Agriculteurs : « Le nombre incalculable de normes génère une production en baisse » estime Jean-Guillaume Hannequin

Par Julian Herrero
17 janvier 2024 13:59 Mis à jour: 15 avril 2024 12:53

ENTRETIEN – Pour Epoch Times, Jean-Guillaume Hannequin, président de la FSDEA 55, revient sur la colère des agriculteurs français qui gronde depuis plus d’un mois. Pour le responsable syndical, les paysans français sont à bout et déplore le manque de clarté autour du dispositif proposé par le gouvernement pour compenser la suppression de l’exonération de taxes sur le carburant.

Le président de la FSDEA 55 estime également que l’accord UE-Mercosur est un véritable « scandale ».

EPOCH TIMES – Depuis des semaines, les agriculteurs français sont en colère. Au mois de novembre, une action symbolique était menée sur l’ensemble du territoire. Les panneaux d’entrées des villes des communes ont été retournés. Qu’est-ce que les agriculteurs ont essayé de dénoncer avec cette action ? D’autres actions sont-elles prévues ?

JEAN-GUILLAUME HANNEQUIN – Cette action a été menée pour démontrer qu’on marche littéralement sur la tête. Nous sommes dans un pays où ceux qui nous gouvernent prennent une multitude de décisions et font appliquer un nombre incalculable de normes qui génèrent une production en baisse.

En parallèle, la France importe énormément de produits alimentaires étrangers qui ne sont pas exposés aux mêmes règles. Par conséquent, nous subissons une concurrence déloyale farouche. En plus, nous constatons que le monde agricole est un peu devenu une variable d’ajustement politique et économique pour d’autres secteurs et ce n’est plus acceptable. Je crois que le ras-le-bol a atteint son paroxysme chez les agriculteurs.

Maintenant, je suis incapable de vous dire si les actions vont se poursuivre, nous sommes un syndicat, les décisions ne sont pas prises par les dirigeants, tout se décide en bas. Et je peux vous garantir que mes collègues sont déterminés à aller jusqu’au bout et je crois que les manifestations outre-Rhin ont vraiment permis de relancer la cause syndicale agricole.

Avez-vous été entendus jusqu’à présent ?

En tant que président de la FDSEA de la Meuse (55) et membre de la FNSEA, j’ai déjà été reçu par le préfet pour dénoncer plusieurs éléments incohérents qui engagent la souveraineté de notre pays. Notre président, Arnaud Rousseau, s’est quant à lui déjà entretenu avec le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. Il a obtenu un certain nombre de résultats, notamment en matière de fiscalité. Je rappelle que la fin de l’exonération de taxes sur le carburant est à l’origine de notre mouvement de contestation. Cela étant, il nous manque un élément. On nous avait promis un crédit d’impôt transition, censé compenser la suppression de l’exonération de taxes, mais ce crédit est toujours vide de substance. Nous ne savons absolument pas comment l’activer.

Les agriculteurs interrogés dénoncent très souvent l’excès de normes qui les empêche de travailler, notamment autour des produits de protection des cultures. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau parlait même il y a un mois de « boulets aux pieds ». Pourtant, le glyphosate vient d’être ré-autorisé pour 10 ans par la Commission européenne. N’est-ce pas une bonne nouvelle pour le monde agricole ?

Le glyphosate est un totem politique. Il est utilisé pour capter les voix des partis écologistes. Emmanuel Macron s’est également pris les pieds dans le tapis d’une façon mémorable sur ce sujet, notamment à cause de son ancien ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot qui souhaitait que la France abandonne définitivement ce pesticide. Mais le chef de l’État sait très bien que la transition vers un système plus durable ne peut se faire sans le glyphosate. Pour l’heure, il n’y a pas d’alternatives, il demeure donc indispensable.

À l’avenir, il y aura peut-être d’autres solutions. Encore faudrait-il qu’il y ait plus d’investissements dans la recherche. Certains instituts misent sur des centrales électriques embarquées qui pourraient foudroyer les mauvaises herbes, mais aussi des produits bio, inoffensifs pour l’environnement.

