ANALYSE: Téhéran recherche la sécurité à Pékin sur fond de crainte d’une «conflagration générale» au Moyen-Orient

Alors que l'Iran menace Israël, la Chine s'engage à soutenir Téhéran

Par Venus Upadhayaya
1 novembre 2023 15:27 Mis à jour: 1 novembre 2023 17:13

Lors d’une rencontre avec le numéro deux iranien la semaine dernière, le Premier ministre chinois a réitéré le soutien de Pékin à Téhéran.

Le 26 octobre, le Premier ministre chinois Li Qiang a rencontré le premier vice-président iranien Mohammad Mokhbér lors de la réunion des États membres de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) tenue à Bichkek, capitale du Kirghizstan.

M. Li a déclaré que la Chine soutiendrait l’Iran pour garantir « la souveraineté de l’État, l’intégrité territoriale et la dignité nationale, et s’opposerait résolument à toute ingérence extérieure dans les affaires intérieures de l’Iran », selon le communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères, publié sur les sites Internet des différentes ambassades de Chine.

Cette déclaration, dont les mots soigneusement choisis font spécifiquement référence aux préoccupations de l’Iran, intervient à un moment où le Moyen-Orient est sous la menace d’un conflit armé de plus en plus étendu à la suite de la guerre entre Israël et le Hamas qui a été déclenchée par l’attaque brutale des terroristes du Hamas le 7 octobre dernier.

Des experts ont expliqué à Epoch Times que la déclaration de Pékin indiquait que Téhéran cherchait à obtenir un bouclier protecteur de Pékin.

« Il est probable que l’Iran cherche à obtenir des garanties de sécurité de la part de la Chine au cas où le rôle de Téhéran dans le soutien du groupe terroriste Hamas lui causerait des ennuis. Dans ce contexte, cette démonstration publique de soutien de la part de la Chine est importante et significative », a écrit à Epoch Times Ahmed Quraishi, journaliste basé à Dubaï qui couvre le Moyen-Orient depuis plus de vingt ans.

L’Iran met en garde contre de « graves conséquences »

Une semaine seulement après l’attaque du 7 octobre, alors que l’offensive israélienne contre le Hamas se poursuivait et que les États-Unis tentaient de dissuader l’Iran et le Hezbollah – un autre « proxy » de l’Iran qui est soutenu par le Liban – de se joindre à la guerre, Téhéran avertissait Israël qu’il avait l’intention d’intervenir si les opérations israéliennes à Gaza se poursuivaient.

Par la suite, la mission de l’Iran auprès des Nations unies a mis en garde, par le biais d’un message sur « X », contre les « conséquences considérables » si les « crimes de guerre et le génocide » d’Israël n’étaient pas stoppés.

Dix jours après le premier avertissement de l’Iran, le département américain de la Défense a annoncé que les forces américaines qui menaient des missions antiterroristes en Irak et en Syrie avaient été attaquées à plus d’une dizaine de fois par des milices soutenues par l’Iran.

« Nous savons que les groupes qui mènent ces attaques sont soutenus par le corps des gardiens de la révolution islamique et le régime iranien », a déclaré le secrétaire de presse du Pentagone en mettant en garde contre une escalade des attaques soutenues par l’Iran contre les forces américaines disloquées dans la région.

Un axe antioccidental

L’alignement de l’État-parti chinois sur le régime iranien qui arme, soutient et finance le Hamas est bien connu, a expliqué par e-mail à Epoch Times Clare Lopez, présidente de la société Lopez Liberty et experte sur le Moyen-Orient.

« Cet alignement s’explique en partie par la dépendance économique de la Chine vis-à-vis du pétrole iranien. Mais la Chine fait également partie de l’axe antioccidental qui comprend l’Iran et la Russie de Poutine », a écrit Mme Lopez.

L’État démocratique d’Israël, qu’elle a qualifié de « moral et puissant », est détesté par ce nouvel axe, a-t-elle ajouté.

Un rassemblement pro-palestinien dans le centre-ville de Toronto, au Canada, le 9 octobre 2023 (Andrew Chen/Epoch Times)

Les « radicaux libres » et les États voyous

Les experts estiment que, d’une part, la Chine utilise l’Iran comme agent de déstabilisation au Moyen-Orient et que, d’autre part, les « proxys » iraniens comme le Hamas et le Hezbollah observent et évaluent les réactions du régime de Téhéran pour déterminer les options qui leur sont offertes.

