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Fraude record d'une ressortissante chinoise

Un tribunal britannique retrace sept années de traque pour retrouver l’instigatrice d’une fraude de 5,6 milliards de dollars en Chine

LONDRES — Une ressortissante chinoise a été reconnue coupable d’avoir détourné des fonds d’investisseurs chinois qu'elle a convertit dans des cryptomonnaies pour une valeur atteignant aujourd’hui plusieurs milliards de dollars. L'accusée a été condamnée par un tribunal britannique à 11 ans et 8 mois d’emprisonnement pour blanchiment d’argent.

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(À g.) Qian Zhimin, sur une photo d’arrestation non datée.

Photo: À dr. Qian Zhimin filmée par une caméra de surveillance devant la maison qu’elle louait à Hampstead, à Londres. Crédit : Metropolitan Police.

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Durée de lecture: 12 Min.

Le 11 novembre, un tribunal britannique a retracé les sept années de cavale qui ont mené à l’arrestation de Qian Zhimin, une ressortissante chinoise derrière la société Lantian Gerui. Entre 2014 et 2017, celle-ci a trompé quelque 128.000 personnes, en les convainquant d’investir dans son entreprise, censée développer des produits de santé. Mais, au lieu d’investir cet argent dans son entreprise, Mme Qian a converti en bitcoin environ 26 millions de dollars de ces fonds illégalement obtenus.

Selon le tribunal britannique, cette escroquerie a causé des pertes estimées à près de 788 millions de dollars.

Durant les deux jours d’audience consacrés à la fixation de la peine, le tribunal a appris que Mme Qian, qui se faisait appeler Yadi Zhang avant d’être arrêtée, a créé des vidéos promotionnelles visant à convaincre des investisseurs chinois de financer son entreprise.

Âgée de 47 ans, Mme Qian a fui la Chine à l’été 2017 après avoir légalement acheté un passeport auprès du gouvernement de Saint-Kitts-et-Nevis, une petite île des Caraïbes, contre la somme de 250.000 dollars. Elle a ensuite rejoint le Royaume-Uni.

Son arrestation n’est intervenue que l’an dernier, à l’issue d’une enquête débutée en 2018, lorsque la police a saisi des portefeuilles électroniques contenant plus de 61.000 bitcoins. Le 29 septembre 2025, Mme Qian a plaidé coupable de possession et de transfert de biens d’origine criminelle, après la saisie record d’actifs numériques évalués à près de 7 milliards de dollars au cours actuel.

La Metropolitan Police avait alors qualifié cette opération de « plus importante saisie de cryptomonnaies jamais réalisée dans le monde ».

Un complice, le Malaisien Seng Hok Ling, également âgé de 47 ans, l’avait aidée à se cacher dans une série de logements Airbnb à travers le Royaume-Uni jusqu’à son arrestation en avril 2024. Il a plaidé coupable de blanchiment d’argent et a été condamné, le 11 novembre, à quatre ans et onze mois de prison par la cour de Southwark, à Londres.

« Par pure avidité »

En prononçant la sentence, la juge Sally-Ann Hales a évoqué un cas de blanchiment d’argent d’une ampleur inédite. Mme Qian, a-t-elle déclaré, était « l’architecte de cette fraude depuis son origine ». « Votre mobile n’était autre qu’une pure avidité », a-t-elle ajouté.

La magistrate a souligné que la prévenue avait quitté la Chine sans la moindre considération pour ses victimes, et qu’elle avait « menti et manœuvré » pendant des années afin de conserver les fonds détournés.

Son assistante, Wen Jian, 43 ans, a été condamnée l’année précédente à six ans et huit mois de prison pour sa participation au réseau.

Selon la procureure Gillian Jones, il s’agissait d’un classique système de Ponzi : les fonds des nouveaux investisseurs servaient à rémunérer les anciens, sans qu’aucun profit réel ne soit généré. Mme Qian avait transféré une partie de ces sommes en cryptomonnaie, achetant d’abord 143.951 bitcoins via la plateforme chinoise Huobi, puis environ 51.000 autres.

En janvier 2017, la télévision chinoise a diffusé un premier reportage sur les malversations de Mme Qian. Peu après, la fille d’un investisseur déposait une première plainte auprès d’un tribunal chinois.

La procureure britannique a précisé que Mme Qian avait commencé à préparer sa fuite dès février 2017, sollicitant la citoyenneté de Saint-Kitts-et-Nevis sous le nom de Yadi Zhang. Ce micro-État des Caraïbes accorde en effet la nationalité et un passeport aux personnes qui y investissent des montants substantiels. Mme Qian a obtenu le sien en juin 2017 contre 250.000 dollars.

Le 12 juillet 2017, la police chinoise avait tenté d’interpeler Mme Qian lors d’un événement promotionnel de son entreprise, mais ignorant sa véritable identité, avaient échoué à la localiser.

La fuite en mobylette

Selon la procureure, Mme Qian s’est rendue jusqu’à la frontière sur une simple mobylette, avant d’utiliser son passeport de Saint-Kitts-et-Nevis pour franchir le poste de contrôle. Elle s’est ensuite envolée pour Bangkok, puis a gagné Londres, où elle est arrivée le 16 septembre 2017.

À son arrivée, elle a engagé Wen Jian pour lui trouver une maison à louer. Grâce à sa fausse identité, elle a obtenu un permis de conduire, et a ouvert un compte bancaire britannique, ainsi qu’un compte au grand magasin Harrods.

