ANALYSE : Augmentation du nombre de cas d’abus sexuels sur des enfants en Chine

Les efforts récents ne sont qu'un pansement sur une plaie qui s'envenime, causée par le communisme, estiment les experts.

Par Kane Zhang & Lynn Xu
6 juillet 2023 14:00 Mis à jour: 6 août 2023 13:51

Le nombre d’agressions sexuelles contre les enfants augmente considérablement en Chine, selon les statistiques récentes du Parti communiste chinois (PCC) et les données du Fonds de protection des filles, une organisation chinoise à but non lucratif.

Des facteurs évidents expliquent cette augmentation, notamment la politique de l’enfant unique et le système d’enregistrement du pays, qui oblige de nombreux parents des zones rurales à quitter leur famille pour aller travailler dans les villes. La corruption endémique des fonctionnaires du PCC en est un autre, tout comme le système éducatif chinois, dans lequel des millions d’enfants résident loin de leur famille dans des internats publics. À ces autres facteurs s’ajoute la traite des êtres humains en Chine, un phénomène massif et largement ignoré.

Cependant, les experts affirment que tous ces facteurs renvoient à une décadence morale qui va de pair avec le régime communiste chinois. Les efforts déployés récemment pour lutter contre les abus sexuels commis sur des enfants sont certes louables, mais ne sont qu’un pansement sur un problème beaucoup plus profond.

Des chiffres en hausse

Le 17 mai, une simple annonce a été publiée dans le journal China News. « À Li Xiaoran [pseudonyme], mes excuses ».

Reléguées à la page 13, ces brèves excuses constituaient une première en Chine. Un juge civil avait ordonné à un homme accusé d’avoir violé une jeune fille il y a plus de 20 ans de présenter des excuses publiques et de verser une compensation financière.

Bien que les excuses ne soient pas vraiment empreintes de remords et que la restitution financière de 300.000 yuans (environ 37.000 euros) ne puisse effacer des années de douleur et de souffrance, la décision a été saluée comme un signe que le système judiciaire chinois offre une meilleure justice aux enfants victimes d’abus sexuels.

Malgré cette avancée, les cas d’abus sexuels sur des enfants augmentent considérablement en Chine.

Selon un livre blanc publié le 1er juin par la plus haute instance judiciaire chinoise, le Parquet populaire suprême, entre 2020 et 2022, près de 177.000 personnes ont été poursuivies pour agression sexuelle sur mineur. En 2022, le nombre d’arrestations pour abus sexuels sur mineurs a augmenté de 20 % d’une année sur l’autre.

Un rapport plus récent, publié le 21 juin par le Fonds de protection des filles, a passé en revue tous les reportages des médias sur les cas d’abus sexuels commis sur des enfants en Chine entre 2013 et 2021. Le rapport a révélé qu’un total de 2952 cas d’abus sexuels sur des enfants ont été rapportés dans les médias chinois au cours de cette période. Sur les plus de 5500 enfants concernés, neuf sur dix étaient des filles.

Le rapport a révélé qu’un nombre consternant d’agresseurs étaient des enseignants – un peu plus de 35 %. Environ 12 % étaient des amis de la famille de leurs jeunes victimes ; environ 11 % étaient des voisins, et environ 10 % des membres de la famille, tandis que la catégorie « autres » représentait près de 20 %.

Les deux rapports soulignent le très jeune âge de nombreuses victimes.

Un petit garçon à la fenêtre d’un logement à Pékin (Jonas F/Pexels)

Des enseignants

Des cas effrayants d’abus sexuels sur des enfants impliquant des enseignants ont été rapportés ces dernières années dans les médias chinois. Dans un cas récemment rapporté, un directeur d’école aurait violé et molesté de nombreux élèves handicapés sur une période de quatre ans. Invoquant « l’absence de preuves de viol », le directeur a été condamné à seulement trois ans et demi de prison.

Dans une autre affaire, un enseignant d’école primaire a abusé de 15 filles, dont la plus jeune avait moins de six ans. En février, il a été condamné à 13 ans de prison.

Un enseignant portant un masque lors d’une visite des médias organisée par le gouvernement au lycée de Shanghai après sa réouverture le 7 mai 2020. (Hector Retamal/AFP via Getty Images)

En novembre 2021, le média chinois Sina a rapporté qu’un enseignant d’école primaire avait violé 20 fois trois filles et abusé de dizaines d’autres élèves. Au total, il a été jugé responsable de plus de 230 incidents. L’enseignant a avoué que son comportement était impardonnable et a demandé à être condamné à la peine de mort. La sentence prononcée : la peine de mort, avec un délai d’exécution de deux ans.

Un système juridique capricieux

De nombreuses enfants victimes d’abus sexuels connaissent leur agresseur, note le rapport du Fonds de protection des filles, qui précise que le pourcentage de connaissances a augmenté au cours des dix dernières années. L’auteur peut être un ami de la famille, un membre de la famille ou de la communauté.