Abhijit Iyer-Mitra, économiste de la défense et chercheur principal à l’Institut d’études sur la paix et les conflits, basé à New Delhi, a indiqué à Epoch Times que la Chine avait trouvé en l’Iran et le Hamas des « outils parfaits » pour déstabiliser le Moyen-Orient.

« La Chine ne croit pas aux alliés, elle croit aux ‘radicaux libres’, c’est-à-dire aux États très révisionnistes que nous appellerions des États voyous qui déstabilisent essentiellement tout le voisinage », a-t-il précisé.

Selon M. Iyer-Mitra, une tactique chinoise « classique » consiste à trouver des agents déstabilisateurs dans différentes régions. Il a constaté que de la même manière que le régime chinois utilise l’Iran au Moyen-Orient, il cherche à utiliser la Corée du Nord pour déstabiliser l’Asie de l’Est, le Pakistan pour déstabiliser l’Asie du Sud et la Russie pour déstabiliser l’Europe.

« Et cela impose un fardeau aux puissances qui cherchent à préserver le statu quo, comme l’Amérique, les poussant à intervenir et à maintenir la paix. Tandis que la Chine en sort avec tous les dividendes », a-t-il ajouté.

De son côté, Ahmed Quraishi estime que le régime iranien agit en raison d’un profond sentiment d’insécurité, car sa réaction à la guerre entre Israël et le Hamas est surveillée de près par ses différents « proxys ».

« Leur base d’extrémistes iraniens – les khomeynistes – souhaite que l’Iran aide ouvertement le Hamas dans la guerre. Les groupes de ses proxys dans la région observent attentivement la situation [pour voir] si Téhéran abandonne le Hamas à son sort », a-t-il commenté.

Des partisans du gouvernement iranien participent à un rassemblement pour exprimer leur soutien aux Palestiniens, en Iran, le 18 octobre 2023. (Hossein Beris/Middle East Images/AFP via Getty Images)

Selon M. Quraishi, la situation actuelle est difficile pour le régime iranien qui, en étant également sous une pression géostratégique, est obligé à rechercher le soutien de la Chine.

« L’Iran sait que l’abolition du Hamas pourrait affaiblir ses autres proxys. Ainsi, le guide suprême Khamenei et les commandants du corps des gardiens de la révolution islamique doivent être confrontés à un choix aussi difficile que celui des Israéliens et des Américains. Ils n’ont pas une vie facile », a-t-il expliqué.

La « crainte réelle » d’actions synchronisées

Selon les experts, les déclarations de la Chine sont chargées d’intentions géopolitiques, car elle cherche à utiliser des proxys déstabilisateurs comme l’Iran pour en tirer ses propres dividendes politiques. En fin de compte, le régime chinois veut s’imposer comme l’hégémon mondial.

D’après M. Iyer-Mitra, la tactique actuelle de Pékin consiste à utiliser l’Iran pour embourber l’Occident et à profiter de cette situation afin de réaliser ses plans concertant Taïwan.

« Pour moi, la véritable crainte est que toutes ces actions soient synchronisées et coordonnées », a-t-il souligné.

« En d’autres termes, il faut s’attendre à quelque chose d’important de la part du Pakistan. S’attendre à quelque chose d’important de la part de la Corée du Nord et à une conflagration générale au Moyen-Orient et en Europe de l’Est (…) avec l’offensive russe en hiver, ce qui signifie que l’Amérique est embourbée sur quatre fronts distincts et que la Chine lance son attaque contre Taïwan. »

De son côté, M. Quraishi estime que, malgré les déclarations fracassantes de la Chine en faveur de l’Iran, il n’est pas certain qu’elle vienne réellement en aide à l’Iran si Téhéran est impliqué dans les hostilités.

« Théoriquement, la Chine peut distraire les États-Unis en Asie du Sud-Est en ouvrant un front, ce qui constituerait une forme passive de soutien à l’Iran dans ce scénario. Mais Pékin ferait-il cela pour Téhéran ? C’est un grand point d’interrogation. »

Ce journaliste et expert sur le Moyen-Orient pense que, dans une telle situation, l’État-parti chinois ne parviendra probablement pas à aider activement l’Iran.

« Bien que le régime iranien soit un partenaire important et utile, les dirigeants chinois sont trop intelligents pour s’aligner sur les Iraniens », a conclu M. Quraishi.

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