Ce qu’il faut savoir sur le traité New START, qui arrive à expiration entre les États-Unis et la Russie
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Le président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine se serrent la main à leur arrivée pour un sommet américano-russe sur l’Ukraine à la base conjointe Elmendorf-Richardson à Anchorage, en Alaska, le 15 août 2025
Le traité New START, pacte nucléaire entre Washington et Moscou signé en 2010, arrive à échéance l’an prochain. Il fixe un plafond pour les armes stratégiques déployées et autorise des inspections pour garantir le respect par les deux partenaires.
Sans ce traité, les deux principales puissances nucléaires se retrouveraient pour la première fois depuis des décennies sans limitation contraignante.
Moscou a proposé une prorogation de l’accord, une idée jugée « excellente » par le président Donald Trump, une déclaration accueillie favorablement par la Russie, qui y a vu « des raisons d’optimisme ».
À l’approche de la date butoir du 5 février 2026, voici les grands enjeux du traité New START, les obstacles à sa reconduction et les appels à intégrer d’autres puissances nucléaires aux discussions.
L’offre de Moscou
Le président russe Vladimir Poutine a déclaré, le 22 septembre, que la Russie est prête à respecter les plafonds fixés par le traité en matière d’armes nucléaires et de lanceurs, même après l’échéance.
Il a ajouté qu’une extension faciliterait la reprise du dialogue avec les États-Unis, à condition que les discussions abordent aussi les principaux dossiers de sécurité.
Le président russe Vladimir Poutine, à Pékin, le 2 septembre 2025 (Sergey Bobylev/AFP via Getty Images)
Les intentions de Moscou au-delà de cette extension restent floues. Poutine souligne que la décision de maintenir ces plafonds dépendra d’une évaluation future de la situation.
Il précise également que la Russie ne tiendra ces engagements que si les États-Unis s’abstiennent d’actions susceptibles de rompre l’équilibre actuel de dissuasion.
Pourquoi c’est crucial
Les États-Unis et la Russie détiennent ensemble près de 90 % des armes nucléaires mondiales.
La Russie disposerait d’environ 5459 ogives nucléaires et les États-Unis de quelque 5177, selon la Federation of American Scientists.
Ces chiffres incluent aussi bien les armes actives que celles retirées du service mais non encore démantelées.
Statistiques mondiales des forces nucléaires, 2025, inventaire total (Source : Federation of American Scientists)
Le traité New START limite chaque pays à un certain nombre de missiles à longue portée et d’ogives déployés, tout en imposant des plafonds pour les lanceurs et bombardiers lourds, qu’ils soient déployés ou non.
Le traité encadre aussi les armes les plus puissantes de Russie, comme les missiles Avangard et Sarmat, capables d’atteindre le territoire américain en une trentaine de minutes.
Bien que la Russie puisse techniquement doter ses missiles et bombardiers de beaucoup plus d’ogives, l’accord l’en empêche.
Sans le traité New START, les États-Unis perdraient un important accès aux informations sur le dispositif nucléaire russe.
Le département d’État américain avertit que sans mesures de vérification, Washington disposerait de « moins de certitude » sur l’arsenal russe et de « moins d’éléments » pour orienter ses propres choix nucléaires.
Typologie des armes nucléaires
Les traités de contrôle des armements tels que le New START font souvent la distinction entre les ogives nucléaires déployées et non déployées.
Les ogives déployées sont déjà installées sur les vecteurs (missiles balistiques intercontinentaux, missiles balistiques lancés par sous-marins ou bombardiers stratégiques) et prêtes à l’emploi.
Celles qui ne sont pas déployées sont gardées en réserve ou en attente de démantèlement, sans être montées sur les lanceurs.
Le sous-marin nucléaire lanceur d’engins Ohio USS Wyoming approchant la base navale de Kings Bay, Géorgie, le 9 janvier 2008 (Lt. Rebecca Rebarich/U.S. Navy)
Autre distinction fondamentale : les armes stratégiques, à longue portée, conçues pour des frappes intercontinentales (par exemple de la Russie vers les États-Unis), et les armes nucléaires tactiques, de portée plus courte, destinées à être utilisées sur un champ de bataille.
Le traité New START plafonne pour chaque camp à 700 le nombre de missiles et de bombardiers à longue portée déployés, à 1550 le nombre d’ogives nucléaires déployées et à 800 le nombre total de lanceurs et de bombardiers, qu’ils soient déployés ou non.
Points d’achoppement
Le traité a été prolongé de cinq ans en 2021, peu après l’entrée en fonction du président américain Joe Biden.
La vérification est au cœur du texte, avec des inspections sur site et des échanges réguliers de données sur les arsenaux nucléaires.
En février 2023, la Russie a suspendu sa participation, affirmant qu’elle continuerait à respecter les limites, mais sans inspections ni transmission de données.
Les États-Unis considèrent cette suspension comme « légalement invalide ». Washington a riposté en retenant certaines données et en bloquant les inspections russes, soulignant qu’une coopération complète pourra reprendre si Moscou en fait de même.
Le département d’État a aussi estimé que la guerre en Ukraine ne justifie pas la non-conformité de Moscou.
Vers un accord multilatéral ?
Les deux parties évoquent également d’autres pays.
Donald Trump a manifesté son intérêt pour associer la Chine aux discussions sur les limites nucléaires, quand Moscou souhaite que le Royaume-Uni et la France, alliés de Washington, soient eux aussi intégrés au processus.
Depuis son premier mandat, Trump milite pour que la Chine rejoigne le dialogue sur le contrôle des armements, avertissant que Pékin multipliait rapidement ses capacités.
Il a réaffirmé ce point en août, précisant avoir évoqué ce sujet lors de son sommet avec Poutine à Anchorage, souhaitant voir la Chine impliquée dans le processus.
Donald Trump (C., dr.) et Vladimir Poutine (C., g.), entourés du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et du secrétaire d’État américain Marco Rubio, lors du sommet américano-russe sur l’Ukraine à Anchorage, le 15 août 2025 (GAVRIIL GRIGOROV/POOL/AFP via Getty Images)
La Chine, qui détient environ 600 ogives nucléaires, a jusqu’ici refusé l’idée de s’asseoir à la table des négociations.
Moscou, de son côté, souhaite que Londres et Paris participent à la discussion, en tenant compte de leur potentiel nucléaire — 225 ogives côté britannique et 290 côté français.
Le Kremlin estime que la renégociation du traité New START doit débuter sur des bases bilatérales, tout en soulignant qu’il sera à terme impossible d’exclure les arsenaux britannique et français du processus.
Evgenia Filimianova est une journaliste basée au Royaume-Uni qui couvre un large éventail de sujets nationaux, avec un intérêt particulier pour la politique britannique, les procédures parlementaires et les questions socio-économiques.