Un exemple récent dans les médias chinois est le cas d’un homme de 38 ans, condamné en mai à 12 ans de prison pour avoir agressé sexuellement la fille de 6 ans d’une voisine, l’a menaçant de tuer sa famille si elle en parlait à qui que ce soit. L’agression a été détectée et signalée par le médecin de l’enfant.  L’affaire a été largement débattue sur les réseaux sociaux chinois ; les internautes ont félicité le médecin d’avoir sauvé la fillette.

Dans un autre cas, une fillette de 7 ans a subi des attouchements répétés de la part du petit ami de sa mère, qui lui ont causé des dommages physiques. L’affaire a suscité l’indignation générale des internautes lorsque la police a retiré les accusations en mars de cette année en raison de « preuves insuffisantes ».

Ces affaires mettent en évidence le caractère inégal du système juridique chinois en matière d’abus sexuels sur les enfants. Les abus sexuels contre les enfants ne sont pas clairement définis et, en fait, l' »attentat à la pudeur » contre des garçons de 14 à 18 ans n’était pas considéré comme un crime jusqu’en 2015.

Par conséquent, le système judiciaire chinois prononce souvent des sentences légères dans les affaires d’abus sexuels sur des enfants, les rejette au motif que les preuves sont insuffisantes ou redéfinit les chefs d’accusation en excluant les abus sexuels.

Les « autres » : les fonctionnaires du PCC

Selon le rapport du Fonds de protection des filles, environ 20 % des prédateurs ne sont ni des enseignants, ni des parents, ni des connaissances, ni des voisins.

En ce qui concerne l’identité de ces prédateurs, le journaliste indépendant Zhuge Mingyang a déclaré à Epoch Times qu’il soupçonnait fortement le rapport d’avoir utilisé la vague catégorie « autres » pour protéger l’image du PCC.

« En ce qui concerne le crime d’abus sexuel sur mineurs, les fonctionnaires corrompus du PCC ont un penchant pour l’agression et le viol de jeunes filles, en utilisant leur pouvoir et leur autorité », a affirmé M. Zhuge le 1er juillet.

Bien que les abus commis par des fonctionnaires du PCC aient fait l’objet d’une couverture médiatique notable, la plupart de ces crimes ne sont pas signalés et restent impunis, selon M. Zhuge.

Une petite fille construit une maquette de la porte de Tiananmen avec des briques de jouets à Yangzhou, dans la province chinoise du Jiangsu, le 3 septembre 2019. (STR/AFP via Getty Images)

Le cas de Kang Yong, ancien secrétaire adjoint du Bureau de la sécurité publique de la ville de Qian’an, dans la province du Hebei (nord de la Chine), a été porté à l’attention du public. En 2019, M. Kang a été condamné à 16 ans et six mois de prison pour avoir abusé sexuellement de six filles de moins de 14 ans. L’enquête autour de cette affaire a impliqué des dizaines de complices, dont des fonctionnaires, des députés de l’Assemblée nationale populaire et des hommes d’affaires.

En 2013, Guo Yuchi, fonctionnaire du gouvernement du comté de Daguan, dans la province du Yunnan (sud-ouest de la Chine), a enlevé et violé une fillette de 4 ans. M. Guo a d’abord été condamné à une peine clémente, mais après un tollé sur les médias sociaux, il a été rejugé et condamné à huit ans de prison. Il a ensuite bénéficié d’une libération anticipée, ce qui a suscité une nouvelle vague d’indignation.

Une autre affaire de 2013 impliquant un fonctionnaire du PCC a connu une issue différente. Après un tollé sur les médias sociaux, Li Xingong, directeur adjoint du bureau municipal du parti de Yongcheng, dans la province du Henan, a été exécuté pour avoir violé 11 mineures lors d’interrogatoires de police.

Le cas de la star du tennis Peng Shuai, dont les allégations explosives impliquaient un fonctionnaire du PCC à la retraite qui avait été l’un des hommes les plus puissants de Chine, illustre peut-être le mieux la situation. Peng Shuai a accusé Zhang Gaoli d’agression sexuelle, avec l’aide et la complicité de son épouse. L’affaire a fait la une des journaux du monde entier, la Chine s’efforçant de censurer les messages de Mademoiselle Peng sur les réseaux sociaux. Cette dernière, âgée de 35 ans, a ensuite mystérieusement disparu de la scène publique et a finalement nié avoir porté ces accusations, probablement sous la contrainte.

Les enfants « laissés pour compte » en danger

Selon le rapport du Fonds de protection des filles, la majorité des cas d’abus sexuels sur des enfants signalés se sont produits dans des zones urbaines : en 2020, par exemple, seulement 9,8 % des agressions signalées dans les médias chinois (lorsqu’un lieu était indiqué) se sont produites dans des zones rurales.

