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Afghanistan : les talibans coupent Internet et le mobile pour lutter contre « le vice »

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Les antennes de télécommunications au sommet d'une colline à Kaboul, le 29 septembre 2025.

Photo: WAKIL KOHSAR/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 4 Min.

La coupure quasi totale des télécommunications en Afghanistan prive la population de son principal accès à l’information, au divertissement et à des formes alternatives d’éducation et de travail, notamment pour les femmes. La mesure, imposée par les autorités talibanes à l’échelle nationale, affecte aussi des pans entiers de l’économie urbaine.

Lundi soir, l’accès aux téléphones portables et à Internet a progressivement chuté jusqu’à tomber à moins de 1 % des niveaux habituels, selon l’observatoire NetBlocks.

Un accès limité mais essentiel

Début 2025, 13,2 millions d’Afghans utilisaient Internet, soit 30,5 % de la population, selon DataReportal. Les réseaux sociaux comptaient alors 4,05 millions d’utilisateurs (9,4 %), concentrés pour l’essentiel dans les zones urbaines mieux desservies que le reste du pays, majoritairement rural et agricole.

Les autorités talibanes avaient commencé début septembre à restreindre l’accès à Internet dans plusieurs provinces, invoquant la lutte contre le « vice » et la « corruption morale ».

« Les réseaux sociaux pour critiquer et dénoncer les agissements du gouvernement »

La coupure prive les habitants de leur principal canal d’information et de distraction, notamment via les réseaux sociaux. Le militant des droits numériques Usama Khilji estime que les régimes conservateurs voient Internet comme « un moyen de libérer les femmes » et « un accès à des informations qu’ils préféreraient cacher ». Il souligne aussi que cet espace numérique permet de tisser des liens sociaux, ce qui « pourrait contrevenir à la vision très stricte des talibans », et que « les citoyens ordinaires utilisent les réseaux sociaux pour critiquer et dénoncer les agissements du gouvernement ».

Femmes et éducation en première ligne

L’Afghanistan est le seul pays au monde à interdire aux filles d’étudier au-delà du primaire, et les femmes n’ont pas le droit de travailler. Les cours en ligne et le télétravail offraient une alternative pour contourner ces interdictions.

« Internet offrait une rare fenêtre sur le monde extérieur », rappelle Macarena Saez (Human Rights Watch), qualifiant cette coupure de « bouée de sauvetage » supprimée. Selon elle, « la décision du régime élargit la prison dans laquelle vivent déjà les femmes et les filles ».

« Une escalade de la censure sans précédent »

Mi-septembre, la coupure partielle d’Internet avait déjà fait naître des craintes sur le travail des médias. Beh Lih Yi, du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), y avait vu « une escalade de la censure sans précédent » portant atteinte au droit à l’information.

L’économie urbaine fragilisée

Malgré le poids de l’agriculture, les activités urbaines reposent largement sur les télécommunications. « Sans téléphone ni Internet, nous sommes aveugles. Toutes nos activités dépendent des téléphones portables », témoigne Najibullah, commerçant de Kaboul.

La fibre optique, déployée depuis les années 2000, couvre 9350 km et avait été présentée en 2024 comme une « priorité » nationale pour réduire la pauvreté.

Usama Khilji observe que de nombreux jeunes chômeurs utilisent Internet pour travailler en freelance, et que des petites entreprises recourent au numérique pour communiquer, livrer ou proposer des services comme les VTC.

Le secteur bancaire est également concerné : le nombre de distributeurs automatiques de billets a triplé en un an pour atteindre 274 en 2024, selon la Banque mondiale.

Transport aérien et logistique touchés

Plusieurs vols internationaux vers l’Afghanistan ont été annulés mardi, d’après Flightradar24. Le rédacteur en chef de FlightGlobal, Greg Waldron, estime que les pilotes devraient pouvoir continuer à communiquer via radio avec les contrôleurs, mais prévoit « un impact bien plus important » sur les opérations au sol.

Avec AFP