Entre novembre 2017 et mai 2018, Mme Qian a voyagé à travers l’Europe, séjournant dans des hôtels de luxe à Berlin, Zurich, Prague, Copenhague et Stockholm.

En octobre 2018, la police britannique a perquisitionné la maison qu’elle louait à Hampstead, dans le nord de Londres, et y a découvert plusieurs ordinateurs portables contenant des portefeuilles de cryptomonnaies. À l’époque, les enquêteurs ignoraient encore sa véritable identité.

Un an plus tard, Wen Jian était arrêtée et inculpée de blanchiment d’argent. Elle a été jugée à deux reprises, en 2023 puis en 2024.

« Mme Qian savait parfaitement que la police cherchait à la retrouver », a rappelé la procureure. « Pendant près de six ans, elle est parvenue à échapper à toute arrestation. »

Le 25 février 2024, alors que le procès de Wen Jian se déroulait, un transfert de 8,2 bitcoins a été effectué depuis le portefeuille électronique baptisé Rainbow, resté inactif depuis près de cinq ans.

Les enquêteurs surveillaient ce portefeuille de près et ont pu remonter la trace de la transaction jusqu’à Seng Hok Ling, qui avait loué une maison via Airbnb dans la ville de York, au nord de l’Angleterre.

Une perquisition a été menée le 22 avril 2024 : Mme Qian a été arrêtée sur place, en compagnie de quatre ressortissants malaisiens que M. Ling avait, selon la police, fait illégalement venir pour l’aider dans ses tâches ménagères.

« Ces personnes, toutes étrangères, avaient été recrutées spécifiquement pour travailler pour elle au Royaume-Uni », a expliqué la procureure. « Elles n’étaient pas autorisées à y exercer d’emploi, donc peu enclines à se tourner vers la police. Les contrats qu’elles avaient signés comportaient, en cas de rupture, des sanctions financières sévères. »

La procureure a ajouté que M. Ling croyait sans doute, à tort, que Mme Qian était une femme d’affaires légitime persécutée par le Parti communiste chinois. « Mais ce n’était pas le cas », a-t-elle insisté.

(À g.) Ling Seng Hok, sur une photo d’arrestation non datée. (À dr.) Image extraite d’une vidéo de surveillance montrant Ling Seng Hok devant une maison où séjournait Qian Zhimin. Crédit : Metropolitan Police.

Après son arrestation, la police a découvert d’autres portefeuilles numériques, ainsi qu’une importante somme convertie en USDT (Tether), une cryptomonnaie dite stablecoin, qu’elle a utilisée pour acheter plusieurs biens immobiliers à Dubaï. Toujours selon la procureure, plus de 80 personnes ayant travaillé avec ou pour Qian chez Lantian Gerui ont été poursuivies et condamnées en Chine.

Des profits conséquents

Lors de l’audience du 10 novembre, un avocat de Mme Qian, Richard Thomas, a reconnu la culpabilité de sa cliente et confirmé que le montant total des investissements frauduleux atteignait 40 milliards de yuans (environ 5,6 milliards de dollars).

Il a toutefois souligné que Mme Qian avait toujours cru au potentiel de profit du bitcoin.

« Le fait que sa prévision se soit réalisée signifie que la valeur actuelle des fonds gelés excède largement ce qui serait nécessaire pour indemniser tous les investisseurs, même tardivement », a-t-il plaidé.

L’avocat a ajouté que sa cliente avait consenti à une procédure civile de confiscation, afin d’indémniser les victimes.

L’avocate de Seng Hok Ling, Narita Bahra, a demandé que les actes de son client soient replacés dans leur contexte moral :

« M. Ling était convaincu que Mme Qian était persécutée par le régime chinois. Il croyait agir selon sa conscience. »

Elle a précisé que son client avait été rémunéré par Mme Qian pour son aide, mais n’a jamais bénéficié de son train de vie luxueux et ne s’est pas enrichi personnellement.

La somme qu’il a blanchie, environ 3,7 millions de dollars, représente moins de 0,1 % de la fraude totale.

« Elle est profondément désolée »

À l’issue du verdict, Me Sahota, l’avocat de Mme Qian, a déclaré dans un courriel adressé à Epoch Times que sa cliente regrettait sincèrement la détresse subie par les investisseurs.

« Pionnière du bitcoin, autrefois plus grande détentrice féminine de BTC au monde, Mme Qian accepte sa condamnation et les erreurs qui l’ont conduite là,» a-t-il écrit.

« Elle n’avait pas l’intention de commettre une fraude, mais elle reconnaît que ses schémas d’investissement étaient trompeurs et ont abusé la confiance de ceux qui l’ont suivie. »

Il a ajouté que plusieurs gouvernements étrangers suivaient de près cette affaire, considérée comme un cas test international sur la gestion des délits liés aux cryptomonnaies.

« Les autorités britanniques appliquent désormais des lois axées sur la restitution des fonds aux victimes, plutôt que sur le partage des profits, » a-t-il précisé. « Tout surplus récupéré pourrait être conservé par l’État. »

Selon Me Sahota, cette approche « pourrait faire de l’application de la loi une nouvelle source de revenus publics » et établir un précédent pour la manière dont les crimes liés aux cryptomonnaies seront traités à l’avenir.

Expulsion automatique

La juge Sally-Ann Hales n’avait pas compétence pour ordonner directement l’expulsion de Mme Qian ni de M. Ling. Cependant, en vertu de la loi britannique sur les frontières de 2007, tout ressortissant étranger condamné à plus de douze mois de prison fait automatiquement l’objet d’une procédure de déportation.