Après les propos d’Erdogan sur le Hamas, le danger Millî Görûs en France ?

Par Julian Herrero
3 novembre 2023 09:26 Mis à jour: 15 novembre 2023 05:37

À l’occasion d’un rassemblement pro-palestinien à Istanbul le 25 octobre, soit une quinzaine de jours après les massacres perpétrés par le Hamas en Israël, le président turc a indigné une partie de la communauté internationale en dressant des louanges au groupe terroriste islamiste. L’homme fort d’Ankara est un habitué des provocations et des invectives, qu’il semble avoir érigé en outils de sa politique étrangère. Toutefois, les récents propos de Recep Tayyip Erdogan sur le Hamas peuvent inquiéter davantage en raison de la présence et forte influence en France de l’association islamique liée au pouvoir turc Millî Görûs. Existe-t-il un danger Millî Görus ?

Les déclarations pro-Hamas du leader turc  

C’était le mercredi 25 octobre à Istanbul lors d’une manifestation pro-palestinienne. Le chef d’État turc, s’adressant à des milliers de partisans a déclaré que le Hamas « n’est pas une organisation terroriste » mais « un groupe de libérateurs » qui « essaye de protéger son peuple et sa terre ». Les manifestants ont répondu à ces propos par de puissants applaudissements et ont scandé des slogans très hostiles à l’État hébreu. Erdogan en a également profité pour qualifier Israël de « criminel de guerre ». Les pays occidentaux étaient aussi dans le viseur du dirigeant turc qu’il accuse d’être responsables de la situation dans la bande de Gaza. « Je m’adresse à vous pays occidentaux, souhaitez-vous réellement refaire une guerre opposant le Croissant à la Croix », a-t-il demandé. Alors que la Turquie et Israël reconstruisaient depuis plusieurs années des liens diplomatiques, la tension est désormais à son comble entre Ankara et Jérusalem. La Turquie a rappelé ses diplomates, et l’État hébreu a fait de même en guise de réponse.

Erdogan, un habitué des provocations

En termes de propos chocs et provocateurs, le président turc n’en est pas à son coup d’essai. En 2020, il menaçait l’Union européenne de la venue de « millions de migrants » en laissant les frontières de la Turquie ouvertes si Bruxelles ne répondait pas à certaines exigences d’Ankara. Des exigences en matière de fin de visas pour les Turcs se rendant en Europe et de retour des négociations concernant l’entrée de la Turquie dans l’UE. Le leader turc avait également réclamé plus de fonds européens pour garder les migrants.

Recep Tayyip Erdogan semble aussi avoir fait de la France et Emmanuel Macron, ses cibles favorites. En marge des violences urbaines qui ont sévi sur tout le territoire en juin, il avait pris la parole et affirmé que « la France est un pays raciste qui hait les musulmans ».

En 2019, n’ayant que peu goûté l’emploi du terme « génocide arménien » par le président français, il avait invité Emmanuel Macron à, « d’abord apprendre l’histoire de son pays ». L’année suivante, en pleine présentation en France du projet de loi contre le « séparatisme islamiste », le chef d’État turc avait remis en question la santé mentale du dirigeant français.

Le risque Millî Görûs en France ?

Les déclarations du 25 octobre du leader turc sur le groupe terroriste palestinien sont de nature à attiser l’antisionisme et l’antisémitisme en France. Et le pouvoir turc en place possède de nombreux relais et de moyens de pression islamistes dans l’Hexagone, tels que l’association proche des Frères musulmans et directement liée à Ankara, Millî Görûs. Cette association s’occupe d’en moyenne 70 mosquées sur tout le territoire national et compte environ 10.000 membres. Elle a refusé de signer en 2021 la charte des principes de l’Islam de France proposé à l’époque par Gérald Darmanin pour débarrasser la religion musulmane du fondamentalisme islamiste. Le fondateur et actuel leader de ce courant islamiste, Necmettin Erbakan, est un farouche opposant à la République kémaliste et a souvent appelé à mettre fin à ce régime, qualifiant la naissance de cette République de « complot juif ». Celle qui se nomme officiellement Confédération islamique Millî Görüş (CIMG) pourrait donc s’appuyer sur les récentes déclarations d’Erdogan pour faire avancer ses pions de manière plus agressive.

Pour le président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), Emmanuel Dupuy, les récents propos du chef d’État turc sur le Hamas ne vont pas changer la donne concernant cette association. « Millî Görüs n’a pas besoin d’un appel d’Erdogan pour déjà être à la limite du tolérable sur notre territoire par leur activisme au sein de l’Islam de France », confie-t-il à Epoch Times. « Mais je serais beaucoup plus inquiet de l’interprétation que pourrait faire un certain nombre d’imams turcs pas forcément liés à la structure, mais qui sont dans une logique de radicalisation et écoutent scrupuleusement les propos de leur président », poursuit-il, rappelant que Millî Görüs est une « organisation reconnue comme faisant partie du Conseil français du culte musulman et représentant une partie des croyants ».

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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