Eurovision : Berlin s’érige contre les appels au boycott si Israël participe

Face à la progression des appels au boycott lancés par plusieurs États européens, le gouvernement allemand sonne l’alarme.
Photo: Sebastian Reuter/Getty Images
Face à la progression des appels au boycott lancés par plusieurs États européens, le gouvernement allemand sonne l’alarme. À moins de huit mois du prochain concours Eurovision à Vienne, la polémique enfle autour de la participation d’Israël. S’exprimant samedi, le ministre de la Culture, Wolfram Weimer, a condamné sans détour ces initiatives : « Exclure Israël aujourd’hui, c’est aller à l’encontre de cette idée fondamentale et transformer en tribunal une fête d’entente entre les peuples. »
Aux côtés de l’Autriche, pays hôte qui regrettait déjà jeudi les appels au boycott, l’Allemagne se pose en rempart contre le glissement politique de la scène musicale européenne. La déclaration du ministre, conservatrice mais ferme, rappelle que l’Eurovision fut imaginée pour rapprocher les nations, non pour les diviser.
Un mouvement de boycott en expansion
À ce jour, cinq pays ont officialisé leur intention de se retirer du célèbre concours si Israël est autorisé à concourir à Vienne : l’Espagne, l’Irlande, la Slovénie, l’Islande et les Pays-Bas. Cette position découle d’une protestation envers la politique israélienne et la poursuite du conflit au Proche-Orient. Pour ces États, la présence d’Israël serait incompatible avec l’idée de paix et d’union portée par l’Eurovision. La Belgique, la Suède et la Finlande ont indiqué réfléchir à cette option et disposent d’un délai jusqu’à décembre pour se déterminer.
Berlin, gardien du principe d’unité
Dans ce contexte tendu, Wolfram Weimer rappelle que le concours repose sur le principe de jugement des artistes selon leur talent, et non leur nationalité. Il a souligné, à travers un communiqué, l’importance de préserver une scène où « la culture de l’annulation n’est pas la solution – la solution, c’est la diversité et la cohésion ». Selon le ministre, transformer l’Eurovision en tribunal arbitraire reviendrait à trahir son esprit fondateur.
Ce positionnement reflète l’histoire particulière de l’Allemagne, qui demeure l’un des plus grands soutiens de l’État hébreu avec les États-Unis, en raison de sa responsabilité historique liée à la Shoah. La relation entre Berlin et Tel Aviv se nourrit d’impératifs éthiques et moraux, régulièrement mis en avant dans la diplomatie allemande.
L’Autriche tente l’apaisement
Dès jeudi, l’Autriche – qui accueillera le concours – a regretté publiquement la montée du boycott. Les autorités locales redoutent les conséquences sur l’organisation et l’image du concours, en rappelant la vocation festive et pluraliste de l’événement. Pour la télévision autrichienne ORF, chaque retrait potentiel remet en cause l’équilibre du spectacle, qu’il s’agisse des audiences ou du financement.
Un concours sous tension géopolitique
Depuis son origine, l’Eurovision n’a jamais pu totalement se soustraire aux soubresauts de la scène internationale. Déjà en 2022, la Russie fut bannie du concours à la suite de l’invasion de l’Ukraine. Un an auparavant, le Bélarus avait également été exclu, au terme de la réélection contestée du président Loukachenko et des évènements politiques qui s’en suivirent. Ces cas, aujourd’hui cités par les partisans du boycott, témoignent d’une évolution de la doctrine de l’UER, organisatrice du concours.
Pour les adversaires du boycott, la participation d’Israël à l’Eurovision s’inscrit dans une tradition stable et consensuelle. Membre de l’UER depuis 1957, le pays a remporté quatre fois le concours et demeure un participant emblématique. La scène européenne, terre de débats et parfois de divergences, n’a jamais censuré pour raison strictement politique la participation d’Israël, malgré les critiques récurrentes.
La crainte d’une dérive punitive
Pour Berlin, l’enjeu va bien au-delà du conflit du Proche-Orient. L’Allemagne s’inquiète de la tendance croissante à la politisation de la culture et craint que l’Eurovision ne devienne une scène d’exclusion, là où la musique devrait rester un pont entre les peuples. « C’est précisément parce que l’Eurovision est né des ruines de la guerre qu’il ne doit pas devenir une scène d’exclusion », a martelé Wolfram Weimer.
La position allemande rejoint celle de plusieurs personnalités du monde artistique, persuadées que la vocation du concours est de transcender les divisions nationales et d’incarner l’idéal européen. Face aux appels aux retraits, Berlin défend une logique de dialogue et refuse que la compétition se mue en instrument de sanction.
Un avenir incertain pour 2025
L’incertitude ne fait que croître à mesure que la liste des pays favorables au boycott s’allonge. L’organisation et la dimension même du concours pourraient en être bouleversées, alors que l’UER attend la confirmation des participants définitifs d’ici décembre. Entre velléités de retrait et volonté de préservation du cadre originel, l’Eurovision 2025 sera un révélateur des fractures et des solidarités européennes.
Pour l’Allemagne et ses alliés, rien ne doit faire oublier la vocation première du concours : offrir, sur fond d’enjeux politiques et mémoriels, une scène temporaire d’unité culturelle. Dans le tumulte des décisions à venir, Berlin ne cesse de répéter sa foi dans la musique comme vecteur de cohésion et refuse d’abandonner l’esprit du rapprochement qui doit prévaloir.

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