à Mountain Pass un concentré minéral qui ne trouvait preneur qu’en Chine, seul marché disposant de capacités de raffinage », explique‑t‑il. « Nous avons réinvesti nos bénéfices pour doter Mountain Pass de nos propres capacités de raffinage, mais, au moment où nous allions les mettre en service, les prix du néodyme et du praséodyme se sont effondrés, tombant à des niveaux inférieurs même aux coûts de production les plus bas en Chine. Cette politique de prix prédateurs a détruit tout intérêt à investir et asséché le capital disponible. »
La prise de 15 % du capital de MP Materials par l’administration Trump et l’achat, par le DOW, de 400 millions de dollars d’actions ont entraîné, selon M. Sloustcher, « un regain d’investissements industriels dans d’autres segments », notamment « lorsqu’Apple a annoncé peu après un investissement de 500 millions de dollars dans l’usine d’aimants pour batteries de MP Materials près de Fort Worth, au Texas ».
Le PCC reste déterminé à faire fermer Mountain Pass en appliquant « son mode d’emploi habituel », insiste M. Krishnamoorthi. En 2024, Pékin « a fait passer le prix du kilo de néodyme‑praséodyme d’environ 170 dollars à quelque 49 dollars, niveau où il se situe aujourd’hui », alors que ces éléments sont « essentiels à la fabrication d’aimants permanents ultra‑durs ».
Les aides fédérales et la montée en puissance des investissements privés prouvent que « la détermination est réelle » pour surmonter les manipulations du PCC, et que, « dans notre cas, la question des prix prédateurs a été en grande partie neutralisée », estime M. Sloustcher.
« Aujourd’hui, nous exploitons la deuxième plus grande mine de terres rares au monde. Nous disposons de la plus importante raffinerie de terres rares de l’hémisphère occidental. Nous produisons déjà des métaux à l’échelle industrielle, et nous nous apprêtons à lancer une production d’aimants à grande échelle au Texas », détaille‑t‑il.
Le PCC cherche également à évincer du marché les producteurs de lithium non contrôlés par des groupes chinois, indique M. Evans. Il cite la participation de 5 % du département de l’Énergie dans Lithium Americas et dans son projet de mine au Nevada, ainsi qu’une subvention de 225 millions de dollars accordée à Standard Lithium pour son projet d’extraction de lithium par saumure dans le sud‑ouest de l’Arkansas, jugés cruciaux.
« Ces deux projets auraient pu avancer beaucoup plus vite si les Chinois ne s’étaient pas entendus, ces trois dernières années, pour faire tomber les prix du lithium à un plancher historique », regrette‑t‑il. Sans ces manipulations, Lithium Americas « aurait pu être en phase de construction depuis un an et demi », ajoute‑t‑il.
Les sociétés chinoises contrôlent aujourd’hui quatre des cinq plus grandes mines de lithium au monde et 70 % des capacités mondiales de transformation, rappelle le rapport. Mais, selon M. Evans, les États‑Unis, le Canada, l’Australie, le Chili et la Bolivie disposent ensemble d’un potentiel suffisant pour contrer le PCC.
« Entre le Nevada et la région Arkansas–Texas, nous avons de meilleures réserves que les Chinois. Nous pourrions devenir un fournisseur mondial de tout premier plan en produits chimiques de lithium raffinés dans ce pays, et prendre la main sur ce marché en déjouant les manipulations chinoises », assure‑t‑il.

Innovations et solutions de rechange

« La question est donc la suivante : que faire ? », lance M. Krishnamoorthi. « Augmenter l’extraction et le raffinage des terres rares ne suffira pas. Il faut aussi développer des solutions de rechange permettant, potentiellement, de s’affranchir complètement de ces métaux. »
« Ne serait‑il pas plus rentable de concentrer nos efforts sur le développement d’alternatives plutôt que de tenter de rattraper les Chinois ? Je pense que la Chine a tellement d’avance qu’il nous est impossible de combler l’écart », estime M. Gimenez.
Selon lui, le pays devrait « mettre davantage l’accent sur l’investissement dans des solutions alternatives. Des substituts aux terres rares se profilent‑ils à l’horizon ? »
Oui, répond M. Rowntree, de Niron Magnetics, en soulignant que sa société, basée à Minneapolis, « met au point les premiers aimants permanents haute performance au monde totalement dépourvus de terres rares », conçus à partir de fer et d’azote, des matériaux abondants qu’« aucune puissance étrangère ne peut monopoliser ni bloquer ».
Le département de l’Énergie a investi plus de 52,2 millions de dollars, sous forme de subventions et de crédits d’impôt, dans Niron depuis sa création en 2014 par Jian‑Ping Wang, professeur à l’université du Minnesota.
« Nous avons développé ce nouveau type de matériau magnétique sur douze ans, le premier matériau magnétique inédit à être commercialisé depuis trente ans », souligne M. Rowntree, indiquant que cette technologie élimine « le besoin de recourir à l’extraction des terres rares, aux installations de séparation chimique et aux procédés métallurgiques complexes ».
Ces engagements initiaux ont incité « des investisseurs institutionnels, dont GM, Stellantis et Samsung », à injecter plus de 300 millions de dollars pour « passer à l’échelle », poursuit‑il.
En octobre, Niron a lancé le chantier d’une usine qui produira jusqu’à 1500 tonnes d’aimants permanents par an d’ici 2027.
« Nous étudions déjà les sites possibles pour une deuxième unité, dotée d’une capacité de 10.000 tonnes par an », indique M. Rowntree.
Ces usines fourniront « des constructeurs automobiles américains, des entreprises technologiques, des équipementiers de défense et des acteurs du secteur énergétique, créant des centaines d’emplois hautement qualifiés », précise‑t‑il.
Niron a « bénéficié de circonstances favorables », admet son dirigeant, et pourrait servir de modèle à d’autres partenariats public‑privé visant à accélérer la mise sur le marché d’innovations de rupture.
« D’autres alternatives doivent encore être développées et financées, mais elles ne constituent pas une solution rapide », prévient‑il. « C’est maintenant qu’il faut investir dans ces technologies de remplacement. »
M. Krishnamoorthi acquiesce.
« Pour rompre l’étau chinois, il faudra une mobilisation générale. Cela suppose aussi d’accroître les financements publics en faveur de la recherche », insiste‑t‑il.
Pourrait‑on, demande‑t‑il encore, compter sur les aimants de Niron « pour faire tourner notre économie » si « le PCC coupait totalement ses exportations de terres rares vers les États‑Unis » ?
Oui, répond M. Rowntree.
« Les États‑Unis disposent déjà de tout ce qu’il faut pour bâtir une chaîne d’approvisionnement en aimants sûre, résiliente et diversifiée. Le tissu industriel et l’innovation américaine ont produit des solutions éprouvées. Il revient désormais aux politiques publiques de se mettre en phase avec cette nécessité stratégique. »
John Haughey est journaliste depuis 1978 et possède une vaste expérience des collectivités locales, des législatures d'État, de la croissance et du développement. Diplômé de l'université du Wyoming, c'est un vétéran de la marine qui a combattu en mer pendant trois déploiements à bord du USS Constellation. Il a été reporter pour des quotidiens en Californie, à Washington, dans le Wyoming, à New York et en Floride, et rédacteur pour des publications commerciales basées à Manhattan.

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