Procès en appel du Mediator: une témoin-clé pour l’accusation de « tromperie »

Par Epoch Times avec AFP
9 mars 2023 12:14 Mis à jour: 9 mars 2023 15:34

Le laboratoire Servier a-t-il sciemment caché la dangerosité du Mediator ? Au procès en appel à Paris, une médecin de Brest a qualifié mercredi de « mensonge » une réponse du laboratoire en 2008. La défense répliquant que toutes les informations sur le produit étaient disponibles.

Le groupe pharmaceutique et son ex-numéro deux Jean-Philippe Seta sont rejugés depuis le 9 janvier, notamment pour « tromperie aggravée ». Pour l’accusation, le laboratoire a induit en erreur médecins et autorités sanitaires sur la toxicité du Mediator, et en particulier sur sa parenté avec l’Isoméride et le Pondéral, des coupe-faim retirés du marché en 1997 pour leurs effets indésirables cardio-vasculaires.

Depuis une semaine, les débats portent sur la surveillance des effets secondaires du Mediator, avec une interrogation : comment ce médicament commercialisé depuis 1976, objet d’une enquête des autorités sanitaires depuis 1998 et de signalements d’effets indésirables à partir de 1999, n’a été retiré du marché qu’en 2009 ? Sur ce volet, l’agence du médicament (Afssaps, devenue ANSM en 2012) a été condamnée à 303.000 euros d’amende et n’a pas fait appel.

Des recherches laborieuses

Citée à témoigner mercredi, Dominique Carlhant-Kowalski était directrice adjointe du centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Brest, structure chargée d’analyser et de faire remonter les signalements d’effets indésirables. Sollicitée en 2007 par sa collègue pneumologue Irène Frachon, qui s’interrogeait sur le lien entre la prise de Mediator et la maladie d’une patiente. La pharmacologue ne trouve « pas grand-chose » sur le médicament dans la littérature scientifique. Elle s’adresse alors au laboratoire qui lui assure, le 7 avril 2008, que « tant en termes de structure chimique que de voies métaboliques », le Mediator « se distingue radicalement des fenfluramines », le principe actif de l’Isoméride.

Une recherche laborieuse dans les comptes-rendus non informatisés des réunions des représentants des CRPV, auxquelles elle participe une fois par an, lui confirme que Servier a bien transmis en 1998 des documents établissant que le Mediator, une fois dans l’organisme, produit la même molécule que l’Isoméride. Cette substance, la norfenfluramine, peut entraîner une hypertension artérielle pulmonaire et délétère pour les valves du cœur. « Mais on ne savait pas la quantité », et donc le potentiel de toxicité, assure Dominique Carlhant-Kowalski.

Des données très peu claires

« En 2008, quand on a commencé à chercher, je n’avais pas souvenance de ce point précis de 1998 », répond Dominique Carlhant-Kowalski, ajoutant que les données évoquées sont « des schémas manuscrits, il n’y a pas de légende, on peut imaginer que le taux est le même, mais franchement ça n’est pas clair ». « C’était flou », répète-t-elle à plusieurs reprises.

« La parenté structurale, l’inquiétude d’un transfert de prescription (de l’Isoméride interdit vers le Mediator), la présence de norfenfluramine : toutes ces données sont sur la table », la reprend Christian Saint-Palais, l’un des avocats de Jean-Philippe Seta. « Je veux bien qu’on nous reproche notre manque de clairvoyance. Le mensonge c’est pas nous qui l’avons eu quand même », s’emporte la témoin, en référence à la réponse reçue du laboratoire en 2008.

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