Canada : Les citoyens devraient demander une stratégie nationale de prévention du suicide, selon une militante

13 août 2017 03:42 Mis à jour: 13 août 2017 03:45

Le fils de 23 ans de Lynn Keane s’est suicidé en 2009. Après deux années passées à chercher à comprendre pourquoi et avec l’aide de ses amis, elle a été en mesure de commencer à écrire sur cette expérience tragique. Elle a ensuite rapidement commencé son militantisme pour l’adoption d’une stratégie nationale de prévention du suicide au Canada, en écrivant des articles et en faisant des apparitions à la télévision, à la radio et sur les TED talks.

Le Canada demeure l’un des rares pays industrialisés à ne pas avoir une telle stratégie et, selon Mme Keane et d’autres militants, le gouvernemental doit faire davantage pour sauver des vies.

« On n’a qu’à regarder les nouvelles à n’importe quel moment durant la semaine et il y a des vagues de suicides dans ce pays, particulièrement dans les communautés autochtones », affirme Mme Keane en entrevue.

Elle fait remarquer que le suicide est la onzième plus importante cause de décès au Canada, avec environ 4000 morts par année. Cependant, parmi le groupe des 10 à 24 ans, le suicide arrive en deuxième, alors la population doit demander au gouvernement l’adoption d’une stratégie nationale.

Les militants comme Mme Keane donnent en exemple les communautés autochtones comme celles du nord de l’Ontario, où quatre adolescents âgés de 12 à 16 ans se sont enlevé la vie le mois dernier. Dans la région, la nation Nishnawbe Aski a rapporté au moins 22 suicides en 2017 sur une population de 45 000 habitants.

(Association canadienne de la prévention du suicide)

C’est devenu une tendance dérangeante dans beaucoup trop de communautés des Premières Nations, affirme Mme Keane, alors que le taux de suicide est cinq à six fois plus élevé que chez les non-autochtones. Chez les Inuits du Nunavut, ce taux est 13,5 fois plus élevé que la moyenne canadienne.

« Avec tout ce que nous connaissons, je me creuse la tête à savoir pourquoi le gouvernement fédéral et le bureau de la ministre [de la Santé], Jane Philpott, ne se concentrent pas sur une stratégie nationale de prévention du suicide », se demande-t-elle.

Mme Keane souligne que certaines stratégies ont prouvé leur efficacité, comme celles au Québec et en Europe où les soins en santé mentale sont épaulés par des centres de traitement dans toutes les régions et où les médecins généralistes ainsi que les médecins de famille sont plus attentifs pour détecter les comportements suicidaires et pour intervenir.

Selon une recherche de la revue médicale The Lancet, le Québec a réduit son taux de suicide du tiers après avoir lancé sa stratégie de prévention en 1999, avec une baisse du taux de 2,2 % chaque année.

« Avec la baisse du taux de suicide, jusqu’à 50 % dans certaines régions, vous savez que quelque chose fonctionne », affirme Mme Keane. « Cela devrait être suffisant pour capter l’attention d’Ottawa. »

Epoch Times a contacté le ministère de la Santé par courriel et a obtenu de l’information sur un cadre national de prévention du suicide, mais le bureau de Mme Philpott n’a pas répondu aux questions concernant une stratégie spécifique comme au Québec ou en Europe.

Le Canada demeure l’un des rares pays industrialisés à ne pas avoir une stratégie nationale de prévention du suicide.

« S’occuper directement du problème »

Pour Julie Campbell, directrice de l’Association canadienne de prévention du suicide (ACPS), la tâche est difficile pour amener Ottawa à adopter une stratégie nationale et à moderniser son approche.

« Je pense que nous devons vraiment nous occuper directement du problème, ainsi nous obtiendrons des résultats », estime-t-elle.

Mme Campbell, qui travaille avec l’ACPS sur la conception d’un nouveau contenu à présenter lors de la Journée internationale de prévention du suicide le 10 septembre, affirme qu’au Royaume-Uni, l’Écosse a réduit son taux de suicide de 18 % depuis 2002 après avoir adopté une stratégie nationale.

Elle se dit toutefois soulagée que le Canada lance finalement une ligne sans frais pour venir en aide aux gens atteints de dépression et de pensées suicidaires. Elle sera lancée au mois de novembre.

Actuellement, il y a plusieurs lignes sans frais dans chaque province, mais le nouveau service de prévention va simplifier la donne en ayant un seul numéro qui redirige l’individu au service local de santé mentale approprié de manière automatique, indique-t-elle. Un des aspects de la stratégie québécoise était de créer un seul numéro de téléphone pour faciliter l’accès.

Mmes Keane et Campbell ont critiqué la ministre Philpott l’année dernière lorsqu’elle a commenté, après une vague de suicides chez les autochtones, que le Canada n’avait pas besoin d’une stratégie nationale parce que les provinces avaient des stratégies appropriées.

Le Québec a réduit son taux de suicide du tiers après avoir lancé sa stratégie de prévention du suicide en 1999.

– The Lancet

« Nous n’avons pas besoin d’une stratégie nationale »

Les experts ne sont pas tous d’accord qu’une stratégie nationale est essentielle. Le Dr Stan Kutcher, un expert en santé mentale et suicide juvénile de l’Université Dalhousie, recommande une approche plus pragmatique sous la direction des provinces.

« Nous n’avons pas besoin d’une stratégie nationale, il faut plutôt que les autorités provinciales s’assurent que leurs fournisseurs de soins, dont ceux en santé mentale, ont les aptitudes et les compétences nécessaires pour mettre en place le genre d’interventions qui fonctionnent », affirme-t-il.

Toutefois, le Dr Kutcher applaudit le succès du Québec dans l’amélioration de l’éducation des fournisseurs de soins et de services d’urgence. Selon lui, il faut soutenir et effectuer un suivi avec ceux qui ont effectué des tentatives de suicide ou qui ont des problèmes de santé mentale, soulignant que cette approche est peu dispendieuse et peut être mise en place par chaque province.

« Nous avons cette étrange combinaison d’interventions que nous pourrions mettre en place et que nous savons efficaces, mais nous ne les mettons pas en place », remarque-t-il.

« Et nous avons des interventions pour lesquelles il y a peu ou pas de preuve qu’elles fonctionnent, mais elles sont soutenues par un bon marketing et dirigées vers le communautaire, et nous n’avons aucune preuve qu’elles font ce qu’elles sont supposées faire. »

Jared Gnam est un journaliste-pigiste basé à Vancouver.

Version originale : Public Should Demand a National Suicide Strategy From Ottawa, Says Advocate

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