Sun Xuemei, cofondatrice du Fonds de protection des filles, a déclaré au média d’État chinois Sixth Tone qu’elle pensait qu’il y avait autant d’agressions dans les campagnes, mais que pour diverses raisons, elles n’étaient pas signalées.

« Le fait que la fréquence des cas d’abus sexuels d’enfants signalés dans les zones rurales soit beaucoup plus faible que dans les villes est directement lié à l’absence de surveillance étroite dans ces zones, où le contrôle judiciaire et médiatique est difficile à mettre en place », a-t-elle ajouté. « Cela ne veut pas dire qu’il y a moins de cas dans ces zones.

Depuis des années, les défenseurs des enfants tirent la sonnette d’alarme au sujet des « enfants laissés pour compte » de la Chine. Ils sont victimes d’une vague massive de migration interne et du système rigide d’enregistrement des ménages en Chine, qui limite leur accès aux soins de santé et à l’éducation s’ils ne restent pas dans leur village d’origine.

Laissés pour compte par des parents qui travaillent dans les villes chinoises, quelque 69 millions d’enfants « laissés pour compte » sont pris en charge par des grands-parents vieillissants ou simplement livrés à eux-mêmes, selon les chiffres du Bureau national de recherche économique. Souvent sans surveillance, ces enfants sont des cibles faciles pour les prédateurs sexuels. Selon des enquêtes récentes menées par « Sur le chemin de l’école », une organisation basée à Pékin, un enfant sur trois a déclaré avoir été victime d’abus sexuels.

Les pensionnats chinois

Un grand nombre de ces enfants ruraux – estimés à 10 millions, selon un rapport de 2017 de The Economist – sont scolarisés dans des internats. Il existe environ 100.000 internats dans les campagnes chinoises.

Contrairement à leurs homologues occidentaux aisés, les internats ruraux chinois ont été décrits comme « sordides ». Les enfants qui fréquentent ces écoles sont souvent exposés à des abus sexuels et à d’autres formes d’abus. Plusieurs incidents de ce type ont été signalés dans des internats ruraux au cours des dernières années, mais on pense que la plupart d’entre eux ne sont pas signalés.

Si la grande majorité des élèves des internats chinois sont originaires des zones rurales, de nombreux enfants des villes fréquentent également les internats, soit environ 3,5 millions d’après les chiffres de 2017.  Contrairement aux écoles rurales, les internats urbains sont généralement des lieux où les parents aisés envoient leurs enfants par souci de prestige. Néanmoins, séparés de leurs parents, souvent dès la maternelle, ces enfants sont également plus exposés.

L’effet pervers de la politique de l’enfant unique en Chine

La politique chinoise de l’enfant unique, qui a duré de 1980 à 2016, a limité la plupart des familles à un seul enfant. L’un des effets durables de cette politique et de la préférence des parents chinois pour les enfants de sexe masculin est un déséquilibre prononcé entre les sexes au sein de la population chinoise. Selon un rapport de Human Rights Watch datant de 2019, les recherches estiment que 40 millions de femmes sont  » manquantes  » dans la société.

En raison du déséquilibre entre les sexes, le trafic de mariées a explosé en Chine.  Le pays est aujourd’hui le deuxième au monde en termes de victimes de la traite des êtres humains. Un grand nombre de ces victimes sont des enfants ou des jeunes filles mineures. Un grand nombre d’entre elles sont enlevées dans d’autres pays tels que le Cambodge ou le Vietnam, tandis que d’autres proviennent des populations rurales ou minoritaires vulnérables de Chine.

La question a attiré l’attention du monde entier en 2022, lorsque la vidéo de la « femme enchaînée » dans un village rural est devenue virale. Cette femme, aujourd’hui âgée d’une quarantaine d’années, a été enlevée dans son village alors qu’elle était adolescente, réduite en esclavage et vendue à plusieurs reprises avant d’être contrainte d’épouser l’homme avec lequel elle a eu huit enfants.  En avril de cette année, un tribunal chinois a condamné six personnes – son « mari » et ceux qui l’ont vendue et gardée en captivité – à des peines allant de huit à treize ans d’emprisonnement.

Un problème plus profond

Malgré l’attention accrue portée au problème des abus sexuels sur les enfants en Chine, « la débauche sexuelle et l’inceste sont devenus la norme au sein de l’administration du PCC et un phénomène courant dans la société chinoise », a expliqué M. Zhuge.

Xia Yifan, membre du China Democracy Front et expert des questions sociales en Chine, a déclaré à Epoch Times le 2 juillet que l’incidence croissante des abus sexuels sur les enfants et le problème monumental de la traite des êtres humains en Chine – comme en témoignent des cas tels que celui de la « femme enchaînée » – sont les signes d’un problème plus profond : « la décadence morale de la nation tout entière » sous le régime communiste.

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