Ce produit phytosanitaire permet aussi de faire des économies importantes en matière d’énergie fossile. Il y a des agriculteurs dans mon département qui sont engagés dans l’agriculture de conservation des sols. Aujourd’hui, ils ne font que de semer. Ils sèment du blé et entre deux cultures, et des couverts pour créer de la biomasse, capter du carbone et surtout ne pas travailler la terre afin de ne pas modifier les structures.

Pour le moment, l’autorisation du glyphosate pour dix années supplémentaires est effectivement une bonne nouvelle pour les agriculteurs.

Le métier d’agriculteur est menacé. Selon nos informations, il y avait dans les années 1970 environ 1 million et demi d’agriculteurs, aujourd’hui, il ne sont plus que 390.000. Certains pointent du doigt les importations de produits étrangers comme l’une des causes principales de la disparition progressive du métier. Qu’en pensez-vous ? Craignez-vous qu’un accord UE-Mercosur aboutisse ?

L’accord UE-Mercosur est un véritable scandale porté par l’Union européenne et pour lequel un pays souverain comme la France, est incapable de dire non. Le problème étant qu’en France, on parle d’agriculture qu’à travers le prisme de la planification écologique, autrement dit, la déclinaison des accords de Paris de 2015 et donc la décarbonation de l’agriculture. Je ne remets pas du tout en cause la lutte contre le réchauffement climatique, mais il y a comme deux poids deux mesures. On nous dit d’un côté qu’il faut décarboner l’agriculture française, et en même temps, nos dirigeants ferment les yeux sur les produits alimentaires en provenance des pays du Mercosur qui ne respectent strictement aucun standard. D’ailleurs, c’est bien là-bas, au cœur du « poumon de la planète » qu’ont lieu les plus gros défrichements.

Concernant le renouvellement des générations, la situation va être très difficile, pour plusieurs raisons. Premièrement, être agriculteur demande énormément de travail et aujourd’hui les jeunes ne sont pas toujours prêts à accepter de travailler dur. Notre profession est également victime depuis 20 ans d’ « agribashing ». Nous serions responsables de tous les maux de la société.

Il y a une diabolisation de l’agriculture et nous n’avons pas su nous défendre. Le secteur agricole est historiquement une corporation très pudique et les agriculteurs travaillent beaucoup et ne pensent pas nécessairement à expliquer leur métier. Je crois que nous avons raté un rendez-vous de communication. Heureusement, c’est en train de changer progressivement dans l’opinion publique. Les gens réalisent que beaucoup de bêtises ont été dites sur les paysans français. Enfin, la retraite des agriculteurs est une autre raison qui explique le difficile renouvellement des générations. Elle est de l’ordre de 1.000 € par mois. C’est un scandale !

Outre-Rhin, le monde agricole est également en colère. Des agriculteurs manifestent partout sur les routes. La cause principale étant la fin des subventions sur le diesel. Quelle est votre analyse ? Les paysans allemands ont-ils les mêmes problèmes que les Français ?

Les écologistes allemands ont les mêmes blocages intellectuels que les verts français, ils sont enfermés dans leurs discours sur la décroissance et cela entraîne des mouvements de contestation d’agriculteurs des deux côtés du Rhin. Nous et les collègues allemands faisons face aux mêmes errements politiques et notamment la politique agricole européenne. Prenons, par exemple, la jachère qui est imposée à 3 ou 4 % aussi bien en France qu’en Allemagne, mais aussi la biomasse, que nous devons maximiser pour capter le carbone.

Le salon de l’agriculture va se tenir du 24 février au 3 mars. Allez-vous en profiter pour vous faire entendre davantage ?

C’est le grand rendez-vous de l’agriculture. Il est évident que c’est une belle vitrine pour rebondir sur tous les sujets et puis le salon est toujours un moment très politique. Avec les élections européennes, il va être d’autant plus important.

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